DPG DE Mariam Kaïdama Sidibé Quand l’effort d’exhaustivité l’emporte sur le réalisme

La première femme chef du Gouvernement au Mali a résumé sa DPG en un discours d’une quinzaine de pages, qui a tenu aux tripes l’hémicycle une bonne demi-heure avant d’arracher une salve d’acclamations des députés de l’écrasante majorité présidentielle. En attendant la deuxième phase de l’exercice, notamment les interrogations des parlementaires, on aura retenu une compilation de bonnes intentions et de vœux pieux visiblement difficile à concrétiser dans le temps imparti.

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La Déclaration de Politique Générale, comme il était loisible de s’y attendre, s’inspire naturellement du Programme de Développement Social et Économique et de la lettre de cadrage reçue du président de la République au lendemain de sa nomination, deux socles sur lesquels repose la batterie de promesses tenues par Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé devant élus de la Nation malienne. Aucun domaine n’a été laissé pour compte et, à la lecture, on en a au moins l’évidence que tout reste prioritaire et que l’héritage légué par son prédécesseur, Modibo Sidibé,  semble beaucoup plus pénible que cela n’est apparu dans les formules de courtoisie et de politesse utilisées par le chef de l’Etat lorsqu’il déposait la précédente équipe gouvernementale.  

-La fidélité  aux exigences de croissance et de mieux-être  

Ainsi en moins d’une année du deadline, l’ambition de faire du Mali une puissance agricole pendant le second mandat d’ATT demeure toujours d’actualité, en dépit des efforts consentis depuis plus de trois années, dans le cadre notamment de l’Initiative Riz. Mariam Kaïdam Sidibé prend à son compte le défi et compte le relever en tirant parti de la Loi d’Orientation Agricole (LOA) et avec la ferme conviction que le secteur  de l’agriculture constitue le principal moteur du développement du pays, un passage obligé pour l’épanouissement des concitoyens.

D’autres secteurs connexes, la pêche et l’élevage en l’occurrence, bénéficient également d’un clin d’œil assez significatif de la part de l’actuelle équipe, laquelle promet  d’offrir des opportunités aux acteurs privés desdits  secteurs, à travers la réalisation d’infrastructures appropriés. Par delà la priorité accordée à la production nationale, l’exécutif, sous l’égide de Mariam Kaïdama Sidibé, continuera à veiller scrupuleusement à l’approvisionnement correct des populations en denrées et produits de consommation, en accentuant notamment les efforts d’atténuation de la souffrance des populations pour ce qui concerne la stabilité des prix.       

Quant aux défis environnementaux, le gouvernement de MKS entend y faire face en intensifiant la préservation et la conservation de certaines richesses naturelles (eaux, sols, flore et faune) et en mettant également l’accent sur « des mesures d’adaptation aux effets des changements climatiques ».

Le secteur sanitaire n’est pas en reste. Les nombreux défis et attentes en termes d’accès  à la santé sont largement prises en compte dans la DPG à  travers une volonté renouvelée d’intensifier le combat contre des maladies dévastatrices comme le VIH/Sida, le paludisme, la tuberculose, le cancer, entre autres. A cela s’ajoute la promesse ferme d’améliorer la qualité des soins par l’extension des compétences d’établissements hospitaliers, le développement de la télémédecine, ainsi que par le renforcement de la référence. Ainsi, par delà la construction des centres de cardiologie et de transplantation rénale, de nombreuses  circonscriptions pourraient accueillir l’avènement de leur centre de santé de référence avant le 8 Juin prochain.

Les ambitions du gouvernement de Mariam Kaïdama Sidibé ne sont pas moins impressionnantes pour les domaines de l’énergie et de l’eau. Pour le premier secteur les actions vont porter sur la consolidation des capacités de production, de transport et de distribution de l’énergie avec un accent particulier sur le développement des sources d’énergies propres, tandis que dans le second l’équipe ambitionne de conforter la dynamique d’accès des populations à l’eau potable par la concrétisation des projets de Kabala, Missabougou et Kalabancoro, ainsi que par  la réalisation de moult autres points d’eau modernes en milieu rural. Pour les mines, secteur déterminant dans l’accroissement du PNB, les promesses vont de la  diversification des ressources  à l’intensification et l’optimisation  de  leur exploitation  en passant par une amélioration de leur impact socio-économique pour les populations riveraines.        

Toujours au chapitre de l’équipement et des infrastructures, le démarrage de nouveaux projets routiers et aéroportuaires sont annoncés par le nouveau Gouvernement qui attend par ailleurs de réceptionner d’autres projets en cours comme  le 3ème Pont de Bamako, les travaux d’extension et de modernisation de l’Aéroport de Sénou, entre autres.

Dans ma même veine, Mariam Kaïdama Sidibé a solennellement engagé son gouvernement devant les élus de la Nation pour procéder à l’extension de la couverture télévisuelle et radiophonique aux localités non couvertes ainsi que pour la réalisation, en l’espace d’un an, d’une deuxième chaine télévision publique, sans compter le développement des télécommunications et des nouvelles technologies de l’information.

– La sécurité  et la stabilité par le social  

La question de la sécurité  est un défi tout aussi récurrent et dont la solution, pour le gouvernement comme pour le chef de l’Etat, réside dans les actions concertées et la convergence d’efforts au niveau sous-régional. Ce créneau, selon Mariam Kaïdama Sidibé, sera exploité au gré de la volonté et des directives  reçues du premier responsable de la Nation, à travers notamment l’appui du gouvernement à toutes les initiatives allant dans le sens d’une conjugaison des efforts contre le phénomène de l’insécurité dans la bande sahélo-saharienne solution commune.

