C’est son épouse elle-même qui relate les faits suivants: «Dans la nuit du 30 avril, on était au camp. Il était 18 heures. On entendait des coups de feu. J’ai pris peur et j’ai dit à mon mari, on n’a qu’à partir. Il n’a pas voulu. Moi, je suis montée au Point G avec les enfants, chez un de mes parents. J’étais même malade et j’ai un bébé qui n’avait même pas un mois. Aux environs de 21 heures, j’ai appelé mon mari. Il m’a répondu en ces termes: tranquillises-toi, ça va. Le lendemain, le 1er mai, je l’ai vu au journal télévisé, habillé en civil, aux côtés des personnes présentées comme des mercenaires. On a dit à mon mari de se présenter et il a décliné son identité, la vraie. Une semaine après, je l’appelle sur son téléphone, c’est une autre personne qui répond. Je continue d’appeler tous les jours, espérant qu’un jour il me répondra. Mais le téléphone est toujours sur répondeur, sauf vers 1 h voire 3 h du matin, ça sonne, mais personne ne décroche.
Après le communiqué du Procureur général de la Commune III, je suis montée à Kati le vendredi 15, pour essayer de trouver mon mari parmi les prisonniers. On a regardé sur la liste et on m’a dit qu’il n’était pas là. Sur place, j’ai eu des vertiges. Je n’ai pas pu maintenir mes larmes, j’ai chaudement pleuré. Je suis actuellement inquiète, angoissée. J’ai appelé certains de ses collègues, on m’a laissé croire qu’il vivait mais… J’ai fait des démarches auprès du juge d’instruction en charge du dossier, on m’a fait savoir que son nom n’y est pas…Je n’arrive pas à dormir et je voudrais savoir le sort de mon mari. Je voudrais savoir s’il vit ou s’ils l’ont exécuté? Je suis venue te voir pour que tu m’aides à retrouver mon mari, vivant ou mort?». Immédiatement après ce témoignage, nous avons appelé le Procureur Théra pour lui expliquer ce cas. Il m’a demandé de venir avec la dame dans son bureau.
Ce qui a été fait. Au cours de l’entretien, Sombé Théra, après vérification d’un document volumineux, a expliqué que le nom de l’officier n’était ni sur la liste des inculpés, ni sur celle des personnes en fuite, ni sur celle des morts enregistrés au cours des évènements. Cependant, il a promis de poursuivre les recherches. En début d’après-midi du mercredi 20 juin, le Procureur Théra nous appelle en disant ceci: «Takiou, le ministre de la Justice veut vous rencontrer avec la dame à 15 heures». Ce rendez-vous a été honoré. Le ministre, après avoir écouté le témoignage de Mme Cissé, s’est montré très gêné. Avant d’interroger la dame: «Est-ce qu’il n’a pas changé de nom?». «Non, mon mari ne ferait jamais ça». «C’est sûr que vous l’avez vu à la télévision le 1er mai?». «C’est certain, M. le ministre». «Il n’est pas à Kati?». « On m’a dit qu’il n’y était pas».
«C’est vraiment sérieux. Je ferai mes recherches et je vous demande beaucoup de courage… Je souhaite également que le journaliste, avec votre autorisation, nous donne 72 heures pour accélérer les recherches, avant qu’il n’écrive quelque chose sur cette affaire» a souhaité le ministre Malick Coulibaly. Mme Cissé a donné son accord. Nous également. C’est ainsi que, le samedi 23 juin, nous avons appelé le ministre de la Justice, pour nous enquérir des résultats de la recherche. Il nous a répondu: «au moment où je vous parle, je n’ai aucune suite. A 20H, on doit me faire un compte rendu. Mais à l’impossible nul n’est tenu».
Où est donc le lieutenant Abocar Kola Cissé? A-t-il été exécuté ou est-il caché quelque part Sa famille est inquiète. Elle veut savoir la vérité. Elle cherche le corps de Cissé, si jamais il avait été tué, pour faire son deuil selon les normes musulmanes. Son épouse, angoissée, ne sait toujours pas si elle doit se considérer comme étant en veuvage ou pas? Le Président du CNRDRE est vivement interpellé, et avec lui le Directeur de la Gendarmerie, le Colonel Diamou Kéïta, afin que la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, soit connue de la famille Cissé et du peuple malien. A suivre.
Chahana Takiou
Le 22 Septembre 25/06/2012