Dans la foulée, mais sans aucune concertation avec la société civile et la classe politique, toutes choses que le FDR a vivement regrettées, un Premier Ministre choisi par la CEDEAO et la junte a été nommé par le Président de la République le 17 avril. La composition du Gouvernement de transition a été rendue publique le 24 avril.
En son temps, le FDR avait annoncé que, bien que n’ayant pas été associé à la formation du Gouvernement, il ne ferait rien pour entraver son action. Mieux, il avait lancé un appel à toutes les forces vives du pays afin que rien ne soit entrepris pour fragiliser la Transition.
Le Front avait dit qu’il jugerait l’équipe gouvernementale à l’œuvre, notamment sur le respect des libertés publiques et la gestion de la grave crise du Nord.
A côté de la mise en place des institutions constitutionnelles, de graves évènements se sont produits depuis un mois.
1. Le 29 avril, des hommes en uniforme ont fait irruption à la cité universitaire de Badalabougou et ont tiré à bout portant sur des responsables de l’AEEM. Une jeune étudiante est morte sur le coup. Un leader étudiant a succombé à ses blessures le lendemain. Grièvement blessé, le Secrétaire Général de l’AEEM est encore en soins intensifs ; ses jours ne seraient plus en danger.
Le FDR demande que les enquêtes en cours sur cette situation soient indépendantes et impartiales, qu’elles en établissent clairement les responsabilités et que les auteurs des fusillades soient traduits devant les juridictions compétentes.
2. Le 30 avril, une action militaire conduite par des parachutistes a conduit à l’occupation temporaire de l’ORTM et de l’Aéroport de Bamako Sénou. De violents combats à l’arme lourde s’en suivirent. A l’aube du 1er mai, sur les ondes de la télévision reconquise, la junte militaire annonça l’échec d’une tentative de coup d’Etat avec, a-t-elle précisé, la participation de mercenaires dont certains ont été capturés et montrés à la télévision. Les affrontements entre unités armées ont fait de nombreuses victimes militaires et civiles. De nombreuses arrestations ont été opérées.
Les personnes arrêtées à l’occasion seraient l’objet, selon certains de leurs proches, de traitements inhumains et dégradants. Le FDR estime que la place des militaires, quelle que soit la couleur de leurs bérets, est dans les casernes et au front, là où le peuple malien a urgemment besoin d’eux, pour effacer l’humiliation infligée au pays par les groupes rebelles et salafistes.
Le FDR demande aux pouvoirs publics que les évènements du 30 avril et du 1er mai soient l’objet d’une enquête impartiale, sans partis-pris, et dans le respect des droits humains fondamentaux.
Il réclame en outre que tous les actes de violence commis à cette occasion – tortures, assassinats… – face l’objet d’enquêtes de la CPI.
3. Il demande que les mêmes enquêtes impartiales soient appliquées pour élucider les circonstances et identifier les responsables des attaques contre les locaux de Radio Kayira à Koutiala et le siège du parti Sadi à Mopti, car en démocratie, rien ne justifie la violence comme forme d’expression.
Un mois après le retour à l’ordre constitutionnel, le FDR fait les constats suivants :
– Un climat de peur et d’intimidation s’est abattu sur le pays, notamment sur la capitale Bamako et ses environs, depuis les affrontements sanglants entre unités rivales de l’armée. Des menaces sérieuses pèsent sur les droits constitutionnels des citoyens. Des arrestations sont en cours, en dehors de tout contrôle des autorités constitutionnelles et judiciaires. Des exactions, et même des exécutions sommaires auraient été perpétrées.
– Une certaine confusion est faite entre d’éventuels mercenaires et des ressortissants de pays frères qui vivent parmi nous. Le FDR demande au Gouvernement de faire preuve du plus grand discernement ici, car un vieux pays d’émigration qui a des centaines de milliers de ressortissants à travers l’Afrique et le monde, ne saurait faire d’amalgames entre de paisibles citoyens communautaires et des individus qui se livrent à des actes répréhensibles.
– Une censure féroce règne sur la radio et la télévision publique, sur les ondes desquelles ne sont autorisées que les opinions des groupes pro-putsch.
– La junte militaire qui a perpétré le coup d’Etat du 22 mars reste omniprésente sur la scène publique. Le retour à la Constitution est purement formel.
– Pendant ce temps les groupes d’occupation rebelles accentuent leur main mise sur le nord du pays, en s’adonnant à la profanation de tombeau de saint à Tombouctou, et à un cortège de violations graves et massives des droits de l’homme.
Le FDR avait déjà déclaré, dans son communiqué du 23 avril dernier, que l’Accord Cadre CEDEAO/CNRDRE, en maintenant la junte sur la scène publique, entérinait et légitimait le coup d’Etat du 22 mars 2012.
Tous les évènements des dernières semaines confirment cette triste réalité.
Le FDR ne s’associera à aucune tractation, à aucune initiative dont la finalité serait de parachever le coup d’Etat.
Il réclame le retour effectif des militaires dans les casernes, la restauration réelle de l’ordre constitutionnel, et la soumission totale des militaires aux autorités civiles constitutionnelles.
Le FDR demande aux autorités constitutionnelles de prendre les mesures qui s’imposent pour le rétablissement de l’intégrité territoriale, le retour des exilés et déplacés et l’ouverture urgente de couloirs humanitaires pour le ravitaillement des populations.
Le FDR en appelle à l’unité d’action de l’ensemble de la classe politique et des forces vives maliennes. Seule cette unité d’action peut permettre de réelles et durables solutions aux problèmes auxquels notre pays est aujourd’hui confronté.
Il en appelle également au soutien indispensable de la communauté sous régionale, régionale et internationale, dont il salue les actes déjà posés dans la gestion de cette crise.
Souvenons-nous ! Chaque fois que notre pays à victorieusement fait face à des situations du genre, seule la mise en commun de nos efforts, sur des bases objectives et réalistes, a permis de vaincre les obstacles posés. Il en a été ainsi en 1960 pour que le pays recouvre la plénitude de sa souveraineté, en 1991 pour faire aboutir la révolution qui a donné naissance à la troisième République dont nous sommes fiers, mais dont l’essence est aujourd’hui menacée.
Bamako, le 11 mai 2012, Le Président SIAKA DIAKITE
Le 22 Septembre 14/05/2012