Le vendredi 2 mai 2014 dernier, le Premier ministre Moussa Mara était face aux députés pour défendre sa DGP, présentée la veille devant l’auguste Assemblée nationale. Dans les conditions normales, l’exercice auquel il était convié, devrait être des plus sereins pour un Premier ministre issu des rangs de l’écrasante majorité parlementaire. Mais que non !
Acculé par les questions, somme toutes pertinentes, des élus de l’opposition parlementaire, le Premier ministre Mara, à force de vouloir défendre l’indéfendable et de justifier l’injustifiable, a perdu le contrôle de sa langue et s’en est maladroitement pris à l’ensemble des gouvernants de 1995 à nos jours, dont celui-là même par la grâce duquel il est aujourd’hui chef du gouvernement de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, qui, faut-il le rappeler, a été pendant cette même période successivement Premier ministre (1994-2000) et président de l’Assemblée nationale (instance suprême d’adoption des budgets d’Etat) de 2002 à 2007.
Malheureusement, dans le Mali d’aujourd’hui, le ridicule ne semble plus tuer personne.
En effet, ils étaient 28 candidats au 1er tour de la dernière élection du président de la République. Au second tour, conformément à la loi, 25 sur les 27 ayant effectivement pris le départ sont tombés. Les 2 arrivés en tête, respectivement Ibrahim Boubacar Kéita et Soumaïla Cissé se sont affrontés au second tour. Le peuple a fait un choix des plus éloquents en donnant la victoire à IBK avec 77,7 % des voix.
Cependant, chacun des 28 postulants à la magistrature suprême a sillonné le pays pendant la campagne pour présenter un programme, sinon un projet de société aux Maliens. Jamais, en ce moment personne n’a entendu un candidat dire qu’il se reconnaissait dans le programme ou projet de société de l’autre, son adversaire et concurrent. Mais d’autant plus qu’aujourd’hui le ridicule ne semble plus tuer personne au Mali, depuis la proclamation des résultats provisoires du 1er tour, l’on a assisté à une ruée, telle une flopée d’abeilles attirées par le pollen des fleurs du printemps, pour s’agripper à celui dont la victoire ne faisait l’ombre d’aucun doute.
Le ridicule ne semble plus tuer dans ce pays
La suite est sue et connue de tous. Peut-on logiquement parler dans ce cas de conviction politique chez ces prétendus politiciens ? Pis, le jeune président du parti Yéléma (Changement) a non seulement accepté de mettre entre parenthèses ses ambitions pour le Mali, en intégrant le gouvernement Oumar Tatam Ly, appelé à mettre en œuvre le programme d’IBK.
Face à ce qu’il a qualifié de « dysfonctionnements énormes » dans la gouvernance des affaires de l’Etat, le Premier ministre Oumar Tatam Ly a jeté l’éponge après seulement 7 mois de Primature, résistant ainsi à toutes sortes de pressions exercées sur lui afin de poursuivre l’œuvre à la tête du gouvernement. Pour couper court à toute éventualité dans ce sens, il regagna sans tambour ni trompette, son ancien poste à la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Dakar, où il avait prise soin « d’exfiltrer » sa famille quelques jours auparavant.
Le ridicule ne semble plus tuer dans ce monde
Visiblement pris de court par le refus catégorique de celui-là qui se considérait déjà comme ancien Premier ministre (OTL), le président Ibrahim Boubacar Kéita se tourna vers cet autre jeune cadre, apparemment plein d’enthousiasme et d’idées nouvelles, qui avait failli l’humilier aux élections législatives de 2007, n’eût été « la solidarité » et le soutien politique de l’ex-chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré (ATT). Il s’agit de Moussa Mara, expert-comptable de son état et président du parti Yéléma (Le Changement), bombardé Premier ministre à la surprise générale en remplacement de Oumar Tatam Ly démissionnaire. Voilà pour l’histoire.
Moussa Mara, qui commençait à se forger une certaine image dans l’esprit d’une bonne frange de ses compatriotes, ne résista pas à l’appât. Au contraire, il sauta dessus, les deux pieds joints et visiblement la tête dans des nuages d’illusions. Il se précipita, comme pour aller vite, à présenter un document concocté longtemps à l’avance en guise de DPG qui ne pipe mot de son propre programme aux Maliens lors de la campagne présidentielle. Où est donc la cohérence lorsqu’on prétend être un homme de conviction ?
Cherchant à être plus royaliste que le roi lui-même, il finit par enfoncer le clou de la cacophonie et de l’ambigüité lorsqu’il voulut défendre bec et ongle l’achat d’un second avion présidentiel pendant que l’existant ne présente aucune défaillance technique et encore moins juridique de l’avis d’un expert de l’aviation civile malienne dans les colonnes de l’Indicateur du Renouveau du 6 mai 2014.
En manque d’argument solide, le Premier ministre a cru trouver son salut dans ce qui convient d’appeler l’arme des faibles, en se laissant notamment aller aux invectives, aux accusations gratuites et mensongères à l’endroit de ses prédécesseurs traités au passage de « voleurs de la République ». Ces propos ont surpris et outré tous ceux qui avaient encore de l’estime pour le fils de Joseph Mara.
Car, jusque-là, Moussa Mara apparaissait aux yeux de bon nombre de ses compatriotes comme ayant la tête sur les épaules, respectueux de certains principes et valeurs de la République et de la démocratie. Mais cette fébrilité dans ses propos est perçue comme la preuve que l’homme n’est pas suffisamment mur et apte à assumer certaines responsabilités au sommet de l’Etat.
En est-il seulement conscient lui-même ? Si oui, il a intérêt à réajuster les choses avant qu’il ne soit trop tard. Sauf s’il a volontairement fait le choix de sacrifier son avenir politique au profit d’une hypothétique et aléatoire fonction de Premier ministre d’une « gouvernance mal partie ». Ce qui serait vraiment dommage pour tous ceux qui nourrissaient pour l’homme une certaine considération.
Les Maliens n’en peuvent plus de l’amateurisme et de l’absence d’actions concrètes pouvant leur soulager des souffrances quotidiennes. Lorsqu’on ne maîtrise pas son sujet, mieux vaut se taire. Pour ne l’avoir pas compris, le Premier ministre, à l’issue de sa DGP n’a fait qu’en rajouter à la cacophonie et à la polémique là où ses compatriotes attendaient légitimement des réponses immédiates à leurs préoccupations du moment. C’est raté !
Bréhima Sidibé
L’ Indicateur Du Renouveau