Une touriste photographie un portrait géant de Fidel Castro, le 23 novembre 2017 à Santiago de Cuba / © AFP /
Cuba s’apprête à commémorer sobrement samedi le premier anniversaire de la mort du père de sa révolution Fidel Castro, au moment où l’île engage le processus devant mener, dans trois mois, au départ de son frère Raul de la présidence.
La volonté du « commandant en chef » Fidel a été respectée: aucune rue, place ou édifice ne porte son nom et aucune statue ou monument n’a été érigé en son honneur. Mais Fidel reste très présent dans les esprits, et les médias d’Etat ne manquent pas de rappeler chaque jour ses exploits, discours et écrits.
Dans les rues, panneaux et inscriptions ornant les murs, qui célèbrent « Fidel entre nosotros » (« Fidel parmi nous »), ou « Fidel vive » (« Fidel vit »), pullulent à l’approche du premier anniversaire de son décès à l’âge de 90 ans.
Ces jours-ci, de nombreuses commémorations « politiques et culturelles » ont lieu à travers le pays, mais les autorités n’ont pour l’heure pas programmé d’évènement faisant figure de point d’orgue des cérémonies.
A La Havane, se tiendra samedi soir une veillée devant l’université, alors que Raul Castro devrait se déplacer à Santiago de Cuba (sud-est) devant l’imposant monolithe immaculé où reposent les cendres de son aîné.
Hasard ou volonté des autorités, ces hommages coïncident avec la tenue dimanche du premier tour des élections municipales, un scrutin reporté suite au passage de l’ouragan Irma, qui a fait 10 morts et causé de nombreuses destructions sur l’île en septembre dernier.
Ce vote donnera le coup d’envoi d’une série de scrutins devant aboutir, fin février, au remplacement de Raul Castro, 86 ans, à la tête du pays.
– Contexte délicat –
Au cours de l’année écoulée, les Cubains ont vu la situation économique de leur pays reculer notamment sous l’effet de la baisse des livraisons pétrolières vénézuéliennes, et le rythme des réformes s’est brusquement ralenti.
Après une année 2016 marquée par un recul du PIB de 0,9%, l’Etat projetait une croissance de 2% pour 2017, mais ce chiffre a été ramené à 1% en juillet, alors que la Cepal, commission économique de l’ONU pour la région, vise les 0,5%.
Ces évaluations ont été publiées avant le passage d’Irma, dont les dégâts occasionnés dans les secteurs du tourisme et surtout de l’agriculture n’ont toujours pas été officiellement chiffrés par les autorités.
En parallèle, l’administration de Donald Trump a durci le ton vis à vis de La Havane, qui risque de pâtir de nouvelles restrictions visant le commerce et les voyages des Américains sur l’île.
En août, le gouvernement cubain a donné un coup de frein à l’initiative privée en suspendant indéfiniment l’octroi de licences pour une trentaine d’activités dans le but de lutter contre les fraudes dans ce secteur qui emploie 20% des actifs du pays.
Selon l’ancien diplomate et universitaire cubain Carlos Alzugaray, le pays accumule des « retards » dans les domaines de la décentralisation, de l’ouverture de l’économie au secteur privé et de l’unification monétaire, réforme attendue depuis plusieurs années.
– Passage de témoin –
Président depuis 2008 après un intérim de deux ans, Raul Castro a annoncé qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat et cèderait sa place à un dirigeant de la nouvelle génération.
Pour l’heure c’est son premier vice-président et numéro deux du gouvernement, Miguel Diaz-Canel, 57 ans, qui tient la corde pour lui succéder.
Né après la révolution, cet apparatchik aux cheveux poivre et sel aura la lourde tache de fédérer autour de sa personne, consolider les acquis de la révolution et poursuivre la transition économique esquissée par Raul Castro.
Ce dernier n’abandonnera toutefois pas totalement les manettes, puisqu’il restera à la tête du tout puissant Parti communiste cubain (PCC) jusqu’au prochain congrès prévu en 2021.
« Ces deux prochaines années, le programme du gouvernement et la manière d’exercer le pouvoir ne changeront probablement pas beaucoup », prédit Michael Shifter, président du groupe de réflexion Dialogue interaméricain, à Washington.
Toutefois, aux yeux de l’expert cubain Arturo Lopez-Levy, professeur à l’Université du Texas Rio Grande Valley, cette transition « offre des opportunités de changement de politique conformes à la vision de la nouvelle génération ».
Pour guider son successeur, Raul Castro s’est chargé de lui dessiner des « lignes directrices » votées par le parti et le Parlement. Celles-ci donnent les orientations politiques et économiques à mener d’ici 2030, avec pour objectifs la consolidation du régime et la poursuite de « l’actualisation » d’un modèle économique obsolète.
(©AFP / 24 novembre 2017 09h51)