DIABÈTE AU MALI
Une urgence sanitaire provoquée par la transition nutritionnelle
Il suffit d’une promenade dans des quartiers de Bamako pour constater que sa population n’est plus seulement en proie à la sous-nutrition, que l’obésité et le surpoids sont aujourd’hui des réalités frappantes dans la capitale malienne. Et sous ces réalités bien visibles, s’installe, comme dans le reste du continent, une maladie silencieuse que l’on pense encore trop souvent spécifique aux pays riches : le diabète. Quatre experts rappellent qu’il n’y a pas seulement de la malnutrition en Afrique, donc au Mali, mais aussi de l’obésité et toutes les pathologies qui l’accompagnent.
«Les gens meurent de faim ici, pas de diabète» ! Cette conviction souvent martelée dans le monde de la coopération sanitaire est aujourd’hui loin de la réalité. Réactualisés, les chiffres sont généralement assez édifiants.
Epidémie mondiale qui tue plus que le VIH, le paludisme et la tuberculose réunis, le diabète touche de nos jours plus de 415 millions de personnes dans le monde, dont près de 70 % vivent dans des pays à faible ou moyen revenu. Et avec 48 millions de diabétiques en 2017, l’Afrique subsaharienne concentre quelques tristes records.
Ainsi, deux tiers des personnes atteintes de diabète ne sont pas diagnostiquées, près de 80 % des décès dus au diabète surviennent avant l’âge de 60 ans… Mais, curieusement, les dépenses en santé pour la maladie sont les plus faibles au monde. Avec une prévalence régionale de 4,8 %, la maladie est déjà responsable de près de 9 % des décès et de nombreuses complications invalidantes.
A l’image du Mali, cette explosion du diabète est directement liée aux profondes transformations des modes de vie en cours sur le continent. L’Afrique fait d’abord face à une urbanisation galopante qui bouscule les habitudes alimentaires. Il est ainsi question de «transition nutritionnelle» avec une augmentation rapide de la consommation de produits gras, sucrés et transformés. «La vie urbaine tend également à réduire la pratique d’activités physiques, favorisant la sédentarisation d’une part toujours plus grande de la population. A cela s’ajoute enfin une espérance de vie qui croît, faisant gonfler les classes d’âge où se développe le plus le diabète», précisent les autres de «Le diabète au Mali : Une urgence sanitaire» !
La prévention et la prise en charge boostées par «Santé Diabète»
«Amaigrissement, fatigue, envie fréquente d’uriner, soif importante en malaise, nausées, troubles visuels sont entre autres les symptômes du diabète», énumère Dr Togo, endocrinologue et diabétologue à l’hôpital du Mali. Un séminaire de formation de 10 jours a été organisé en 2018 par le gouvernement en partenariat avec l’ONG «Santé Diabète» dans le but de former les médecins généralistes, sages-femmes, entre autres sur la prise en charge du diabète.
Face à la pression croissante qu’exerce le diabète tant sur les populations que sur les systèmes de santé, les Etats n’ont souvent pas développé de réponses satisfaisantes pour prévenir et prendre en charge le malade. Un constat auquel s’ajoute l’absence d’une prise en compte des maladies non transmissibles dans les politiques de développement portés par les bailleurs de fonds internationaux, les agences onusiennes ou les ONG. Et ce malgré les alertes désormais fréquentes lancées par la communauté internationale.
C’est donc pour répondre à cette double urgence que l’ONG «Santé Diabète» a été créée en 2001 et œuvre aujourd’hui au Mali ainsi qu’au Burkina Faso, au Sénégal et aux Comores pour structurer une lutte efficace contre le diabète. A la suite d’une étude alarmante, réalisée au Mali en 2004 avec l’International Insulin Foundation, sur les capacités de prise en charge de la maladie dans le pays, «Santé Diabète» a élaboré «une réponse structurelle pour appuyer la prévention et la construction d’un système public performant pour la prise en charge du diabète».
En étroite collaboration avec le ministère de la Santé du Mali (aujourd’hui ministère de la Santé et des Affaires sociales), cette réponse s’est construite autour de trois priorités : décentraliser l’offre de soins par le renforcement des ressources humaines et des capacités techniques de prise en charge ; réduire le coût du traitement ; et structurer les organisations de la société civile (patients et professionnels de santé) pour qu’ils puissent «défendre les droits des personnes atteintes de diabète».
Selon l’étude réalisée au Mali en 2004, l’accès (géographique et financier) aux soins pour les personnes atteintes de diabète était déplorable : les distances à parcourir pour être pris en charge et le prix des traitements étaient prohibitifs. Seulement trois consultations de prise en charge du diabète fonctionnaient. Organisées par deux médecins spécialistes, elles étaient uniquement situées à Bamako uniquement.
Dépistage et prise en charge
Parallèlement, une année de traitement antidiabétique représentait alors 17 % du revenu annuel moyen d’un ménage. S’en suivaient des conséquences dramatiques pour les patients, parmi lesquels des fréquences records de complications liées au diabète et une espérance de vie pour les enfants atteints de diabète de type 1 de moins de 9 mois après diagnostic de la maladie.
Aujourd’hui, la prise en charge du diabète au Mali est effective sur une grande part du territoire et à différents niveaux de la pyramide sanitaire. Ces avancées ont d’abord été possibles par la structuration, au niveau central, d’un service d’endocrinologie-diabétologie à l’Hôpital national du Mali, puis par la création, dans ce même hôpital, de la première unité de prise en charge du diabète de l’enfant d’Afrique de l’ouest.
