Après l’attentat, Jean-Paul II demanda aux fidèles de prier pour «son frère (Ağca), à qui j’ai sincèrement pardonné». En 1983, Jean-Paul II et Ağca se sont rencontrés dans la prison italienne où celui-ci était détenu et ont parlé en privé. Selon un article de presse, le pape a gardé le contact, jusqu’à sa mort, avec la famille d’Ağca. Il a même rencontré la mère et le frère de celui-ci une décennie plus tard.
En 2009, Ağca déclarera avoir abjuré depuis le 13 mai 2007 la foi musulmane, et être devenu un fidèle de l’Église catholique romaine, ajoutant qu’il espérait un jour pouvoir aller prier sur la tombe de Jean-Paul II. Il sortira finalement, après 29 ans d’enfermement, le 18 janvier 2010.
Le 21 mai 2012, des inconnus, membres d’organisations favorables aux putschistes de Kati, essayèrent d’assassiner le Président intérimaire du Mali, Dioncounda Traoré, dans son bureau à Koulouba. Il fut frappé, agressé, molesté, déshabillé même (excusez la précision) et dépouillé, avant d’être transporté au Point G, puis à l’Hôpital Mère – Enfant Le Luxemburg pour des examens et des soins. Il sera par la suite évacué sur l’hôpital du Val de grâce à Paris, où il sera opéré du front suite aux coups de marteau qu’il avait reçus.
Cet homme de 70 ans, qui fait apparemment moins que cet âge, a vraiment souffert, dans sa chair et dans son âme. Ses agresseurs ne sont toujours pas identifiés. Malgré tout, comme le Pape Jean-Paul II, il dit avoir pardonné à ses bourreaux et demande aux Maliens d’en faire autant. Il est allé encore plus loin, en usant d’une formule de la Bible, «ceux qui m’ont agressé ne savaient pas ce qu’ils faisaient».
En musulman pratiquant, lui qui fréquente dans la plus grande discrétion chaque vendredi la Grande mosquée, située à une centaine de mètres seulement de l’Hémicycle, Dioncounda Traoré dit accepter volontiers les souffrances qu’il a subies si c’est vraiment par là qu’il fallait passer pour que le peuple du Mali retrouve l’équilibre, la paix et la cohésion sociale.
Pour tout dire, Dioncounda Traoré s’est montré grand en cette occasion. Grand par la noblesse de ses propos. Grand par le cœur. Sans amertume, sans rancune, sans esprit de vengeance, il l’a prouvé à la face du monde. Dioncounda Traoré s’est aussi montré grand par le vœu qu’il a exprimé, du fond de son cœur, de voir son cadet, son cousin à plaisanterie, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, réussir la mission qui est la sienne aujourd’hui.
Comme Jean-Paul II, Dioncounda Traoré a montré qu’il était lui aussi capable, l’un de ces quatre jours, d’aller rendre visite à ses agresseurs en prison, si ceux-ci venaient à être arrêtés puis condamnés, puisque, comme l’a si bien dit le brillant avocat Me Konaté, le pardon de Dioncounda Traoré ne changera en rien la procédure judiciaire engagée.
Le cas Dioncounda Traoré nous rappelle également, sans bien sûr exagérer, le meilleur de nous tous, Nelson Mandela. Madiba, comme l’appellent affectueusement ses compatriotes sud africains, est le symbole vivant de la tolérance, du pardon, de la coexistence pacifique, sans discrimination aucune.
Les Maliens doivent aujourd’hui plus que jamais écouter la voix de Dioncounda Traoré. Celle-là même qui nous demande de nous donner la main pour transcender la situation actuelle et sortir de cette crise. Qui dit mieux!
Chahana Takiou
Le 22 Septembre 20/06/2012