Le gouvernement dirigé par Boubou Cissé s’active depuis sa composition le 5 mai 2019, à organiser un forum national regroupant toutes les forces vives de la nation autour du grand malade qu’est le Mali. Certainement de bonne foi, le gouvernement voudrait convier toutes les maliennes et tous les maliens à débattre sans tabou de toutes les questions brûlantes de l’heure afin de trouver les solutions idoines pour le Mali. Seulement voilà, il est dans l’embarras du choix entre deux concepts tout aussi importants à savoir le dialogue politique inclusif et la conférence nationale. Tous les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients.
Le Dialogue politique inclusif
Il serait certainement le vœu ardent de toute la classe politique, majorité, opposition comme centriste. Ce forum tant souhaité par les acteurs politiques se voudrait un cadre de dialogue fécond entre les partis politiques. Une occasion tout trouvée pour aplanir leurs divisions et dissensions et passer en revue les questions substantielles. Au cours de ce dialogue, les partis débattront des questions politiques telles que la gouvernance ou la crise socio-sécuritaires.
La société civile, les religieux comme l’armée pourraient prendre part, mais avec une voix consultative, c’est-à-dire en tant que facilitateurs et témoins. La finalité d’une telle rencontre ne serait rien d’autre que la gestion concertée du pouvoir, avec à la clef un gouvernement d’union nationale ou de large consensus. Ce concept aura comme inconvénients la mise en mal de notre démocratie, parce qu’il n’y aura pas de voix discordantes, tous les acteurs politiques souffleront dans la même trompète. Ce qui donnera l’impression au peuple d’être trahi par sa classe politique. Mais, le gros risque pour les partis politiques serait de voir émerger de nouveaux acteurs pour leur chiper la place qui leur revient, comme ce fut le cas après le coup d’état de 2012 perpétré par la junte militaire qui a renversé le Président Amadou Toumani Touré.
Comme avantage, le dialogue politique inclusif permettra non seulement de pacifier le front politique, mais aussi et surtout, d’avoir un large consensus autour des grandes questions politiques comme la révision de la Constitution et les questions sécuritaires et de gouvernance. Il pourrait permettre de doter le Gouvernement d’une véritable feuille de route consensuelle pour une sortie de crise et une relance de l’économie.
Conférence Nationale
Elle serait certainement ce qu’il faudrait dans le contexte de crise profonde au Mali. La conférence nationale comme son nom l’indique devra être la thérapie pour le mal politico-institutionnel, voire sécuritaire, dont souffre le pays de Modibo Keita et d’Alpha Oumar Konaré. Si elle est retenue, elle devra regrouper toutes les forces vives socio-professionnelles et politiques pour débattre sans complaisance de toutes les préoccupations nationales. D’essence inclusive, cette conférence nationale tant réclamée par nombre de citoyens, ne devrait occulter aucune question car sa finalité serait de bâtir une nouvelle République, celle de nos rêves et de nos ambitions. Elle aura essentiellement comme avantages de permettre à toutes les couches sociales, toutes les confessions religieuses de notre pays de venir exprimer leurs préoccupations comme en 1992 sous la première transition politique post 26 Mars. Elle devra permettre de corriger toutes les imperfections, les insuffisances constatées dans la loi fondamentale afin d’aller sur de nouvelles bases.
La conférence nationale bien que réclamée par une frange importante des maliens n’a pas que des avantages. Il y a également des inconvénients, parmi lesquels, la mise à zéro du compteur avec la nouvelle République, donc le verrou de deux mandats serait caduque, ce qui pourrait permettre au Président sortant de briguer un troisième mandat. Car même remis de nouveau et fixé à deux, la loi n’est pas rétroactive. Il y a également le risque d’un désordre avec les délégués venus d’horizons divers, avec des niveaux de compréhension différents qui s’imposeront au cours des débats. Autres inconvénients, seraient le timing de la conférence au regard de l’énormité des tâches et de la délicatesse des questions et préoccupations à aborder. La conférence nationale pourrait être une occasion appropriée pour certains de solder leurs comptes avec d’autres.
En somme, si choix devrait être fait entre le dialogue politique inclusif et la Conférence nationale, c’est le premier qu’il faudrait choisir en l’élargissant à la société civile, à l’armée et aux religieux pour que chaque entité puisse venir apporter sa contribution et son expertise.
Youssouf Sissoko