Tout au plus, on s’imaginait qu’on reprochait à Seydou Tall aussi bien que Mamadou Traoré qui s’occupait des fonds du PVI à la Direction régionale du Commerce et de la Concurrence, le montant des chèques émis par quelques opérateurs économiques indélicats qui sont revenus impayés (eh oui !) malgré leur certification, et qu’ils ont mis sous le boisseau après avoir reçu desdits opérateurs économiques indélicats des dessous de table pour acheter leur silence. Ce qui a été, malheureusement le cas pour Seydou Tall.
Il serait bon, pour la compréhension du dossier, de connaitre les motivations qui ont poussé le gouvernement malien dans les années 80 à mettre en place un programme de vérification des importations pour répondre au contexte du libéralisme économique et de la mondialisation qui pointait à l’horizon.
Le Mali : le seul pays au monde où le PVI est géré par un syndicat
Ledit programme avait pour objectif d’assurer la bonne perception des droits et taxes à l’importation ; de mettre à la disposition de l’Etat un outil permanent de suivi et gestion du commerce extérieur ; d’instituer une concurrence loyale entre les importateurs nationaux ; de sauvegarder les droits des consommateurs en s’assurant que les marchandises et produits livrés sont conformes aux spécifications contractuelles et aux normes internationales de qualité. C’est dans ce cadre que le gouvernement avait signé des contrats de 1989 à 1999 avec la SGS pour le PVI. Et à partir de janvier 2000, il a confié la gestion du PVI au CNPM, pour des raisons d’intérêts sordides que nous évoquerons plus tard. Il faut rappeler que notre pays est le seul au monde à avoir confié le PVI à un syndicat, fût-il patronal.
Les recettes du PVI proviennent essentiellement des contributions payées par les opérateurs économiques au guichet unique quand ils veulent importer les marchandises. Cette levée d’intention d’importation levée est calculée suivant un taux fixé d’un commun accord entre le CNPM et la société chargé du PVI. Avec la SGS de 2000 à 2003, il était de 0,80%, avec la Cotecna, de 2004 à 2006, il était de 0,65% avec Bivac 0,75% depuis 2007.
Ainsi, le commerçant qui veut commander une marchandise, se rend au guichet unique à la DNCC pour lever son intention d’importation s’il remplit toutes les conditions, à savoir : la justification de la qualité d’importateur à travers une inscription au registre du commerce et de crédit mobilier comme Import-export ou importateur simple ; la détention d’une carte d’identification fiscale ; la présentation d’une patente Import-export ou tout autre document tenant lieu en cours de validité ; et enfin le paiement de la contribution au programme de vérification des importations au taux de 0,65% de la valeur FOB de la marchandise qu’il veut importer pour la période qui nous concerne ici. La législation en vigueur veut que cette levée d’intention soit payée par chèque certifié conforme.
La DNCC enregistre toutes les informations détaillées concernant les intentions d’importation qu’elle délivre à l’opérateur. Ses directions régionales font le même boulot et envoient et lui envoient les mêmes infos pour la centralisation.
Le Trésor a pour rôle la collecte et le reversement des contributions acquittées par les opérateurs économiques lors de la levée d’intention d’importation. Ses directions régionales font le même travail et effectuent les transferts périodiques vers la direction nationale du Trésor.
91 au lieu de 130 millions
En ce qui concerne le cas spécifique de Seydou Tall, lors de sa première audition par les enquêteurs du Pôle économique et financier, en mai 2009, on lui reprochait d’avoir détourné 132 000 000 FCFA, représentant le montant total des différents chèques dont certains pourtant certifiés conformes, sont revenus impayés au niveau des comptes du PVI ouverts à cet effet à la BIM, la BICIM et à la Banque Atlantique. Ledit montant sera ramené à 92 000 000 FCFA après déduction du montant des chèques revenus dans un premier temps impayés mais qui ont été représentés à la banque et finalement payés. Selon nos sources, Seydou Tall n’a reconnu avoir récupéré au niveau des différentes banques que des chèques d’un montant total de 41 millions. Sur lesquels, 35 millions puis 3 millions ont été régularisés, soit un total de 38 millions. En somme, avait dit Seydou Tall, si la justice doit lui reprocher quelque chose, c’est 3 millions de nos francs qu’il n’a, du reste, jamais encaissés, comme les autres chèques d’ailleurs, tous émis au nom du PVI
Quid des autres chèques d’un montant total de 51 millions de FCFA. Seydou Tall dit les avoir remis à Mme Mariko Haby Niang, agent du Trésor à la DNCC, la seule à recevoir les chèques et à les déposer à la banque. En a-t-il la preuve ? Non. Tout cela se faisait sans cahier de transmission. Mais comment se fait-il que Seydou Tall qui n’est pas chargé ni de la collecte des chèques, ni de leur remise à la banque s’est-il retrouvé avec autant de chèques. Selon lui, lesdits chèques lui ont remis par les agents de la banque lors de ses différents passages pour d’autres opérations du PVI.
