Le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique lance les cours à distance suite à la fermeture des écoles à cause de la pandémie du coronavirus.
Dans un pays où les méthodes d’enseignement ne sont pas homogènes, où la couverture médiatique et téléphonique du territoire est insuffisantes, l’initiative des cours à distance est plutôt inédite et improvisée. Il pourrait tenter de maintenir la continuité des cours, mais le niveau des élèves n’y gagnera rien.
« On ne remplit pas sa bouche du couscous sec sans s’assurer qu’on a la salive nécessaire pour le mouiller », dit un proverbe bambara. Les autorités scolaires maliennes n’ont pas visiblement mesuré la portée de ce proverbe bien connu, avant d’amorcer cette initiative de cours à distance.
D’abord, le Mali ne s’arrête pas à Bamako, où il y a un minimum de certitudes qu’assez de familles disposent de post-téléviseurs et de l’électricité pour suivre les cours à distance. Et là, l’endémie de délestages nous appelle à la prudence, car certains quartiers de Bamako peuvent faire une heure à 8 heures sans électricité. Alors, un élève victime de cette situation perdra inéluctablement le bout du fil, puisque la mesure ne tient pas en compte, pour l’instant, la nécessité d’une rediffusion.
En plus de cela, certaines agglomérations du Mali n’ont d’électricité qu’à partir de 18 h tandis que les cours ne se passent que dans la journée. S’ils doivent se contenter de la radio, ce serait sans certaines matières scientifiques dont il faut forcement voir les démonstrations, les calculs, les figures géométriques, les expériences de physiques et chimie, etc..
En misant sur les cours en ligne, il faut savoir que c’est seulement 29% de Maliens de plus de 15 ans qui utilisent internet, selon l’ONG Free Press Unlimited. A ceci s’ajoute la cherté du forfait internet.
Par ailleurs, le gouvernement n’a aucune certitude que les élèves suivent les cours, puisque les directions d’écoles, qui servent de relais entre les écoles et les instances décisionnelles de l’éducation, n’ont pas été en amont associées à la démarche. Dans ce cas, le nécessaire suivi n’est pas assuré.
Les parents et élèves sont-ils au courant ? Pas si sûr, quand on se base sur l’étude de l’ONG Free Press Unlimited, qui montre que le niveau d’information de la population malienne est de 43% à Bamako ; 18% dans les grandes villes de l’intérieur ; 7% dans les zones rurales. Ce qui montre que tous les intéressés ne sont pas au courant, vu qu’il n’y a eu qu’une semaine d’intervalle entre l’annonce de la décision et le début de ces cours.
En ce qui concerne la disponibilité des élèves, elle n’est pas plus certaine que l’aspect de l’information. Car au Mali, s’il n’y a pas de classes, les enfants font de petits boulots. Ils servent de mains d’œuvres dans les champs, sur les chantiers, dans les marchés. Difficiles que les parents laissent échapper ces saisonniers moins chers surtout à l’approche de la saison agricole. D’habitude, dans les zones rurales, certains parents n’hésitent pas à réquisitionner leurs enfants en pleine année scolaire pour les travaux préparatifs des champs. Ce n’est pas maintenant qu’ils les laisseront aller suivre la télé, tandis que le fumier attend d’être transporté au champ. Surtout qu’il n’y a eu aucune sensibilisation.
En rentrant dans le fond, nous trouvons qu’il y a assez de problèmes. Beaucoup d’enseignants témoignent que l’actuelle méthode d’enseignement, qui est la méthode active n’est pas respectée par tous. Certains enseignants le respectent, alors que d’autres font le mélange avec la méthode traditionnelle. Cela atteste que les élèves comprendront différemment la méthode à distance.
Dans la même veine, les cours diffusés sur les chaînes nationales ne permettent pas de feedback, qui est la participation active des élèves. Ce qui est hétérodoxe aux principes de la méthode active en vigueur.
En outre, l’on a l’impression que les enseignants, qui exposent ces cours, ne font qu’une lecture de ce qui se défile sur l’écran, ce qui n’est pas vivant. En outre, beaucoup de fautes d’orthographes et grammaticales sont signalées chaque jour par des téléspectateurs avisés. Cela, malgré la validation des leçons par le comité pédagogique mis en place pour la circonstance. Ce qui constitue un cheveu dans notre soupe!
Avec toutes ces insuffisances et ces manquements, et eu égard au cortège des années scolaires étriquées, il urge que le département revoie la copie de cette école par la télé/radio et l’internet.
Harouna KONE