Bientôt c’est 2017. Annoncé en grande pompe, le sommet France-Afrique approche. Le pouvoir s’affaire à bâtir des villas et des hôtels pour l’accueil des hôtes. IBK, le premier palmier malien dont l’ombre tombe toujours loin sur les autres et non sur les siens, tient à la réussite de la rencontre. Quitte à dépenser le dernier centime des milliards promis pour la création des emplois, Bamako doit être la vitrine luisante pour donner l’illusion d’un pays en ordre parfait. Puis soudain, on s’est vite souvenu que cette image est en contradiction avec les marchands qui occupent les artères principales de la ville. Ils sont assis partout, très sales, en tas les uns sur la tête ou les pieds des autres, à gagner un pauvre 2000 francs pour subvenir aux besoins de leurs familles. Il y en a qui sont installés avec l’autorisation des municipalités. L’image n’est pas du tout agréable à voir.
Pendant tout ce temps, rien de mal. Les cortèges, présidentiel et ministériel, passent chaque jour devant la misère étalée au bord des routes de la capitale. Pour le sommet France-Afrique, ça ne marche plus. Les cortèges sont nombreux, les hôtes sont des invités de marque, et puis, ce Francois Hollande qui doit arriver aussi avec son hyper importante délégation, plus son coiffeur payé à 10 mille euros par mois! Comment l’oublier, ne pas bien l’accueillir ?
Le sommet du pays se fâche donc contre ces pauvres Maliens qui cherchent à manger au bord des routes. En trois ans, Koulouba a crée tant d’emplois que ces « fainéants » s’évertuent à ne pas voir. Quelle ingratitude ! La solution est à portée de main ; on a sorti Ami Kane du chapeau magique. Réputée dame de fer, elle ne dit pas « Inchallah ». Elle frappe les ingrats qui ne veulent pas laisser les routes pour occuper les emplois crées par le gouvernement. Encore faudrait-il savoir où ils sont !
Le Mali vit de spectacles comiques, de coups d’éclats à effet momentané, mais très court. En 365 jours de l’année, on se souvient en un seul qu’il y a des Textes à appliquer. Après le tapage, les langues se replongent dans les verres à thé. Or, l’embellissement d’une ville, de surcroît la capitale, est un travail de longue haleine. Quelques coups de balais ça et là parfois, le « koteba politique » ne suffisent pas. Ce travail se mène chaque heure par la lutte contre les ordures, par des sensibilisations dans les médias, par des réunions régulières et par l’inculcation de la culture du civisme chez la population. Toute une armée de topographie, de lotissement et d’architectes devrait être permanamment sur le qui-vive afin de défendre l’image de la ville, de l’embellir, de liquider les contrastes, les constructions disparates et d’en préserver ses parties historiques, sans oublier de l’aider à vite se débarrasser des eaux usées par des collecteurs.
A Bamako, ce n’est pas cela. Chaque Malien est expert en tout. Les plus grands architectes maliens maintenant, ce sont les maires spéculants qui souhaitent même déplacer les montagnes pour vendre la place où elles étaient. Le goût architectural, la salubrité et la protection de la ville contre les eaux sont ainsi donc légués au dernier plan face au goût de l’argent facile. Bamako, gros village quasi-électrifié à l’image effroyante, le restera pour longtemps encore. Elle n’est plus baignée par le DjoliBA, mais par le DjoliDENI, c’est-à-dire qu’elle baigne dans sa propre pisse et dans ses propres déchets qui donnent une odeur nauséabonde, sur fond de maisons disparates.
Les Maliens crient « changement », mais les Maliens ne veulent jamais changer eux-mêmes. Tout est sur le bout des lèvres. La conscience et les habitudes sont toujours des plus mauvaises, presqu’à l’état primitif. 16 millions « d’experts», tout un tas d’intellectuels et de grands patriotes, le changement ne vient pas cepedant. Parce que le coeur des Maliens, leur conscience et leurs agissements quotidiens ont toujours trahi leurs bouches.
Il n’y a presque pas de routes à Bamako, ne parlons même pas du reste du Mali. Sur des chaussées d’une seule voie, parfois d’une demi-voie, recouverte d’une très fine couche de bitume que le moindre coup de vent fait partir, c’est tout le monde qui est là : voitures antiques et sales, ferrailles de sotramas, charettes, ânes, moutons, chèvres, piétons, marchands ambulants, pousse-pousse, jakartas, moto-taxis, vendeuses de « fourou-fourou » preneurs de thé. Même les fous et les poules y sont aussi. Chacun excelle à laisser plus d’ordures partout. Voilà l’une des problématiques des embouteillages. Pour se franchir le chemin, il faut être un acrobate de première génération !
Quand Bathily a démoli des constructions illégales à Souleymanebougou, des voix d’indignation se sont fait entendre, sachant bien que ces maisons n’étaient pas conformes à la Loi. Comme quoi, laissez les gens construire où ils veulent et comment ils veulent. Même si c’est dans le lit du fleuve pour que la moindre innondation fasse des victimes. Meme si c’est sur les canniveaux pour empêcher les eaux de s’échapper de la ville. Il y a la Loi, il y a aussi nos vilaines habitudes. Nous préférons vivre, hélas, sur les dernières. Le résultat en est que comme justificatifs aux problèmes que nous nous créons, le Mali entier fait les gros yeux ensuite. Ce n’est pas moi, c’est l’autre. Le Malien fautif ou coupable n’existe pas dans la nature !
Nous sommes un pays très désordonné, Bamako en est le symbole même. Des maires qui vendent des terrains ou délivrent des autorisations selon leur propre vouloir, sans rendre de compte à qui que ce soit, sans penser aux Textes ni aux conséquences ; des gouverneurs, des ministres, et un Président qui sont dans leurs républiques de salons, des politiciens qui sont sur les ondes de radios ou dans les journaux à crier dans le vent, sans aucune conviction; des intellectuels et de grands patriotes qui parlent toujours bien pour se faire remarquer, pour pouvoir plonger la bouche dans la soupe républicaine et se taire ensuite. Il n’existe pas de correlations, de liaisons entre les différentes structures étatiques, entre les éléments de la société.
Société ? Nous en sommes plutot l’imitation ! Chacun court dans sa direction. Tel un miroir brisé en mille morceaux. Ou une charrue tirée dans les quatre sens par des boeufs. La moisson ne viendra jamais parce que le champs ne peut être cultivé de la sorte. Les structures juriques fonctionnent comme des vagues maritimes houleuses, les unes plus hautes que les autres. Nous sommes des surfeurs, une Nation écartelée qui manque de rassembleurs.
Quoi qu’il en soit, à travers le nouveau gouverneur, Ami Kane, IBK ne reculera pas. Il a le talent de trouver des boucs émissaires qui porteront le chapeau de la colère populaire par la suite. Il lui faut préparer son sommet France-Afrique, auquel il tient plus qu’à la paix au Mali, il lui faut préparer l’arrivée de son « ami », de son Président Hollande, puisqu’IBK est Francais aussi. Au besoin, c’est tout Bamako qui sera écrasé pour le plaisir de Paris.
Après ce sommet, tout reviendra dans la norme primitive malienne. Toutes les chaussées seront rechargées du même dégoût quotidien et habituel. On n’en reparlera plus. Tous ces déguerpissements, c’est du bruit pour rien.
Hollande viendra et repartira satisfait. Bamako, le village à l’image dépravée, restera toujours comme tel. Avec ses montagnes d’immondices, sa pagaille quotidienne et son odeur pestilentielle.
Sekou Kyassou Diallo.
Alma Ata, Kazakhstan.
DiasporAction10/08/2016