Parallèlement, l’Exécutif restera fidèle à ses missions traditionnelles de défense du territoire et de protection des personnes et des biens, tout en  s’attaquant aux racines profondes du mal par des initiatives de développement durable de la zone et d’épanouissement  socio-économiques de leurs habitants. Pour ce faire, une attention particulière sera accordée à la mise en œuvre du Programme Spécial pour la Paix la Sécurité et le Développement du Nord-Mali, a promis par ailleurs le chef du Gouvernement aux représentants du peuple.

Ces actions pourraient être confortées, par ailleurs, par une impressionnante offensive de charme en direction de la jeunesse, une couche sociale en faveur de laquelle le clin d’œil du nouveau gouvernement s’est manifesté par des promesses d’insertion professionnelle à hauteur de milliers d’emplois envisagés d’ici à la fin du régime. Ainsi, au recrutement de 3000 jeunes, entre 2011 et 2012 s’ajoute les promesses de finalisation du Programme Décennal de Formation Professionnelle pour l’Emploi ainsi que de mise en œuvre du Programme d’Appui à la Formation et à l’Insertion Professionnelle des Jeunes. Ces engagements n’incluent point les promesses de satisfaire aux attentes de 10 000 entreprises de jeunes endossées par le Programme d’Appui aux Jeunes entrepreneurs.                    

En dépit des efforts  déployés pendant les trois dernières années et la consécration d’un forum national au secteur de l’éducation, l’école demeure un casse-tête parmi tant d’autres legs indésirables du gouvernement précédent. Mais pour affronter les nombreux défis qui s’y rapportent, le même discours est ressassé : une refondation du système qui, aux yeux du Premier Ministre, pourrait être effective par la mise en œuvre des recommandations du Forum ainsi que par une série d’autres mesures allant de la construction de centaines de nouvelles infrastructures d’accueil à l’application des nouvelles réformes du secondaire en passant par une véritable stratégie d’épanouissement de l’enseignement supérieur et des pôles universitaires .

-Intransigeant sur la bonne gouvernance, les réformes et délais constitutionnels    

La corruption, l’autre domaine auquel un conclave national avait été consacré  par l’équipe précédente (Etats généraux sur la corruption), a également eu droit au chapitre. Le Gouvernement Maraiam Kaïdama Sidibé n’entend reculer d’un pouce par rapport à la détermination des pouvoirs à assainir les finances et à rationnaliser les dépenses publiques. Les exigences de la bonne gouvernance seront ainsi appliquées au grand dam de la corruption, de la délinquance financière et de l’impunité, mais sans préjudice de la préservation des de l’honneur et de la dignité de la personne humaine. Pour ce faire, les autorités gouvernementales promettent d’intensifier le mécanisme et renforcer les outils disponibles comme le BVG, la CGSP, les inspections de contrôle interne et les Pôles Economiques et Financiers. Toujours dans le domaine de la gouvernance, l’équipe Mariam Kaïdama Sidibé a pris pour son compte l’ensemble des attentes relatives au rapprochement de la justice des justiciables et s’engage à concrétiser le processus de réorganisation de la carte judiciaire longtemps prôné.

À quelques encablures de la fin du deuxième et dernier quinquennat, le processus de réforme institutionnelle ainsi que les élections générales et référendaires font figures de domaines qui, beaucoup plus que tout autre, polarisent les attentes et intérêts de la classe politique malienne.

Sur la première question, le nouveau Premier Ministre, sans la moindre réserve, s’engage à traduire dans la réalité la kyrielle de propositions du Comité d’Experts. Toutes choses devant déboucher sur l’organisation d’un référendum ainsi que sur la relecture de textes comme la loi électorale, les lois organiques relatives à l’organisation des Cours constitutionnel et suprême, la Charte des partis politiques, la régulation des médias, le Code des Collectivités, entre autres. La liste n’est pas exhaustive.

Dans la même foulée, la seconde question, en l’occurrence les élections générales, le chef du Gouvernement n’a l’air de trembler outre mesure devant l’impasse que fait peser sur lesdites consultations les équations du fichier électorale. Promesse ferme a été faite de se hisser à la hauteur de l’ensemble des défis y afférents  en organisant et en réussissant les joutes électorales de 2012 sans empiétement sur les délais constitutionnels. Priorités parmi tant d’autres, on voit mal comment ces deux aspects de la Lettre de cadrage, à savoir  pourront s’accommoder d’une dispersion d’efforts tels que l’exige la tendance de l’actuelle équipe à se montrer à hauteur de mission en embarrasser tout à la fois. En définitive, la DPG de Mariam Kaïdama Sidibé pèche par un effort d’exhaustivité qui incite forcément au doute sur le réalisme des admirables ambitions qu’elle déroule.

Comment, en effet, en si peu de temps réussir l’ensemble des attentes socio-économiques  en souffrance depuis plus de trois années quand l’essentiel des efforts doit converger vers une transmission paisible du pouvoir ? Ce grand péché de la Déclaration de Politique Générale manquera difficilement à la vigilance d’une tendance politique qui s’est toujours distinguée, à l’assemblée Nationale, par sa posture tatillonne sur la rationalité des engagements de l’Exécutif. Modibo Sidibé en avait les frais lors de son passage, Mariam Kaïdama va-t-elle bénéficier des faveurs de la discrimination positive ?

A.Keïta

Aurore 27/06/2011