Suite à l’article de l’association « Repères » intitulé « Grande contribution à la Non falsification de l’Histoire du Mali, l’Association « Repères » remet les pendules du CMLN-UDPM à l’heure » ; paru dans les colonnes de notre livraison Nº111 du vendredi 6 mai 2016 à la page 4 , sous la plume de I.G Maiga, le Pr. Oumar Kanouté, l’un des auteurs du Livre « le Mali sous Moussa Traoré » nous a fait parvenir leur Droit de réponse que nous publions ici in-extenso. C’est un bon débat que la rédaction de votre journal encourage entre les bourreaux et leurs victimes, entre ceux qui ont médiocrement dirigé le Mali de 1968 à 1991 et ceux qui par leur combat démocratique ont accepté de souffrir le martyre souvent au péril de leur vie pour que vive un Mali démocratique offrant des chances égales à tous.
Autant M. Djibril Diallo et son équipe ont le droit de défendre leur bilan, autant le Mouvement démocratique a l’ardente obligation de se retrouver pour que jamais nul n’oublie d’où nous venons. Le peuple reste avant tout le seul juge, il saura trancher.
« Les auteurs du livre Le Mali sous Moussa Traoré ont pris connaissance d’une tribune intitulée : « Grande contribution à la non falsification de l’histoire du Mali », sous la signature de l’Association Repères et I.G. Maïga. Ils pensent mettre les pendules à l’heure en nous apportant la contradiction. Ils nous donnent plutôt raison.
En effet, en nous reprochant de nous cramponner « seulement sur deux réalisations opérées en 23 ans de pouvoir », I.G. Maïga apporte en fait un démenti à ceux qui soutiennent que rien n’a été réalisé sous Moussa Traoré. Nous l’encourageons toutefois à faire un petit effort de lecture plus attentive. Il découvrirait alors que douze des quatorze chapitres de l’ouvrage sont consacrés aux réalisations effectuées dans les domaines suivants : les infrastructures, la santé, l’éducation nationale, la défense et la sécurité, la diplomatie, la liberté d’expression.
Il affirme que le barrage de Sélingué et la route Sévaré-Gao sont des projets de la Ière République. Ce qu’il ne dit pas c’est que ces projets auraient pu être abandonnés après la chute du régime. Or, tel n’a pas été le cas. Ce faisant, nolens volens, il va dans le sens des auteurs du livre qui s’inscrivent en faux contre la logique d’opposition stricte entre ce qui s’est produit avant novembre 1968 et ce qui s’est produit après. Ils mettent au contraire en relief ce que tout observateur faisant preuve d’objectivité décèle entre les deux périodes, à savoir : ruptures et continuité.
Ainsi donc, en reconnaissant que Sélingué et Sévaré-Gao sont à l’actif du régime du CMLN et qu’ils ont vu le jour dans la logique de la continuité de l’Etat, I.G Maïga et l’Association Repères apportent assurément « une grande contribution » à la non falsification de l’histoire.
I.G. Maïga rappelle ensuite qu’en huit ans (1960-1968) près de quarante Sociétés et Entreprises d’Etat ont été créées par le régime de l’US-RDA. :
Créer une société est une chose, maintenir une société viable en est une autre..
I.G. Maïga fait cas de « la création d’un département chargé de les gérer » et il poursuit en précisant « c’est ainsi que le Ministère de Tutelle des Sociétés et entreprises d’Etat a vu le jour en 1962…»
De 1959 à 1968, le Président Modibo Keïta a constitué six gouvernements : 16 avril 1959 ; 22 septembre 1960 ; 25 janvier 1965 ; 16 septembre 1964 ; 15 septembre 1966 ; 7 février 1968. Le poste dont il est question a été créé le 15 septembre 1966 sous la dénomination « ministère du contrôle des sociétés et entreprises d’État », avec pour mission d’étudier les possibilités de leur restructuration, voire de leur liquidation. En effet, lors de la deuxième séance de la session ordinaire de l’Assemblée nationale tenue le 2 mars 1966, le Président Modibo Kéita, dans un discours reproduit par le quotidien L’Essor, organe de l’US-RDA, numéro 4828 du jeudi 3 mars 1966, déclare : « Dans ce secteur, un grand effort d’assainissement reste à faire, tant certaines de nos sociétés et entreprises sont devenues sources de déficit pour l’Etat.
