Au lendemain du sommet de la CEDEAO (Yamoussoukro, le 29 juin 2012), le Premier ministre Cheik Modibo Diarra, son ministre de l’Information et celui des Affaires Etrangères avaient laissé éclater leur colère contre les dirigeants de la sous-région : « on veut qu’on prenne dans le gouvernement des gens qui ont conduit le pays là où il est, des corrompus, vomis par le peuple. Jamais ! ».
Le ministre de l’Information renchérissait quelques jours plus tard, sur Radio France Internationale (RFI), précisément le 8 juillet, ce que son patron lui-même confiait à ses visiteurs : « on ne peut pas faire le gouvernement avec des gens qui nous sont hostiles » ! Il faut dire que le n°2 du gouvernement avait donné le ton dans « Le Challenger » du 21 juin. Sadio Lamine Sow avait fustigé les hommes politiques, qualifiés de pressés et d’incompétents. Une insulte gravissime de la part de quelqu’un qui n’a connu et n’a eu d’existence et que par les palais, ce qui s’y dit et s’y passe. Du reste dans sa position, à la question de savoir est-il plus un technocrate qu’un politique, la réponse est connue de tous et n’est guère à son avantage.
Cheik Modibo Diarra et les principaux membres du gouvernement minoritaire qui l’accompagnent faisaient de la résistance à la formation d’une équipe plus légitime et plus représentative capable de sortir le pays de la crise ….. Jusqu’ à ce vendredi 13 juillet, quand un communiqué du Ministre de l’Information annonça que le Premier Ministre se rendait à Paris pour discuter, avec le Président Dioncounda Traoré, de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale !
Jamais ! Jamais ! Jamais !
Que s’est-il donc passé pour que l’homme de Mars et ses amis redescendent sur terre ? Est-ce le dur contact avec la réalité, la triste réalité d’un pays qui s’enfonce dans la crise et dont le peuple humilié souffre sans assistance de son propre gouvernement. La triste réalité d’un PM et d’un gouvernement inaptes à faire face à la grave situation que le pays traverse.
Critiqué à l’intérieur pour son inefficacité, Cheik Modibo l’est aussi à l’extérieur pour son inertie qui alarme la sous-région et les partenaires du Mali. C’est sans doute pour cette raison qu’il décida, de manière brouillonne, de rendre visite aux gouvernements des pays voisins. Manière brouillonne ? Dans au moins deux capitales, c’est en arrivant à l’aéroport qu’il a demandé le nom de son homologue qui l’a accueilli au bas de la passerelle, devant des officiels médusés.
Sans vision ni plan clairs pour résoudre la plus grave crise de l’Histoire contemporaine du pays, Cheik Modibo Diarra s’est rendu, sans objectifs précis chez tous nos voisins. Le bilan? Il serait désastreux, de l’avis même des proches de ses proches. L’on a frôlé l’incident diplomatique et l’humiliation en Mauritanie où l’audience aurait atteint des records de brièveté en l’absence de notre ministre des affaires étrangères été tenu à l’écart de la rencontre, à la demande du Président Ould Abdel –Aziz, et pour cause…
Le PM lui-même a tiré de ses multiples voyages l’impression qu’aucun de nos voisins n’aime le Mali. C’est dire si le bilan de ces voyages est positif.
L’impression générale est que le PM et son gouvernement pataugent rendant inquiets nos voisins et partenaires du fait de l’immobilisme du pouvoir à Bamako.
Les vertus de la reconversion
C’est à l’unisson que la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Union Européenne, l’ONU, les gouvernements américain, français, britannique appellent à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, crédible pour gérer les crises du Mali .Et les derniers déplacements de celui qui a été désigné pour sortir le pays de l’ornière au Niger et au Sénégal lui ont enlevé ses dernières illusions quant à la possibilité de maintenir un gouvernement si minoritaire et si peu efficace , critiquable à tous points de vue , y compris de l’extraction.
On comprend alors la reconversion de l’homme et de ses ministres à la religion du gouvernement d’union. Depuis le vendredi 13 juillet, CMD est devenu le principal avocat de l’idée de gouvernement élargi (cf ses discours en français et bamanan du 16 juillet). Ce qui laisse complètement orphelins les hommes politiques de la COPAM et de la Convergence pour sauver le Mali (comme H. Amion Guindo Moussa Mara) qui dans des prises de position surréalistes défendaient le maintien en l’état d’une équipe gouvernementale aussi discréditée.
Le nouvel activisme de CMD n’est plus pour défendre son équipe mais pour se maintenir soi-moi-même au poste de PM. Cet activisme est marqué du sceau de l’improvisation : le corps diplomatique est convoqué le 16 juillet pour exposer une Feuille de route loin d’être au point. Les nombreux couacs qui marqué la rencontre ont déçu plus d’un diplomate invité. Les réponses évasives apportées aux questions posées ont laissé un malaise général.
Illuminé, comme Paul sur le chemin de Damas
L’ambassadeur de France qui s’est étonné qu’une feuille de route soit élaborée au moment où on parle d’un nouveau gouvernement n’a reçu pour toute réponse qu’un bourdonnement informe.
Au total après s’être montré dédaigneux de tous les acteurs politique, comme si on pouvait faire de la politique sans les politiques, le voilà soudain illuminé, comme Paul sur le chemin de Damas, révisant sa copie. Une copie du reste dont il n’aurait jamais dû se démarquer du substrat qui l’a engendrée ce qui lui aurait évité ce volte face, brise rein. L’opinion qu’il voudrait avoir à sa cause est restée tout au long de ses trois derniers mois aussi perplexe qu’abasourdie. D’abord du fait que la distance vis-à-vis des acteurs de la scène est décidée par un PM avant tout chef de parti, donc un politique mais aussi du fait que son rejet du mouvement démocratique n’a permis qu’a remettre en selle la vielle garde udépémiste comme il est loisible de le constater . Toutes choses qui décrédibilise sa démarche et ses plans.
Connaissant ces aspects de la question et les mainmises dont il n’aura ni l’autorité ni l’expérience encore moins le charisme de se départir, il deviendra difficile de convaincre les uns et les autres de ces possibilités propres à se positionner comme un sauveur. Et pour cette raison ne saura pas aiguillonner une équipe dont le capitaine accumule tant d’insuffisances.
Le grand bluff
Dés lors, la démarche, sa démarche ne peut relever que de la manœuvre, d’une Réal politique aux contours mal maitrisés, comme le prouve le rabibochage d’une feuille de route aux allures de TDR, irréaliste, irraisonné, confectionné en catimini. Sentant davantage plus le Cabinet d’Etudes que le Think-Tank, dans sa forme la plus achevée, lequel se sera enrichi de l’apport de tous. Bref, Une construction collégiale préfigurant le gouvernement d’union dont les membres feront entendre leurs voix quant à la marche du pays, c’est le moins qu’on puisse dire
D’ailleurs, selon certaines indiscrétions, le gouvernement attendu empruntera beaucoup à la ruse et au saupoudrage, en s’élargissant dans le style d’ « un os jeté à la meute ». Un arabe par ci, un touareg par là, quelques ministères sous tutelle pour le FDR et la COPAM, des strapontins pour la société civile. le noyau dur de l’équipe lui restant à jouer des coudes dans un grand jeu d’orchestre improvisé d’où est absent le chef , flottant , voyageant , parlant , l’air de maitriser son sujet et de déterminer le destin du pays .
Voilà pour le tableau. Et pour une fois, qu’il serait rafraichissant de se découvrir dans l’erreur… au soir du 31 juillet prochain.
S.El Moctar Kounta
Le Republicain 20/07/2012