Toutefois, la junte militaire n’entend pas rester en marge et menace de …tolérance zéro pour tous ceux qui s’hasarderont à proroger le délai de 40 jours qu’ils estiment constitutionnel. C’est là une lecture erronée de l’Accord Cadre CNRDRE-CEDEAO pour une sortie de crise. Puisque le nouveau Président de la République devra s’atteler à la nomination d’un Premier Ministre Consensuel, en accord avec le CNRDRE, ce qui est contraire à la constitution de 1992.
Bien qu’heureux, le président de l’Adéma-PASJ qui devient ainsi président de la République du Mali, a fort à faire. Il devra tout d’abord s’attaquer à l’épineuse question du Nord-Mali, livré à l’activité de groupes criminels et terroristes ; au retour des refugiés ; à l’organisation des élections libres, transparentes et apaisées… Et cela en 40 jours suivant l’article 36 de la Constitution du Mali du 26 février 1992.
Les défis à relever
Face à l’ampleur des défis constitutionnels et géopolitiques du Mali, la tâche s’annonce rude pour l’ensemble des acteurs du processus, notamment pour le président intérimaire Dioncounda Traoré et son Premier Ministre de transition qui aura à cœur de réunifier le pays sur la base de la négociation avec les groupes armées. Une option souhaitable, mais à défaut militaire pour déloger les rebelles des trois villes du Nord qu’ils contrôlent. Précisons qu’à Bamako, la reconquête du nord a déjà commencé, avec les nombreuses manifestations des collectifs pour le nord. D’ailleurs l’Accord Cadre en son article 10 prévoit un fonds d’assistance humanitaire pour les populations réfugiés du nord.
Pour organiser donc le scrutin présidentiel, le Gouvernement doit d’abord trouver une solution à l’insécurité au Nord, confronté à l’activité de groupes criminels, djihahistes voire terroristes. «Il y a une bonne centaine de combattants de Boko Haram à Gao. Ce sont des Nigériens et des Nigérians. Ils ne se cachent pas », a affirmé lundi Abdou Sidibé, un député du Nord. «Ils sont plus de 100» et «étaient les plus nombreux» lors de l’attaque du consulat d’Algérie, le 5 avril, confirme une source sécuritaire malienne. C’est pourtant un groupe dissident d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), le Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), qui a revendiqué l’enlèvement du consul algérien et de six membres de sa mission, toujours aux mains de leurs ravisseurs, selon Alger.
Président intérimaire ou Président de la Transition ?
C’est là l’amalgame et un piège pour le CNRDRE qui pense qu’il doit s’effacer au bout des 40 jours. Si c’était le cas, il ne devrait pas nommer un Premier Ministre de Pleins pouvoirs même si la situation de crise ne favorise pas l’organisation d’élections. La nomination d’un premier ministre par le Président intérimaire est une violation tacite de l’article 38 de la Constitution de février 1992. Avec cette nomination attendue, cela veut dire que nous sommes déjà en Transition dont la durée reste indéterminée. Puisque durant ce temps, il ne pourra pas révoquer le Premier Ministre de Pleins Pouvoirs, ni dissoudre l’Assemblée Nationale, les autres instituions de la République ou organiser un Référendum. Autant dire que la junte a été prise dans un piège et menace de prendre les armes au bout des 40 jours. La Communauté internationale doit être vigilante. D’ailleurs, des ministres ouest-africains avaient rendez-vous hier jeudi à Abidjan pour envisager l’envoi d’une force militaire régionale.
Boubacar KANTE et Bruno LOMA
Le Progrès 13/04/2012