Du contenu des programmes pédagogiques à la formation des enseignants eux-mêmes, en passant l’inadéquation entre les filières de formation et le marché de l’emploi, la baisse du niveau de l’école malienne réside, selon lui, en bien des points. Décryptage.
« La baisse du niveau de l’enseignement au Mali : à qui la faute ? » était le thème d’une émission débat organisée mercredi 5 février dernier par le « Studio Tamani », retransmise en direct sur les antennes de ses radios partenaires de Bamako et de l’intérieur du pays.
Le thème est d’actualité, expliquent certains, pour qui cette émission intervient au moment où le débat est relancé au Mali sur le niveau de l’étudiant malien après le scandale d’un programme de téléréalité, intitulée « Case-Saramaya » ou « c’est moi la plus belle ».
Le passage des candidates dans cette émission télé a confirmé aux yeux de beaucoup d’observateurs le manque de culture générale de nos élèves et étudiants et leurs limites dans la maîtrise trop visible de la langue française. Pour certains, au-delà de son caractère pervers, l’émission traduit une réalité bien amère : la médiocrité de la formation de nos produits scolaires et universitaires.
Trois invités étaient appelés à débattre de cette thématique. Il s’agit d’Abdou Diarra, conseiller technique au ministère de l’Education, Sékou Sidi Diawara, chargé de communication au bureau de coordination de l’Association des élèves et étudiants du Mali, et Dr. Etienne Oumar Fakaba Sissoko, chargé des cours d’économie et de mathématiques appliquées à « Sup-Management » de l’université de Bamako et auteur d’une thèse de doctorat sur « la contribution de l’éducation à la croissance économique en Afrique de l’ouest : cas du Mali ».
D’entrée de jeu, l’universitaire s’est voulu catégorique : « Il faut agir tout de suite, et maintenant, pour sauver l’élite de demain ».
Ecole malade en plusieurs points
Si le représentant du ministère de l’Education, Abdou Diarra, a estimé que l’Etat a consenti beaucoup d’efforts pour accroitre le taux de scolarisation au Mali, il est d’avis que le niveau constitue encore le goulot d’étranglement. Pour le représentant du département de tutelle, l’Etat a beaucoup investi pour rehausser ce niveau à travers la mise en œuvre de plusieurs réformes du système éducatif.
« Ces réformes ne sont pas la solution », a tranché Dr. Etienne Oumar Fakaba Sissoko, pour qui le système scolaire tel que conçu par le ministère de l’Education ne permet pas d’avoir des élèves compétitifs. Et l’universitaire d’ajouter que pour comprendre cet état de fait, il faut remonter aux conséquences des programmes d’ajustement structurel en 1987, quand les marges budgétaires en terme d’éducation ont été réduites.
Le second point, a poursuivi Dr. Sissoko, c’est le contenu des programmes pédagogiques qui n’ont rien à voir avec le marché de l’emploi. Alors qu’il faut, dira-t-il, une cohérence entre les deux.
« Au primaire, a-t-il dénoncé, c’est la formation même des professeurs qui est à mettre en cause. Puisqu’avec un prof mal formé, il est clair que le niveau de l’élève va baisser. Donc, il faut mettre l’accent sur la formation de ces maîtres et la création d’écoles spécialisées, plus compétitives qui puissent accélérer ce processus ».
Dr. Etienne Oumar Fakaba Sissoko est de ceux qui estiment qu’il faut faire table rase avec le passé pour sauver notre école. « C’est tout le système éducatif qu’il faut revoir », a-t-il déploré, dénonçant le contenu de l’enseignement qu’on donne aux enfants, la façon de dispenser les cours, mais aussi et surtout la façon de former les enseignants.
Bref, pour l’universitaire, le contenu pédagogique, tel que dicté aujourd’hui par le ministère de l’Education, ne peut pas permettre au Mali d’avoir des élèves compétitifs au niveau international.
Avec un environnement d’études peu adéquat, un contenu non adapté aux besoins réels du pays, le manque de formation des enseignants eux-mêmes, sans oublier leur bas salaire, etc, il est difficile de compter sur une école crédible et performante au Mali. Il s’agira, selon l’universitaire, de dépolitiser l’école malienne et mettre l’AEEM dans son rôle réel.
Ibrahim Nasser
L’Indicateur du 2014-02-11