DOUBLE CRISES SECURITAIRE ET INSTITUTIONNELLE Quels contours pour le Mali de demain ?


En effet, après toutes les expériences politiques vécues de 1960 à nos jours, de vraies questions se posent désormais à nous quant à l’avenir de notre nation en tant qu’entité géographique et socioculturelle. Malgré la communauté de destin pour la quasi-totalité de la population malienne (mêmes maux, mêmes problèmes, mêmes niveaux de vie, même niveau de développement, pauvreté endémique partout, taux de mortalité et de malnutrition infantile hors normes, espérance de vie au rabais…), il se trouve que ce sont toujours les mêmes qui attaquent la république.

Pourquoi ? Faut-il rappeler ici que selon les résultats des dernières enquêtes en la matière, la région de Sikasso, considérée comme « riche et prospère » enregistre le taux de malnutrition infantile le plus élevé au Mali ! Sûrement que beaucoup ne le savent pas. C’est dire que la misère et l’extrême paupérisation de la population, notamment en zones rurales, sévissent partout au Mali à l’instar de la plus part des pays africains.

Face donc à cette énième agression et la pire de tous les temps, le peuple honni, bafoué dans sa dignité, désemparé par le degré de déliquescence de son Etat et de son armée, est animé aujourd’hui d’un sentiment d’exaspération profonde.

Et pourtant, l’histoire des peuples qui se partagent ce territoire depuis les temps immémoriaux,  enseigne qu’aucune communauté ne peut raisonnablement se prévaloir d’une quelconque suprématie sur les autres en termes de bravoure, d’intelligence ou d’attachement à la patrie. Certes, il s’est toujours agi d’une minorité parmi une minorité, notamment un groupuscule de Touareg parmi les Touareg. Mais cette attitude commence à véritablement agacer la majorité silencieuse pour ne pas dire « éternellement docile ».

Le débat est aujourd’hui intense au sein de certaines organisations de la société civile malienne et même internationale. Quelle entente pour quel mode de vie en commun avec un groupuscule aussi belliqueux ? Le Mali, en tant qu’état et nation, devrait-il se bâtir uniquement selon la volonté et les exigences de quelques individus? Les 99% de la population doivent-ils continuer à subir les affres d’une minorité, quelle qu’elle soit ? L’appartenance à une nation, à une communauté et/ou à toute autre entité, doit-elle être perçue comme « une camisole de force » ? Un adage de chez nous ne dit-il pas que « môgôbèsiga i farikoloyoro min mâ, i kôrô li bi bô o yôrô dé lâ ».

Au sortir de la crise institutionnelle et sécuritaire du moment, il sera difficile que ces questions ne fassent pas l’objet de réflexions approfondies et sans passion.

Le Mali, la République du Mali, la nation malienne doit se retrouver et convenir, tous ensemble, de la meilleure formule qui puisse permettre de responsabiliser davantage les entités socioculturelles ou géographiques par rapport à notre volonté commune de vivre ensemble.

Grande nation disposant tout aussi d’un territoire vaste, le Mali est riche surtout de cette étendue de son territoire ainsi que de sa diversité socioculturelle. Toutes choses pouvant être considérées comme des atouts, mais, si on y prend garde, qui risquent de constituer des goulots d’étranglement pour le développement harmonieux du pays. Pendant que la majorité consent toutes sortes de sacrifices pour bâtir pierre après pierre une nation moderne, une minorité, manipulée par quelques individus, se rebelle régulièrement pour annihiler tous ces efforts. A un moment donné, l’Etat doit pouvoir se départir définitivement et une bonne fois pour toutes de « ses » renégats, dont il a souvent contribué à « leur fabrication ».

De 1963 déjà jusqu’en cette année 2012, le Mali fait face aujourd’hui à « sa » quatrième rébellion, si on tient compte de celles de 1990 et 2006. Ce sont toujours et chaque fois les mêmes. Et pourtant, ils sont considérés, à tort ou à raison, comme les enfants les plus choyés de la république.

Bientôt, le peuple, notamment la grande majorité  « docile » en aura ras-le-bol. Alors, personne ne peut prédire comment ce sentiment se manifestera et jusqu’où il pourra conduire le pays.

En effet, selon certains experts en économie, à  la fin du premier semestre de l’année 2012, le Mali aurait perdu plus de 1000 milliards de F CFA depuis le déclenchement de la crise, à travers notamment l’arrêt de la coopération bilatérale avec de nombreux partenaires entrainant du coup le blocage dans le financement de grands travaux d’investissements et la fermeture des chantiers et entreprises dans plusieurs secteurs d’activité.

