Difficile médiation togolaise : Ni la Cédéao ni le Mali ne veulent perdre la face

Chacune des parties éprouve l’ardent désir de convertir de force l’autre à ses idées, éloignant de plus en plus les chances d’un compromis.

La médiation togolaise, considérée par beaucoup comme celle de la dernière chance, va buter sur la dure réalité de divergences difficilement surmontables sur fond d’influences françaises sur la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao). Ni celle-ci ni le Mali ne veulent perdre la face dans une crise qui a éclaté le 9 janvier dernier avec les lourdes sanctions économiques et financières. C’est là tout le problème et la raison principale pour laquelle le conflit est appelé à durer. Or, le travail du médiateur est de trouver une entente qu’on appelle «gagnante-gagnante» pour chacune des parties. Une telle entente permet ainsi aux deux parties de régler le litige puisqu’elles sortiront toutes les deux gagnantes du conflit en préservant les apparences.

Les discussions entre les deux parties ont pris alors la forme curieuse d’un dialogue de sourds, lors duquel chacun reste prisonnier de sa propre logique. Le Mali s’est lancé dans un récit qui a revêtu pratiquement les allures d’un monologue, dans la mesure où son paquet de réformes politiques et institutionnelles et son souci de reprendre le contrôle sur une grande partie du territoire national logés dans un calendrier incompressible de deux ans supplémentaires de transition se sont avéré des grains de sable glissés dans les rouages du dialogue et sapant les conditions de possibilité de ce dernier, comme s’il n’y avait pas de terrain d’entente possible.  « Nous avons réitéré notre volonté d’œuvrer pour aller vers une sortie de crise, aller vers des élections crédibles au Mali.  Le Mali a fait beaucoup de concessions. Le gouvernement du Mali estime qu’il faille considérer une période de 24 mois pour revenir à un ordre constitutionnel », a précisé le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.

 Le poids des émotions

D’aucuns ont relevé la contradiction dans la démarche.  En effet, les déclarations officielles de manipulation de la Cédéao par des puissances extérieures ne font pas bon ménage avec une nouvelle séquence de médiation. Certes, le retournement de veste du Togo après avoir voté ces sanctions a fortement ému Bamako. Mais les émotions font prendre de mauvaises décisions. L’argumentaire est bâti sur le postulat que les chefs d’Etat ne vont pas s’affranchir de la tutelle française. Nombre d’entre eux se maintiennent au pouvoir ou sont en voie de l’être avec la bénédiction de Paris. Et Emmanuel Macron qui n’a plus rien à perdre devient dangereux, donc trop tard pour s’entendre rapidement avec lui.

En somme, il est encore temps de laisser l’émotion de côté et d’agir avec une stratégie réfléchie qui est de sortir de la Cédéao et du franc CFA. Ou retourner au statu quo ante avec le risque majeur pour la transition de perdre pour de bon le soutien populaire.

A contrario, a circulé la thèse d’un isolationnisme aux dommages difficilement réparables. L’honneur et le nationalisme sont importants, mais il y a des gens qui en subissent les conséquences. La crise ouverte a besoin d’un médiateur. Les dirigeants maliens doivent tenter de trouver des solutions pour résoudre le conflit avant qu’il ne soit trop tard. Cette médiation est née sur la ruine du dialogue Mali –Cédéao. Donc d’avis avec Abdoulaye Diop que « nos échanges avec le Togo sont importants et enrichissants. Le Togo a une approche mesurée, équilibrée et constructive par rapport à la gestion des processus de transition »

De son côté, Robert Dussey a déclaré que « le Togo se tient prêt à accompagner le Mali aux plans politique et sécuritaire en vue de la restauration de l’ordre constitutionnel, de la paix, de la stabilité et de l’intégrité de son territoire ».

La Cédéao a imposé le 9 janvier, des sanctions contre le Mali, après son refus de s’engager pour rendre le pouvoir aux civils dans un délai de 18 mois.

Georges François Traoré

 Source : L’Informateur