Selon le chercheur, le retour de Sophie Pétronin au Mali apparaît comme quelque chose de surprenant pour qui connaît le contexte et les circonstances de son enlèvement jusqu’à sa libération.
Pour Dr Aly Tounkara, ce retour a surpris plus d’un Malien.
Mais à y regarder de près, il n’y a rien d’étonnant de la revoir au Mali.
«Aux premières heures de sa libération, Sophie Pétronin a clairement laissé entendre que les groupes radicaux violents se battent au nom du référentiel musulman au Mali et il serait bon de les écouter», rappelle le spécialiste des questions de sécurité.
Il estime que l’ex-otage a dû succomber au charme de ces groupes.
Et de ce fait, elle penserait que les différents facteurs qui sous-tendraient le terrorisme et l’extrémisme violent sont justes.
Dr Tounkara rappelle aussi qu’elle s’était même permise de dénoncer comment les puissances occidentales exploitent de façon abusive le sous-sol des pays sahéliens.
Le directeur du CE3S pense que tout cela laisse entendre que le discours radical a eu raison de Sophie Pétronin.
Même s’il souligne qu’on ne peut pas forcément établir un possible lien entre son retour au Mali et l’hypothèse de regagner de nouveau les groupes radicaux violents, Dr Aly Tounkara soutient tout de même que Sophie ferait partie de ceux qui pensent que ces groupes méritent d’être écoutés et qu’on leur accorde une attention particulière.
« Sophie Pétronin savait pertinemment que retourner au Malipar des canaux officiels notamment passer par les représentations consulaires pour obtenir un visa était un cheminement qui pourrait connaître difficilement un dénouement heureux.
Ce qui l’a amenée à rentrer sur le territoire malien frauduleusement », estime le chercheur, qui précise que sur la foi des informations dont il dispose, elle serait passée par le Sénégal pour se retrouver au Mali.
Sur les motivations de son retour sur le sol malien, le spécialiste des questions sécuritaires au Sahel est formel.
« Il ne faut pas occulter le fait que lorsqu’on est éloigné des sociétés dites normales à la suite d’une prise d’otage, à notre retour dans ces sociétés, s’il n’y a pas une prise en charge globale surtout un suivi psychologique, on peut avoir le dégoût du vivre ensemble qu’on juge normal », analyse Dr Tounkara.
« Sophie serait dans cette nostalgie aujourd’hui de vivre parmi ces groupes radicaux violents, elle estime que le combat que mènent ces groupes est un combat de justice tout à fait légitime », souligne-t-il.
En plus de la dimension nostalgique dans son retour au Mali, Dr Tounkara estime que l’Occident pourrait paraître pour Sophie comme une sorte d’enfer vu les années passées au Mali dans la chaleur humaine. Aussi, vu toute la période qu’elle a connue entre les mains de ses ravisseurs, la vie en Occident pourrait lui paraître comme une vie isolée, d’exclusion et d’oubli.
Et de ce fait,il serait difficile pour elle de rester soit en Suisse soit en France pour le restant de sa vie.
En plus de cela, le directeur du CE3S pense qu’il ne faut pas occulter le fait que Sophie Pétronin a embrassé l’islam pendant sa captivité.
« Ce retour à l’islam reçu des groupes radicaux violents pourrait aussi expliquer son attachement à la terre sahélienne », soutient le chercheur.
D’après lui, il faut interroger le relâchement des services de contrôle ou de renseignement du côté de la France et de la Suisse qui a permis à Sophie de quitter le territoire occidental pour se retrouver de nouveau au Mali.
Dr Aly Tounkara est revenu sur l’accueil qui a été réservé à l’ex-otage en France après sa libération.
Il se souvient que le président Macron a, à la limite, boudé son retour à cause de sa prise de position en faveur des groupes radicaux violents.
De même pour le fait qu’elle avait clairement affiché une certaine sympathie pour ces groupes.
« On peut comprendre pourquoi la France et la Suisse seraient moins tentées de s’intéresser à Sophie Pétronin ou seraient aussi moins soucieuses de son avenir », explique le chercheur qui estime que l’ex-otage s’est finalement retrouvée dans une situation d’abandon, d’oubli ou même de diabolisation.
Ce qui, selon Dr Tounkara, expliquerait pourquoi elle a préféré revenir dans son ancien pays d’accueil qu’est le Mali non seulement pour revivre la chaleur humaine mais également pour pouvoir extérioriser sa foi en toute quiétude.
Le porte-parole du gouvernement français a estimé hier que le retour de Sophie Pétronin était une forme d’irresponsabilité. L’ex-otage a répliqué qu’elle se sentait chez elle au Mali et qu’elle n’était pas irresponsable.
Dieudonné DIAMA
Source: L’EssorMali