Débat au Festival sur le Niger / La création peut elle provoquer le changement social ?

-Le Festival sur le Niger s’efforce à chaque édition de joindre l’utile à l’agréable. En plus de diverses manifestations culturelles et artistiques, chaque année il offre un espace de discussions et d’échanges à des historiens, des chercheurs et à des hommes de culture afin qu’ils réfléchissent sur les enjeux de notre société. Cette année, sous le thème générique de « Création et développement », le festival sur le Niger a amené le Professeur Mahamadé Savadogo du Burkina Faso à introduire les discussions sur le thème de la « Création et changement social ». Dans cet exercice, il était accompagné par Alpha Amadou Sy du Sénégal qui avait la lourde responsabilité de faire une conférence introductive sur le thème de la « Création et citoyenneté ».

Professeur de philosophie morale et politique et d’histoire de la philosophie moderne et contemporaine à l’Université de Ouagadougou, Mahamadé Savadogo, à propos du thème « Création et développement », a indiqué : « l’activité créatrice désigne une manière d’introduire du changement dans le monde, dans la perception quotidienne des choses ». Cependant, il a estimé que ce changement n’a pas de lien nécessaire avec le changement social.

« Le changement social, de prime abord, renvoie à une évolution dans la vie collective qui ne saurait dépendre de l’initiative d’un seul individu à la manière de l’activité créatrice. Il suggère un mouvement collectif dont l’origine est toujours difficile à saluer », a-t-il déclaré. Mais, au-delà de cette opposition consacrée entre création et changement social, le philosophe burkinabé a estimé qu’il demeure légitime de penser non seulement que toute création vise à avoir une influence sur la société, mais surtout que création et changement social sont à rapprocher dans la mesure où tout changement social est susceptible d’être tenu pour une forme de création collective.

Et, partant du principe que toute création n’entraîne pas un mouvement de transformation de la société, il s’est interrogé sur la condition où la création et le changement social peuvent se rejoindre. Il s’est posé la question : où s’achève l’initiative individuelle et où commence la création collective ? A l’issue d’une discussion appréciée par l’ensemble des participants, le Professeur burkinabé a estimé que « l’articulation entre la création et la poursuite du changement social enseigne, quant à elle, que le comble de la grandeur ne se trouve pas dans l’évasion face à la réalité, mais bien dans la résolution de l’affronter ». Pour sa part, Alpha Amadou Sy du Sénégal, dans son intervention sur le thème « Création et Citoyenneté », a décidé de considérer le binôme culture et militantisme.

Selon lui, cette approche nous permet de mettre en évidence la filiation historique, voire idéologique de l’implication actuelle des artistes dans les luttes citoyennes avec les hommes de culture de l’aube des indépendances africaines. En se focalisant souvent trop sur le cas du Sénégal qu’il connaît bien, le conférencier a mis en exergue le rôle que pourraient jouer les artistes dans l’ancrage populaire du projet d’esprit républicain. « C’est dans cette appropriation des citoyens que ce projet puisera l’énergie qui en fera une puissance matérielle transformatrice de l’Afrique », a-t-il conclu.

Assane Koné

Le Républicain Mali 24/02/2012