Choisis pour leur passé moins encombrant, voire séduisant, l’ancien Président de la République Ibrahim Boubacar Keita et l’actuel Président de la transition Bah N’Daw ont déjoué négativement tous les pronostics favorables à leur encontre. Le premier, à savoir IBK, après avoir été l’élégant conseiller à la présidence de la République, le tonitruant Ambassadeur du Mali en Côte d’Ivoire, l’éloquent ministre des affaires étrangères, capable de tenir un discours en Anglais dans les grands foras internationaux, après avoir été le premier ministre de poigne et de grande longévité et enfin le Président de l’Assemblée Nationale, a été malheureusement un piètre Président de la République. Pour parvenir à ce poste il n’a eu aucune difficulté majeure à se faire élire, surtout après un coup d’Etat qui a mis le compteur politique à zéro en 2012.
L’ère IBK a été celle de tous les maux au Mali, une insécurité grandissante, la corruption à ciel ouvert, le clientélisme à outrance, la culture de l’impunité et de la médiocrité, la désagrégation du Mali, la guerre intercommunautaires dans un pays considéré comme une Nation. Cette insécurité grandissante a eu comme corolaire des crimes odieux, d’extrême pauvreté et de déplacement massif des populations. Pour rappel, c’est ce tableau sombre de la gestion chaotique d’IBK qui a été à la base d’un soulèvement populaire entrainant la chute de son régime.
En effet, pour que sa chute soit la plus élégante possible, les militaires putschistes regroupés au sein du Comité National pour le Salut du Peuple, CNSP, ont pris leur responsabilité un 18 Août 2020, en parachevant quatre mois de combat du peuple, regroupé au sein du Mouvement du 5 Juin Rassemblement des Forces Patriotiques, M5 RFP, en arrêtant IBK, sans effusion de sang. Mis hors d’état de nuire, IBK et son régime ont été tout simplement une grande déception, car le Mali a connu pendant les sept ans de son règne les pires catastrophes de son histoire.
Ironie de l’histoire, après le coup d’Etat, que d’aucuns ont qualifié de coup de grâce, les putschistes, au lieu de coopérer avec l’ensemble des forces patriotiques, ont préféré faire cavalier seuls en écartant les acteurs majeurs de la révolution. La suite est connue, Assimi Goita et ses frères d’armes ont choisi des hommes et des femmes qu’ils estiment capables et moralement aptes pour gérer la transition. Leur premier choix s’est porté sur Bah N’Daw, un ancien colonel à la retraite connu et reconnu pour son intégrité morale et son sens de la patrie, pour être le Président de la transition. Bien qu’étant choisi unilatéralement par les putschistes, Bah N’Daw a été accepté, voire même applaudi par un grand nombre des citoyens maliens qui se rappellent encore de ses multiples actes de bravoure en démissionnant à chaque fois qu’il n’était pas d’accord avec une décision ou une loi. Une deuxième grosse erreur, après celle des putschistes de 2012, car sans accorder de l’importance aux autres qualités qui font d’un homme un leader, Assimi Goita et ses compagnons d’infortunes ont hissé l’ancien colonel Bah N’Daw au sommet de l’Etat.
Plus de trois mois après son investiture comme Président de la transition, les langues commencent à se délier, car les bourdes se multiplient et le Mali a fortement régressé sur tous les plans. Le front politique, loin de s’apaiser, est véritablement en ébullition, le front sécuritaire s’aggrave tous les jours. Si hier c’est seulement le nord et le centre qui étaient concernés par l’insécurité, aujourd’hui elle sévit jusque dans la capitale malienne. Comme si ces deux ne suffisaient pas c’est le front social qui s’enflamme également avec la grève illimitée des administrateurs civils et celle de l’UNTM qui vient d’achever une période de cessation de travail de 5 jours. C’est d’ailleurs en réaction à ces différentes grèves que le Président de la transition a traité des malades mentaux les travailleurs qui acceptent d’aller en grève pendant cette période cruciale de la vie de notre pays. Il a même ajouté que les grévistes auront à faire avec lui, comme si le Mali était sa propriété privée.
IBK comme Bah N’Daw, les maliens semblent s’être trompés de marchandises en pensant trouver la solution à la mal gouvernance et à la crise multidimensionnelle.
Youssouf Sissoko