Seydou Tall avoue avoir fait une grosse bêtise quand on lui a remis en juillet 2007 neuf chèques d’un commerçant libano-malien d’un montant total de 35 millions qui sont revenus impayés et qui se trouvaient à la banque depuis plus de 3 mois. Quand il demanda à ce dernier de les régulariser, il lui proposa, contre son silence, 15 millions de FCFA, arguant qu’il a toujours fait la même chose avec tous les membres du comité de gestion du PVI. Il tomba dans le piège. Après le passage du BVG et de l’Inspection des Finances, ledit commerçant l’appela pour lui dire de lui faire une reconnaissance de dette de 15 millions puisqu’il était obligé de payer les 35 millions qu’il devait au PVI. Reconnaissance qu’il lui délivra pour se tirer du pétrin dans lequel il s’était empêtré. Lors ce premier interrogatoire, il y a bientôt deux ans, où il n’a été question que de chèques revenus impayés, Seydou Tall n’a reconnu que 3 millions, représentant le reliquat des chèques en bois qui se sont retrouvés entre ses mains.
Il était loin de se douter qu’après sa deuxième audition au Pôle économique et financier, deux ans plus tard, il sera inculpé ainsi que Mamadou Traoré pour atteintes aux biens publics d’un montant de 2,6 milliards représentant l‘écart entre les montants collectés par le Trésor et ceux reversés dans le compte du PVI !
Aucun pouvoir
Sans nous s’appesantir sur le cas de Mamadou Traoré, sur lequel nous allons revenir, Seydou Tall, bien que comptable du PVI au CNPM, n’avait aucun pouvoir. Il se contentait tout juste de réunir les documents comptables, de tenir la comptabilité et éventuellement se rendre auprès des banques pour prendre les relevés bancaires du PVI. Il ne signait aucun chèque. Il n’assistait même pas aux délibérations du comité de gestion du PVI au Conseil national du patronat malien (CNPM) présidé au moment des faits, par Moussa Balla Coulibaly. Lequel, en vieux renard, bien qu’ordonnateur des dépenses, ne contresignait pas les chèques. Prérogative qu’il avait laissée à son vice-président, Mamadou Sidibé, qui vient d’ailleurs de lui succéder il y a trois mois environ. Le comité de gestion du PVI au niveau du CNPM, présidé par le Secrétaire général, Lassine Traoré est composé de quatre industriels et de quatre commerçants. Du côté des industriels, les cosignataires mandatés étaient Mamadou Sidibé et Lafia Camara, du côté des commerçants : Tidiani Tambadou (aujourd’hui décédé) et Amadou Djigué. Il est à préciser que les chèques dont « Le Sphinx » a eu copies, sont signés pour la plupart par Mamadou Sidibé et Amadou Djigué.
Jusqu’à l’heure où nous mettons sous presse, aucun de ces gros bonnets n’a été écouté, pour le moment par le juge d’instruction. Pas plus que Mme Mariko Haby Niang, laquelle a réceptionné au départ tous ces chèques non certifiés qui se sont avérés comme de véritables chèques en bois. Alors que cela est interdit par la législation en vigueur qui exige à ce que tous les chèques émis pour le paiement des levées d’intention sont certifiés conformes, pour éviter justement des cas pareils. Si elle a pris des chèques non certifiés, c’est certainement pour arranger certains. Dans quel but ?
Après Mamadou Traoré, écouté, selon nos sources, avant-hier mercredi par le juge d’instruction, ça sera le tour de Seydou Tall. Selon nos investigations, tous les deux, sont des lampistes. Ils n’ont rien à avoir avec le détournement des 2,6 milliards. Si c’était le cas pourquoi, le CNPM qui gère les fonds PVI n’a-t-il pas déposé plainte contre eux au lieu se contenter de les licencier. Et ce depuis deux ans !
Dans ses prochaines éditions, « Le Sphinx » vous dira comment les 2,6 milliards ont été dilapidés. Par qui ? Et comment ?
Adama Dramé
Le Sphinx 08/02/2011