Monsieur le chef de file, Messieurs les Présidents des partis, Mesdames, Messieurs les journalistes, Chers invités,
1. Le gouvernement a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi portant modification de la loi N°2012-007 du 07 février 2012 portant Code des collectivités territoriales modifiée par la loi N°2014-052 du 14 octobre 2014.
2. La Conférence des présidents du Collectif des partis politiques de l’opposition démocratique et républicaine, réunie le 28 mars 2016 au siège du PS Yelen Kura, a considéré que l’objet dudit projet est triple:
– substituer une autorité intérimaire à la délégation spéciale appelée par le Code actuel à remplir certaines fonctions du conseil communal, du conseil de cercle ou du conseil régional en cas de dissolution ou de démission de tous leurs membres ou en cas d’annulation devenue définitive de l’élection de tous leurs membres ou lorsque lesdits conseils ne peut être constitués;
– faire exercer par ces autorités intérimaires toutes les fonctions dévolues aux conseils communaux et aux conseils de cercle et de région;
– renvoyer à un décret pris en Conseil des ministres la détermination des modalités de mise en place des autorités intérimaires, y compris les dispositions spécifiques relatives aux collectivités du Nord.
3. La Conférence des présidents s’est aperçue, à la lecture de la lettre de dépôt, qu’il est prévu par le projet de décret que dans les régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudénit:
– les membres de ces autorités intérimaires seront désignés par le gouvernement, les groupes armés (la Coordination des mouvements de l’Azawad et la Plateforme) et les autorités traditionnelles;
– les autorités intérimaires seront constituées d’agents des services déconcentrés de l’État, de représentants de la CMA et de la Plateforme, de la société civile et d’anciens membres des conseils qu’elles vont remplacer.
4. La Conférence des présidents du Collectif des partis politiques de l’opposition démocratique et républicaine est arrivée aux conclusions suivantes
.4.1. Si le projet était voté, la loi constituerait un recul démocratique parce que:
– elle va conduire à substituer des organes désignés par l’Administration aux conseils communaux, conseils de cercle, conseils régionaux et au conseil du District élus et dont les mandats ont été prorogés par la loi N°2015-047 du 7 décembre 2015jusqu’à la mise en place de nouveaux organes ;
– elle va marginaliser les partis politiques dans la gestion des collectivités en ce que les autorités intérimaires seront constituées de personnes provenant des services déconcentrés, de la société civile et du secteur privé ainsi que de conseillers sortants; ces derniers étant les seuls membres de l’équipe représentant des partis politiques.
4.2. Si le projet était voté, la loi consacrerait une violation flagrante de la Constitution et des lois que le gouvernement se doit de respecter:
– la lettre de dépôt n’indique pas que le Haut Conseil des collectivités a donné son avis sur le projet de loi en application de l’article 90 de la Constitution qui impose au Gouvernement de saisir pour avis cette institution pour toutes actions concernant la politique de développement local et régional;
– l’article 2 du projet renvoie la détermination des modalités de mise en place des autorités intérimaires, y compris les dispositions spécifiques relatives aux collectivités du Nord, à un décret pris en Conseil des ministres alors qu’au regard de l’article 70 de la Constitution, jusque là de telles dispositions ressortent du domaine de la loi comme l’illustre suffisamment le code des collectivités; sauf mise en œuvre de l’alinéa 3 de l’article 73 de la Constitution.
4.3. Si le projet était voté, cette loi serait un pas de plus vers la partition du pays en instituant en matière d’administration et de gestion des collectivités, deux régimes juridiques distincts; l’un s’appliquant au reste du territoire national et qui resterait dans le domaine de la loi et l’autre, celui qui est prévu par l’article 2, relevant du domaine règlementaire et ne concernant que les régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudénit appelées Azawad par certains.
4.4. Si le projet était voté, la loi ouvrirait, en matière de gestion et d’administration du territoire, la voie à un partage de l’exercice du pouvoir souverain entre les autorités habilitées par la Constitution (le Président de la République, l’Assemblée nationale et le gouvernement) et d’autres qui n’ont point cette qualité, c’est-à-dire les groupes armés, puisque les autorités intérimaires dans les régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudénit seraient désignées par le gouvernement, la Coordination, la Plate forme et les autorités traditionnelles.
4.5. En outre, dans le projet de loi introduit par le gouvernement, la légitimité des urnes est supplantée par la raison du plus fort, celle des armes dont se prévalent les groupes armés.
Il met en évidence le manque criard de concertations qui auraient permis d’améliorer l’Accord d’Alger en vue de faciliter sa mise en œuvre. La surdité, la cécité et le refus constant de concertations du gouvernement sont de réelles menaces pour la paix et la stabilité du pays.
Nous recommandons l’abandon de ce projet de loi et invitons le gouvernement à des discussions avec la majorité et l’opposition afin de trouver un compromis acceptable pour tous.
Nous réitérons notre appel à la tenue de concertations sur l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale et prenons à témoin l’opinion publique nationale et la communauté internationale sur le manque de volonté politique du président de la République et du gouvernement et leur refus obstiné d’entendre les propositions de l’opposition républicaine.
5. La Conférence des Présidents du Collectif des partis politiques de l’opposition démocratique et républicaine, au regard de ces considérations, a invité le groupe parlementaire Vigilance républicaine et démocratique (VRD) à ne pas voter ce projet de loi.
Bamako, le 30 mars 2016
Source: Le 22 Septembre