C’est que, vingt ans seulement après la Révolution du 26 mars 1991, la démocratie malienne n’est plus qu’un gigantesque bonneteau pour des marchands d’illusions pleins aux as. Des motivations individualistes mercantilistes, que l’on voit partout gagner du terrain au détriment des aspirations collectives et nobles, au point de paraître banales, risquent de sacrifier à la longue l’avenir national au culte de l’instant. Triste perspective pour une grande nation comme celle qui s’est forgée durant des siècles sur les rives du Niger et du Sénégal. L’évènement de la « médaille d’or du Cinquantenaire » que le Stade omnisports Modibo Keïta a abrité le samedi dernier ne dit en tout cas pas autre chose.
Qui n’a pas vu les Jeamille Bittar, Bakary Togola et Mamadou Minkoro Traoré plastronner au milieu de la déferlante humaine dont ils savent pourtant que la mobilisation et l’enthousiasme n’ont rien de spontané ni de naturel ? Qui n’a pas compris que le cirque ne fut que parce que l’argent a coulé à flots ? Qui ignore que ce n’était rien de moins qu’un test grandeur nature pour le viol prochain de la démocratie ? Bref, le Mali n’appartient plus qu’aux riches. Toute quête d’égale citoyenneté est désormais vouée à l’échec. Du moins tant que le peuple se complaira dans son attitude défaitiste.
Dans ces mêmes colonnes Amadou N’Fa Diallo écrivait dans un article consacré à la gouvernance par la corruption sous Amadou Toumani Touré : « ATT, cependant, à titre personnel, en tire un grand bénéfice. Lui et son clan, qui ont inspiré le fameux Sphinx (auteur du livre « Att-cratie… »), nagent dans le beurre alors que les autres Maliens végètent.
Oui, ATT laisse faire les siens comme bon leur semble, il est donc leur complice actif. Tous occupés de fastes, de folies de grandeur et d’intrigues, ils sont habiles à s’enrichir, en dérobant tout ce qu’ils peuvent de l’argent du pays. Leurs femmes, leurs fils et leurs filles avec leurs nombreuses accointances suspectes, tous lourdement apanagés, s’adonnent à un pillage et à un luxe pas du tout ignorés. Le pays va mal, il souffre. La blessure qui lui set faite régulièrement est toujours profonde. Et montent les colères et les rancunes dont ils ne se soucient point. Celles-ci sont pour l’heure contenues. Mais pour combien de temps encore ? » Voilà la réalité qui nargue le plus grand nombre.
Toute société a besoin de règles et de valeurs pour survivre.
Le Mali est en train d’égarer sa boussole, sinon perdre ses repères. La moindre conséquence est la permissivité de notre démocratie qui s’accommode désormais du népotisme, du clientélisme et de l’affairisme ambiant avec les privilèges que ces tares octroient à l’infime minorité qui a les faveurs de Koulouba. Les abus, gâchis et gaspillages en tout genre qui minent le pays sont maintenant sont maintenant trop visibles pour être masqués. Mais les gâchis et les injustices nombreuses non pointés parce que subtiles perpétrés avec une démoniaque dextérité, sont davantage pernicieux.
Au Mali, il ne faut pas se leurrer, nous avons maintenant une démocratie des lobbies et des émirs de l’argent et, comme telle, plus mafieuse que ne le sont les parrains des cartels de la Sicile. Une démocratie où les intérêts personnels sont au cœur des plans et stratégies pour le développement dit national. Une démocratie où les prophètes de la fraude et des détournements sont plus légitimes que les citoyens honnêtes et où les manquements à la vertu sont cotés à la Bourse au détriment du respect des règles de l’éthique. C’est tout simplement une démocratie en errance qui demande à être dépolluée.
Housseyni Barry
Le National 07/02/2011