Le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maiga a enfin rendu le tablier dans la soirée du jeudi 18 avril 2019, après trois longs mois de combat. Il a jeté l’éponge sous la pression de la rue et après le dépôt d’une motion de censure conjointe Majorité et Opposition. Il a tout simplement été contraint à la démission six mois après la réélection d’IBK. Comment celui qui est considéré comme l’un des acteurs du mouvement démocratique est-il tombé en disgrâce avec toute la classe politique ? Comment celui qui est considéré comme le sauveur d’IBK peut-il s’attirer la foudre du parti de ce dernier ? SBM n’a-t-il pas été victime de ses ambitions politiques démesurées ? Voici un certain nombre de questions que tout bon observateur doit se poser pour comprendre la brusque inimitié de ses alliés du RPM dont a fait l’objet le Premier ministre.
Nommé en 2018 à quelques six mois de la présidentielle, SBM est sans nul doute le principal artisan de la réélection d’IBK en aout de la même année. Reconduit après l’investiture du Président Keita à la Primature, SBM se serait déjà mis dans la peau du dauphin du Président qui est à son deuxième et dernier mandat selon la Constitution. Multipliant les actions souvent démocraticides pour continuer à gagner la confiance de son parrain. Qui ne se rappelle pas de son draconien décret interdisant toutes manifestations dans la quasi-totalité des espaces qui ont servi pourtant en 1991 des lieux de Rassemblement et de contestation contre le régime dictatorial de Moussa Traoré ? Avant de mater manu militari, une marche pacifique blessant un député de l’Opposition. Quelle conscience politique n’a pas été touchée par le débauchage des députés et cadres du parti majoritaire par le PM. Comme si cela ne suffisait pas, SBM ne s’est nullement abstenu de répliquer avec véhémence aux propos tenus par le Président du Rassemblement pour le Mali, Bocari Téta. Ce dernier avait fustigé les comportements inamicaux de leur allié, SBM qui profite de sa position administrative pour débaucher des militants et cadres du RPM. C’est en des termes qui frisent l’arrogance et le mépris que le PM a répondu au Président du RPM, en se faisant passé pour le hérisson, auprès duquel le chien ne pourra qu’aboyer sans le toucher.
Après avoir soldé le compte de la classe politique, il s’est tourné vers la société civile, surtout sa frange religieuse. Il a d’abord réussi à diviser les religieux avant de les mettre dos à dos. SBM a tenté également de museler une tendance, l’affaiblir, celle de l’imam Dicko et s’allier à la tendance de Chérif Ousmane Madani Haidara. Pour la mise en œuvre de son machiavélique plan, il a commencé par interdire le meeting au Palais de la Culture Amadou Hampâté Bah, à l’appel de Dicko. Cette première tentative a échoué, car les fidèles ont bravé l’interdiction en sortant massivement pour venir écouter l’Imam Dicko, même si ce dernier a voulu être légaliste. C’est finalement dans un stade du 26 Mars plein comme un œuf que l’Imam Dicko et le Chérif de Nioro ont donné le top départ de leur croisade contre le PM. Ce rassemblement a été suivi, quelques semaines plus tard, d’un autre meeting géant à la place de l’indépendance avec la même revendication, à savoir le départ de SBM. Ce meeting a semble-t-il sonné le glas du règne de SBM.
Le Tigre, affaibli politiquement, acculé socialement par les revendications, est également au cœur de la controverse sécuritaire, avec un fort soupçon de complicité dans l’exacerbation des conflits intercommunautaires au centre. C’est en faisant l’inventaire de tous ces faits, actes et gestes du PM que le parti Majoritaire a finalement rejoint l’Opposition dans son combat pour le départ du PM. C’est par une Motion de censure qui ne sera jamais votée, que SBM a pris la mesure de la gravité de la situation et surtout de l’imminence du complot ourdi contre lui. Il jeta l’éponge à la veille de la plénière de l’Assemblée Nationale devant examiner la motion pour enfin la voter. SBM s’est battu contre vents et marées pour rester à ce poste.
En définitive, SBM passe aujourd’hui pour être le PM qui a le plus mis en mal les précieux acquis du 26 Mars 1991 et surtout le vivre-ensemble qui a caractérisé les relations des différentes communautés. Est-ce la fin prématurée de la carrière politique de celui qui était pressenti il y a juste quelques mois comme le dauphin d’IBK ?
Youssouf Sissoko