Les études en cours en vue de diagnostiquer l’état de nos entreprises seront poursuivies. Les sociétés et entreprises qui n’ont aucune perspective de rentabilité devront être supprimées. Celles qui seront jugées viables feront l’objet d’une restructuration et seront convenablement dotées en moyens de toutes sortes ». C’était dans la perspective de l’exécution d’un plan d’assainissement et de redressement. Le département deviendra, le 7 février 1968, « ministère des Sociétés et Entreprises d’État », au lendemain de la signature des fameux accords monétaires franco-maliens.
Dans le même ordre d’idées, le Président Modibo Kéita, s’agissant du domaine de l’administration générale, déclare : « notre effort devra tendre vers la rationalisation des services, vers la réduction des effectifs, la réorientation de certains agents vers les secteurs productifs. Dans ce cadre, l’Etat aidera, par une politique appropriée de crédit, les agents désirant sortir de la fonction publique pour pratiquer une activité productive. » N’était-ce pas déjà une invitation au départ volontaire ?
Sans transition, I.G. Maïga rappelle un passage du Rapport sur le procès de Moussa Traoré ex chef de l’Etat du Mali du juge Sénégalais Laïty KAMA. C’est un excellent rappel et les auteurs du livre Le Mali sous Moussa Traoré se proposent de revenir sur ce procès pour mieux édifier sur ses points d’ombre. Mais, pour l’instant, ceci : si I.G. Maïga avait continué la lecture du rapport, il aurait découvert que le déroulement de ce procès fut loin d’ « être à l’honneur de la jeune démocratie malienne ».
En effet, à propos de ce procès, Laïty Kama se prononce, page 9, sur ce qu’il nomme « le caractère bâclé du dossier ». A propos de l’arrêt de renvoi, il écrit : « L’on ne s’étonnera pas que l’arrêt de renvoi des inculpés devant la Cour d’assises de Bamako ait été d’une qualité plus que médiocre parce qu’à l’image d’une instruction insuffisante. »
A propos des « débats de la cour d’assises et de leur conduite », M. Kama écrit, page 12 du rapport : « L’attitude personnelle du Président Mallé DIAKITE d’empêcher un accusé ou un témoin d’aller au fond de sa déposition pour mettre fin au suspens, laisse perdurer le doute. » A l’issue du procès, le président Moussa Traoré a été condamné sans que sa culpabilité fût établie. En effet, toujours selon M. Kama, page 15 du rapport : « Lors de sa déposition, il (le lieutenant-colonel Bakary Coulibaly) a reconnu n’avoir reçu d’instructions ni de Moussa Traoré, ni du Ministre de la Défense ni du chef d’État Major des Armées. »
Enfin, I.G. Maïga termine sa « grande contribution » par ce qu’ « il faut retenir » « sur le plan éducation »
Sur ce point également, il s’échine à faire preuve de grand connaisseur, en rappelant certaines dates sans que l’on sache au juste où il veut en venir, ce à quoi rime son énumération.
S’il avait vraiment lu le chapitre X, page 123 à 138 de notre ouvrage, il aurait fait l’économie d’une gymnastique intellectuelle superfétatoire. A la page 133, on peut lire ceci : « …en une décennie, d’énormes succès furent remportés dans la mise en œuvre d’un système éducatif authentiquement national. Et cela fut possible parce que le CMLN, plutôt que de se comporter en iconoclaste, a compris que l’Etat est une continuité. Capitalisant ce qu’il a hérité du régime précédent, il l’a expurgé de ses insuffisances pour en faire un efficace outil de développement économique, social et culturel. » En d’autres termes, c’est dire qu’en continuant ce qui a été ébauché de 1960 à 1968, le «dictateur » a permis à plus d’un jeune Malien d’effectuer la totalité de ses études, de la 1ère année de l’école fondamentale au doctorat d’État, sans sortir des limites du territoire national.
