Le Ministre des Affaires Etrangères des Pays–Bas a entrepris une tournée qui doit le conduire au Mali et au Ghana du 14 au 16 avril 2016. Cette visite au Mali nous donne l’occasion d’exprimer à nouveau nos préoccupations au sujet du dialogue actuel entre l’Europe et l’Afrique autour de la migration. Elle survient à la suite du sommet Europe-Afrique de la Valette tenu en novembre 2015 avec les chefs d’Etat africains et européens.
La présidence hollandaise de l’Union Européenne a fait de la migration une priorité pour prouver à l’opinion publique européenne ses efforts fournis pour lutter contre la migration dite «illégale» raison pour laquelle nos pays qui ont une forte culture migratoire sont des cibles désignées. Les pays européens de plus en plus conditionnent leur aide publique au développement à l’acceptation par les pays africains de certaines mesures de refoulement et d’expulsion des migrants en situation irrégulière. Il est inadmissible que l’aide publique au développement soit assujettie à de telles conditionnalités.
L’Union Européenne a mis sur pied un fonds fiduciaire de 1,8 milliard d’euros à la suite du sommet de la Valette. Ce fonds est destiné à repousser les pays africains, notamment ceux du Sahel et de la corne de l’Afrique, à développer des politiques de gestion de la migration dictées par l’Union Européenne et en défaveur des populations africaines. En réalité, le fonds fiduciaire mis à disposition n’est que le reliquat du Fonds Européen au Développement (FED) promis à l’Afrique dans le cadre des accords de Cotonou bientôt à expiration.
Le sommet de la Valette a été organisé pour faire face à la crise de l’Europe suite à l’arrivée massive des migrants mais, une fois de plus cela a été une occasion ratée pour trouver des solutions aux causes profondes des différents drames humains dans les mers entre l’Europe et l’Afrique. La solution pour mettre fin à cette tragédie humaine demeure la promotion de la libre circulation que refuse d’accepter l’Europe malgré la faillite des politiques sécuritaires et la restriction d’octroi de visas de séjour qu’elle a mise en œuvre ces dernières années contre les migrants.
Nos dirigeants prônent le développement et la création d’emploi qui pourraient retenir la jeunesse africaine en quête perpétuelle d’emploi, mais il ne serait pas possible de cantonner les opportunités d’emploi de cette jeunesse uniquement sur le continent africain. Le développement d’un pays ou d’un continent ne peut être synonyme de fin de la migration de sa jeunesse. Les pays développés aujourd’hui sont bien la preuve que le développement et la mobilité vont ensemble, ainsi l’analyse des causes profondes de la migration dite irrégulière et les solutions proposées par l’Union Européenne sont défaillantes et inappropriées.
L’AME recommande :
• Au regard de ce contexte que nos pays mènent un dialogue constructif dans le cadre du partenariat entre l’Union Européenne avec l’Afrique ;
• A l’Union Européenne de s’inspirer de l’exemple de l’espace CEDEAO où la libre circulation est active depuis plus de trente ans en vue de faire face à la crise actuelle ;
• A l’Union Européenne de mettre en avant les valeurs humanistes dont elle se vante pendant longtemps et qui à nos yeux se meurent de plus en plus.
Bamako, le 19 avril 2016
Le Président de l’AME
Ousmane DIARRA
Source: Le Reporter