Pour répondre de manière structurelle au manque criard de spécialistes maliens en diabétologie, l’université de Bamako, les équipes de l’hôpital et «Santé Diabète» ont créé en 2011 un diplôme de spécialisation de 4 ans en endocrinologie-diabétologie, ouvert aux étudiants d’Afrique de l’ouest.
En parallèle, dans les principales villes du pays, «Santé Diabète» a permis l’ouverture de 31 consultations diabète par l’insertion dans des programmes de formation médicale continue des médecins et infirmiers en exercice. Enfin, plus de 1 000 autres professionnels de santé ont été formés au dépistage et à une prise en charge de proximité.
Pour autant, sans réduction du coût du traitement pour le patient, ces progrès sont limités. C’est pourquoi l’ONG s’est rapidement fixé deux objectifs pour le Mali, aujourd’hui réalisés : réduire le prix des principaux traitements antidiabétiques et inclure dans la liste de médicaments remboursés par le système de protection sociale l’ensemble des molécules nécessaires au traitement du diabète.
Une hausse non négligeable des patients pris en charge Conséquence directe de l’amélioration de l’accès aux soins, le nombre de patients diabétiques pris en charge dans le système public en 2015 s’élevait à près de 15 000 patients adultes, contre quelques centaines en 2004, auxquels s’ajoutent 400 enfants diabétiques.
La constitution de telles cohortes de patients a, dans un premier temps, permis leur regroupement en associations locales de patients avant qu’elles ne se rassemblent au sein de la Fédération nationale des diabétiques du Mali. Actrices essentielles de la construction d’un plaidoyer national pour une lutte concertée contre le diabète, ces associations sont également un relais local précieux pour établir le dialogue entre les patients, les professionnels de santé et les autorités sanitaires.
Il reste que ces acquis ont fortement été remis en cause dans les régions nord du Mali au cours de la crise de 2012. Une majorité des consultations diabète de ces régions ont été détruites, le matériel pillé et l’approvisionnement en traitement suspendu. Santé Diabète, pourtant ONG de développement, a dû ouvrir un programme humanitaire qui, encore aujourd’hui, prend en charge une grande part des patients diabétiques de la zone. Aujourd’hui, les acquis sont également menacés à l’échelle du pays à cause de la pandémie de la Covid-19.
Sans compter que, malgré un fort plaidoyer de l’Organisation mondiale pour la Santé (OMS) et de «Santé Diabète», les principaux bailleurs de fonds de la réponse humanitaire (Echo, Ocha, Unicef…) ont refusé de soutenir une réponse pour le diabète, tout comme la majorité des ONG urgentistes, à l’exception notable de Médecins sans frontières. Une situation d’autant plus paradoxale que les caractéristiques de la maladie rendent les patients diabétiques hautement vulnérables en contexte de crise.
L’évolution de la prise en charge du diabète au Mali montre, s’il en était besoin, qu’il est possible d’agir en Afrique pour relever les défis liés à cette maladie. Mais, le cas malien montre aussi combien les combats à mener pour une prise en charge de qualité en Afrique demeurent nombreux, en contexte de développement comme en contexte de crise.
Parmi ces combats, il en est un qui est prioritaire à l’approche du centenaire de la découverte de l’insuline (en 1921 par le médecin Frédérick Banting et son jeune collègue Charles Best) : donner accès à cette hormone vitale aux millions de patients diabétiques africains qui, aujourd’hui encore, en restent privés.
C’est la principale conclusion de cette étude menée par Stéphane Besançon (directeur général de l’ONG Santé Diabète à Bamako) ; Mathieu Doré (directeur technique de l’ONG Santé Diabète ; Pierre Salignon (expert santé et protection sociale à l’Agence française de développement-AFD, partenaire du Monde/Afrique) et Dr Olivier Véran, médecin hospitalier et ancien député.
Naby
(Avec lemonde.afrique.fr)
La prévention par le sport et une alimentation saine
Selon les spécialistes, Il existe 3 formes principales de diabète : le diabète type 1 qui touche 10 % des personnes atteintes de diabète et principalement les enfants et les jeunes adultes : le pancréas ne fabrique plus du tout d’insuline et doit être compensé artificiellement par des injections sous-cutanées d’insuline quotidiennes.
Le diabète type 2, qui concerne 90 % des personnes atteintes de cette maladie et plus particulièrement les adultes de plus de 45 ans, sédentaires et en surpoids, est lié à une mauvaise utilisation de l’insuline par les cellules de l’organisme. Quant au 3e type, le diabète gestationnel, il survient chez la femme enceinte avec une hyperglycémie de sévérité variable et des risques accrus de complications pendant la grossesse et l’accouchement. Elle peut par la suite développer un diabète de type 2.
Contrairement au type 1, il est possible de prévenir le type 2. Et cela en réduisant les facteurs de risque évitables pour ceci. Comme l’a conseillé Dr Ba Traoré de la Société malienne de diabétologie à l’Hôpital du Mali lors des échanges avec la presse, il est impératif d’adopter «une alimentation équilibrée», c’est-à-dire manger moins sucré, moins gras et moins salé, manger plus de fruits et des légumes et éviter de grignoter entre les repas.
Il est également conseillé de faire régulièrement une activité physique. Selon des spécialistes, 45 minutes d’activité physique 3 à 4 fois par semaine réduit de 40 % le risque de développer un diabète de type 2 et de surveiller son poids pour ne pas développer un surpoids ou une obésité.
Naby