C’est une lapalissade que de dire aujourd’hui que le Mali « agonise » économiquement et financièrement. Le manque de lisibilité et de visibilité dans la conduite des affaires de l’Etat vient aggraver une situation déjà plus que préoccupante, sinon dramatique. Malheureusement, nulle ne peut dire jusqu’à quand le pays s’en sortira et à quel prix.

Malgré, les derniers développements, tant à  l’interne qu’à l’externe, et l’option de plus en plus inéluctable d’une guerre, avec ou sans l’aval des Nations unies, combien d’années d’efforts et de sacrifices seront encore nécessaires pour juguler toutes les conséquences possibles de cette crise ? Nulle ne peut le dire aujourd’hui avec certitude et précision. Mais si c’est le prix à payer pour que le Mali survive, l’écrasante majorité des maliens y souscrivent.

Encore une fois, il faut que, ceux qui ont de tout temps pris les armes pour poser leurs problèmes, acceptent de changer de mode d’opération. Car, tout ce qui se conquière par les armes ne survit pas aux armes. Il est temps que l’on respecte cette majorité silencieuse. C’est le Mali tout entier qui y gagne. D’aucuns peuvent pas être d’éternels récalcitrants vis-à-vis de la république, pendant que d’autres doivent rester en « spectateurs ».

Désormais, il faut que tous les criminels paient pour leurs crimes ; les traitres pour leur trahison et les apatrides châtiés conformément aux textes de la république. Sinon, le peuple est fatigué de ces rebellions à répétition. Il n’est plus acceptable que quelques individus, quelques soient les raisons, les motivations et les moyens dont ils disposent, se permettent chaque fois de « prendre en otage » la vie de toute une nation entière. Il arrivera inéluctablement un moment où le peuple voudra son « indépendance » aussi bien vis-à-vis des « preneurs d’otage » que du pouvoir central. Alors, ce sera bonjour les dégâts, une situation qui ne profitera à personne.

A ce sujet déjà en août 2011 (il y a plus d’un an) j’attirais l’attention des autorités d’alors sur la situation sociopolitique et à l’environnement international, en ces termes les Maliens ne sont pas dupes. Nous sommes parmi les premiers à avoir fait notre révolution. Nulle ne peut apprendre à un vieux singe comment faire de la grimace. Du fait de sa maturité politique, le peuple malien sait quand, comment et quoi revendiquer. Il sait se faire entendre quand il le décide. Pour l’instant l’écrasante majorité silencieuse observe attentivement dans la sérénité qui caractérise les peuples des grandes nations. Mais… han ! Attention à ne pas réveiller l’eau qui dort! (Facebook le 22.8.2011 à 11 h 56 mn).

La suite des événements démontrent aujourd’hui que cette mise en garde n’a pas été prise suffisamment au sérieux par les tenants du pouvoir de l’époque. Ce qui devait arriver arriva alors à avec cette succession de crises sécuritaire et institutionnelle.

A chaque mal correspond un remède bien approprié. Jamais le pays n’avait connu une partition de fait comme c’est le cas depuis le 31 mars 2012. Le mal est complexe, compliqué et profond. Il faut donc pour en venir à bout une thérapie de choc et sans complaisance aucune.

En l’état actuel des choses, même si la porte « du dialogue et de la négociation » n’est pas encore totalement close, il est illusoire, voire irresponsable de croire ou d’espérer qu’on peut encore éviter une guerre. Puis qu’il en est ainsi, cette fois-ci, s’il y a effectivement guerre, elle doit être « implacable et imparable » comme l’a souligné le président de la république par intérim lors de la cérémonie d’investiture qui a fait de lui « le garant de l’intégrité territoriale et de la souveraineté internationale du Mali ».

En tout état de cause, l’Etat se doit de vite de résoudre la présente crise qui met très à mal les fondements mêmes de la nation et engager aussitôt après la réflexion en vue de doter définitivement la république « d’un code de bonne conduite » qui s’applique à tous et à chacun, sans exception aucune.

C’est pourquoi, parce qu’il y a urgence, qu’il faut aller sûrement. L’objectif étant de rétablir le Mali dans la plénitude de ses droits.

Ibrahima Sidibé

L’ Indicateur Du Renouveau 03/10/2012