La raffinerie de Nico Lopez à la Havane, le 5 juin 2017 / © AFP / YAMIL LAGE
Près d’un village côtier du nord de Cuba, un forage chinois pilonne le sous-sol en quête d’or noir, illustrant les efforts déployés par La Havane pour stimuler sa production face à la baisse des livraisons de pétrole de son allié vénézuélien.
Concédé à des conditions favorables et payé en grande partie avec l’envoi de médecins cubains au Venezuela, le pétrole livré par Caracas avait insufflé à l’économie cubaine l’oxygène nécessaire pour s’extirper de la crise provoquée par la chute du grand frère soviétique dans les années 1990.
Mais alors que la situation s’aggrave de jour en jour pour le Venezuela de Nicolas Maduro, ces livraisons ont chuté de 40% depuis 2014, selon plusieurs experts indépendants.
Une situation critique qui contraint le monopole d’Etat Cuba Petroleo (Cupet) à trouver les moyens d’augmenter sa production et à chercher de nouveaux partenaires.
Directeur adjoint de Cupet, Roberto Suarez admet que la crise politico-économique vénézuélienne a provoqué une « instabilité » dans les livraisons de brut du proche allié, conduisant dès 2016 les autorités cubaines à imposer régulièrement des mesures drastiques d’économie d’énergie dans les entités publiques.
– Quelle bouée de sauvetage? –
La question est urgente car Cuba consomme 130.000 barils par jour et n’en produit approximativement que 50.000, relève l’expert du secteur Jorge Piñon, de l’université du Texas à Austin (Etats-Unis).
Les exportations vénézuéliennes, longtemps supérieures à 100.000 b/j, ont permis à Cuba de réexporter des produits pétroliers raffinés. Mais selon l’institut onusien de statistiques Un comtrade, les exportations de la raffinerie de Cienfuegos (centre) – gérée conjointement par Cupet et le vénézuélien PDVSA – ont fondu de 500 millions de dollars en 2013 à 15,4 millions en 2016.
Si Caracas cessait ses livraisons, Cuba devrait débourser quelque « 1,5 milliard par an », explique M. Piñon, ancien directeur d’Amoco Amérique latine.
Une facture astronomique qui plomberait la balance des paiements d’un pays entré en récession en 2016, avec un PIB en recul de 0,9%.
Mi-mai, le pétrolier russe Rosneft a annoncé avoir envoyé 249.000 barils de brut à Cuba, dans le cadre d’un contrat portant sur 1,8 million de barils dont les termes n’ont pas été rendus publics.
Pour M. Piñon, ils s’agit d’une « bouée de sauvetage en forme d’essai dans l’attente d’un effondrement politique et économique au Venezuela », mais l’expert estime peu probable que Moscou renouvelle ses largesses de l’époque de la Guerre froide. D’autres partenaires traditionnels comme l’Algérie ou l’Iran ne semblent pas non plus en mesure de venir en aide à Cuba.
« Je ne connais pas d’autre pays ayant la puissance financière, le niveau de production pétrolière ou l’alignement politique avec Cuba qui pourrait remplacer le Venezuela (…) sans impact sur l’économie cubaine. Que ce soit le Brésil, l’Angola, l’Algérie, la Chine ou la Russie », prévient M. Piñon.
– Méga-puits horizontaux –
A Boca de Camarioca, village de bord de mer situé à 140 km à l’est de La Havane, Geisel Escalona dirige les opérations d’une tour de forage de 58 mètres de haut, louée à l’entreprise chinoise Great Wall.
Cupet s’est fixé pour but de terminer d’ici moins d’un an le puits Varadero 1.008, sa nouvelle promesse.
Après le déclin des champs « on-shore » et l’échec de plusieurs campagnes d’exploration dans le Golfe du Mexique, Cupet fait maintenant le pari du forage directionnel horizontal, technique permettant d’exploiter à partir de la terre des gisements de brut maritimes proches des côtes, afin de limiter les coûts.
« Nous en sommes à 1.350 mètres (…) et espérons parvenir jusqu’à 8.200 mètres », où se trouve le réservoir présumé, ce qui constituerait « un record national », explique à l’AFP M. Escalona, 37 ans, expert en perforation pétrolière.
Il s’agit du dixième puits de ce type creusé par Cupet depuis 2009 sur le gisement « Varadero », le plus important de l’île avec des réserves estimées à 11 milliards de barils.
Ces puits produisent « plus de 98% » du pétrole cubain, détaille Roberto Suarez, confirmant que l’entreprise d’Etat déploie « tous les efforts (…) pour explorer et identifier des zones susceptibles de produire du pétrole ».
Au pied du 1.008, le responsable des opérations de forage de Cupet Julio Antonio Jimenez, 64 ans, indique que ce champs est déjà pris en compte dans les projections de production nationale, car on estime à « 99,9% » les chances d’y trouver du pétrole.
(©AFP / 08 juin 2017 07h39)