La « Grande contribution à la non falsification de l’histoire du Mali » s’achève par ces mots : « toutes les écoles de formation des maîtres ont été fermées et l’éducation civique supprimée du programme d’enseignement au Mali et dans toutes les écoles. » C’est encore là une des contre-vérités flagrantes proférées à propos du président Moussa Traoré. Jamais, il n’a fermé d’écoles de formation de maîtres. Au contraire, il les a restructurées et leur a attribué de nouvelles localisations.
A ce propos, un rappel. Avant l’institution du concours direct pour accéder à la Fonction publique, l’accès aux établissements dont il est question, se faisait par voie d’orientation. Avec l’institution du concours, le mode d’accès fut changé. Cela a conduit à une désaffection des écoles de formation de maîtres. Le « dictateur » en tire les conséquences, regroupe les Instituts Pédagogiques d’Enseignement Général (IPEG) sur deux nouveaux sites : Kangaba et Niono ; scinde l’École Normale Secondaire de Badalabougou (EN. SEC) en deux entités : à San, une EN. SEC pour les formations à dominantes littéraires et, à Koutiala, une EN. SEC pour les formations à dominantes scientifiques. Les locaux de Badalabougou, évacués par l’EN. SEC, furent occupés par l’EHEP. Telle était la situation des écoles de formation de maîtres avant la chute de la IIè République. Par la suite, une décision ministérielle a porté suppression des IPEG de Diré, Kayes, Sikasso et Bamako. Le président Moussa Traoré n’était plus au pouvoir. Alors, question : qui a fermé les écoles de formation de maîtres ?
Concernant l’ECM, l’Éducation Civique et Morale, à la suite de la chute de la Iè République, l’enseignement de la politique comme discipline à l’école fut supprimée, mais l’éducation morale est restée enseignée. En effet, la partie supprimée était consacrée à la connaissance de l’US-RDA. Or, le parti était suspendu. L’éducation civique sera rétablie en 1985, pour être, de nouveau, supprimée en 1991, sous la Transition, pour les mêmes raisons.
En définitive, les auteurs du livre Le Mali sous Moussa Traoré n’auront cesse de faire comprendre à leurs détracteurs que pour eux , il ne s’agit pas de soutenir qu’un régime a fait mieux qu’un autre ; mais que, au nom du développement du pays, « dans le cadre de la continuité de l’État », un régime a consolidé des assises posées par le régime précédent.
A cet effet, nous disons à l’attention d’I.G. Maïga que combattre l’autre à coups d’invectives est la manifestation d’une réflexion en panne d’arguments. Ce que veulent nos lecteurs c’est qu’on leur serve non des clichés mais des propos susceptibles de les édifier. En voulant faire étalage de «sa vaste érudition » de façon irrévérencieuse, c’est autre chose qu’I.G. Maïga met à nu.
Quant à l’association si bien nommée Repères, nous l’invitons à méditer cette déclaration pleine de clairvoyance et de réalisme du Père de l’Indépendance : « Au lendemain de notre accession à l’indépendance, la République du Mali s’est résolument engagée dans la voie de la satisfaction des aspirations profondes du peuple. Malgré sa volonté de réaliser cette œuvre de grande envergure, les difficultés quotidiennes de l’édification économique allaient très rapidement nous apprendre qu’il y avait obligatoirement des choix à faire ; qu’un certain développement social ne pouvait être que la conséquence, la résultante d’un certain développement économique. » Ces propos tenus il y a cinquante ans, restent d’une brûlante actualité. »
Les auteurs de Le Mali sous Moussa Traoré