Il y’a des réalités germaines à la tentative de démocratie au Mali qui demandent de sérieuses corrections.
Sans certaines de ces corrections, ce qui va exister au Mali ne sera pas la démocratie. A juger par le bilan des
30 dernières années, la tentative malienne à tous les traits d’une kleptocratie. Les individus non-informés peuvent parler d’exagération en parlant de kleptocratie. Cependant, les rapports annuels du Vérificateur
Général ne laissent aucun doute, rapports qui ont été purement et simplement classés par des présidents.
- Des circonstances ont indiqué que des présidents du Mali ont une approche kakistocratique pour diriger un pays. En particulier, leurs penchants personnels sont injectés dans la conduite des affaires publiques du pays. Trois illustrations suivent : (a) Un président a brulé des armes et a appelé les flammes résultantes flammes de la paix ! Se désarmer en une période de paix c’est encourager l’ennemi à attaquer dans l’avenir. (b) Un président a déclaré à la télévision nationale, suite à l’indignation de la population face à la corruption et la fraude, qu’il ne peut pas enfermer des chefs de familles comme certains semblent demander ! Ce président a été incapable de voir que si des chefs de familles ont porté atteinte au trésor public ou ont violé des lois, alors c’est son devoir de les enfermer. Ses sentiments personnels ont primé la raison. (c) Un autre président a osé dire que si des gens continuent à l’attaquer, qu’il va agir sur des dossiers qu’il a. Il semble que ce président n’avait pas compris que c’était son devoir d’agir sur ces dossiers. Il a prêté serment pour ce faire ! Il est nécessaire que les futurs présidents enlèvent leurs penchants personnels de la conduite des affaires
de l’état et comprennent que le respect des lois, quelles qu’elles soient, est une base nécessaire pour toute vraie démocratie.
- Seulement une petite proportion de la population du Mali, à l’intérieur et à l’extérieur du Mali, appartient officiellement à un parti politique, bien que le Mali compte plus de 220 partis politiques en 2021. Cette proportion est estimée à 10% ou moins. Le problème est alors que seuls les partis politique peuvent permettre à un individu d’être candidat aux élections législatives ou présidentielles ! Cette carence doit nécessairement être corrigée avant toute nouvelles élections législatives ou présidentielles au Mali. Les candidats indépendants doivent être permis pour toutes les élections.
- Un danger associé avec le fait que seuls les partis politiques ont des représentants à l’Assemblée Nationale est que celle-là vote des lois favorisant ces partis au détriment du reste de la population.
En effet, les députés des partis politiques ont voté d’allouer des sommes importantes aux partis politiques qui ont un ou plusieurs députés à l’Assemblée Nationale. Un parti a ainsi amassé 300 Millions de F CFA en une année (avant 2020). Le montant alloué au partis, au lieu d’être une somme forfaitaire qui peut servir à l’éducation (civique et patriotique) des membres, est présentement un pourcentage du budget national (présentement moins de 0,50%). Est-ce que quelqu’un réalise que ce couplage au budget national est insupportable – vu qu’il va permettre à des individus de s’enrichir sans lever le petit doigt, avec les accroissements annuels du budget national ?
Fait à Baton Rouge le 3 février 2022.
- Un second danger d’avoir seulement des députés représentant les partis politiques est que le parti au pouvoir peut se servir cette position pour s’enrichir : en allouant des fonds de souveraineté totalement irresponsables (i.e., 150 Millions F CFA par mois, 75 Millions par mois, 35-45 Millions par mois, etc., pour le président, le premier ministre, le président de l’Assemblée). Tenir des élections au Mali avant de corriger cette aberration, c’est continuer la saignée financière du pays. En 2020,
près de la moitié de la population du Mali avait environ 500 F CFA par personne et par jour !
- Un manquement terrible de la tentative malienne est le fait qu’avec les gouvernements dits « démocratiques », le montant qu’un agent public peut allouer « GRE A GRE » pour un service ou autres a sauté de quelques Millions de F CFA à 250 Millions de Francs CFA. Incroyable mais réel. Il est inutile d’élaborer sur les multitudes de possibilités d’abus de cette situation. Cette aberration, un instrument de pillage du trésor public, doit nécessairement être corrigée avant toute élection.
- La Diaspora malienne est au moins 25% (1 quart) de la population du Mali. Des sources ont estimé cette population à 20,25 Millions en 2020. Ce quart de la population a été ignoré de 1991 à 2022 en ce qui concerne sa représentation à l’Assemblée Nationale. De 1991 à 2020, les députés issus uniquement des partis politiques n’ont pas agi pour assoir fermement la tentative de démocratie en assurant la représentation de la Diaspora. Pour une vraie démocratie au Mali, la Diaspora doit avoir un nombre de représentants (Assemblée et Senat) à la taille de sa proportion dans la population du pays. Non seulement l’organisation d’élections législatives pour la Diaspora pose des challenges divers, mais aussi une grande difficulté consiste en l’absence d’un recensement fiable (et régulièrement mis à jour) de la Diaspora dans la plupart des pays du monde. Ce recensement nécessaire et l’organisation des élections législatives pour la Diaspora demandent du temps. La même chose est vraie pour les maliens déplacés à l’intérieur et l’extérieur (refugiés).
- Un septième péché de la tentative de démocratie au Mali consiste en l’absence d’une vraie séparation des pouvoirs administratif, législatif, et judiciaire. Cette situation est en partie responsable pour la corruption et la fraude. Ensuite, Il semble ne pas exister de garde-fous tels que l’impunité ne puisse pas s‘installer dans le pays. Par exemple, un ancien premier ministre m’a dit que le Mali n’avait pas de lois contre les conflits d’intérêts ! Sans de telles lois, les déboires possibles sont innombrables! les lois doivent être revues de manière à ne pas permettre que des actions arbitraires et capricieuses d’agents publics (administratifs, législatifs, ou judiciaires) passent inaperçues ou sans
sanctions sévères. L’établissement d’un système de transparence et de traçabilité est une des conditions pour « bonne gouvernance. » L’informatisation de plusieurs opérations administratives ou financières est intégrale à la bonne gouvernance. Ces efforts de révision approfondie pour assurer la bonne gouvernance, quelques soient les acteurs, sont complexes et demandent du temps. En particulier, si un tel système n’est pas mis en œuvre au moins un an avant la tenue de toute élection, le Mali va simplement retourner à la décadence en matière de gouvernance.
En guise de conclusion, rappelons que la corruption et la fraude qui ont gangrené les trois (3) dernières décennies ont vidé son trésor public, sapé le moral du citoyen lambda, et découragé ou bloqué d’innombrables investissements. L’élimination de la corruption et de la fraude va prendre du temps, que cela plaise à quelqu’un ou non. La libération du territoire, envahi par des terroristes et leurs complices de l’intérieur, demande les ressources que la corruption et la fraude dilapidaient. Trois ans est un minimum pour la durée de la transition. Cette durée est proche de la moyenne des bornes préconisées par les Assises Nationales de la Refondation [i.e., (6 mois + 5 ans) /2 = 2 ans + 8 mois ≈ 3 ans.
Diola Bagayoko, Ph.D.
Southern University System Distinguished Professor Emeritus of Physics
Commander de l’Ordre National du Mali