La France, sous la présidence de François Hollande, sans arrogance et sans aucune volonté hégémonique vis-à-vis du reste du monde comme ce fut le cas dans le règlement de la crise libyenne, veut recouvrer l’image que l’on aime avoir d’elle et qu’on lui connaissait depuis De Gaulle en passant par François Mitterrand et autres. Un pays qui met en avant « ses valeurs fondamentales » d’égalité, de fraternité, de liberté, de justice et de démocratie. Cette France-là a toute sa place, aujourd’hui plus qu’hier, dans un monde confronté de plus en plus à des défis multiples et multiformes tant au plan sécuritaire qu’humanitaire, environnemental, des droits de l’homme, de démocratie, etc.
La démarche est pédagogique et méthodique, mais elle est conduite avec détermination et engagement volontariste.
Un engagement sans réserve de la France aux côtés du Mali
En effet, on constate dans la position de la France d’aujourd’hui une certaine volonté de rupture. Elle fait tout désormais pour ne plus offusquer ses partenaires aussi bien européens qu’internationaux, notamment africains, tout en se donnant les moyens d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée. Dans des termes mesurés, respectueux et qui prennent en compte les sensibilités des autres, François Hollande est entrain de réhabiliter » la grande France « dont le monde a besoin, que les africains ne perçoivent pas comme » un état qui insulte « , » une nation qui nargue « , » un pays donneur de leçons » et dont les actes rappellent toujours l’éprouvante épisode de la colonisation.
C’est ainsi, que dans » sa » gestion de la crise malienne et de la menace terroriste qui en découle pour le monde entier, la France, de la bouche même de son président, est montée sur ses grands chevaux pour » rappeler à la communauté internationale ses responsabilités et toutes ses responsabilités pour circonscrire et stopper sans délai les risques de propagation de l’extrémisme et de la barbarie qui ont cours dans le nord du Mali depuis plus de six mois « .
La 67ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies et la Conférence internationale qui s’est tenue dans la foulée, ont servi de tribune privilégiée au président français pour porter solennellement » la voix de la France » et faire part de sa détermination à «arrêter la destruction sauvage de monuments historiques, les violences et les viols collectifs sur des femmes, les amputations de personnes innocentes et autres actes terroristes au nom d’une idéologie qui ne peut s’accommoder avec les valeurs de démocratie ». Pour ce faire, la France » invite » les Nations Unies » à adopter d’urgence une résolution donnant mandat au déploiement d’une force africaine dans le nord du Mali » sous la houlette de l’Union Africaine (qu’il a salué au passage) et de la Cédéao. Hollande rassure que la France ne faillira pas pour » assumer toute sa partition » en apportant à cette opération » un soutien conséquent en termes de logistiques, de renseignements et d’appui aérien « .
Les réserves algérienne et libyenne par rapport à une intervention militaire
Dans le même ordre d’idées, sur les 120 Chefs d’Etat et de Délégations ayant pris part aux travaux de la conférence sur la crise sécuritaire au Mali et au Sahel, le 26 septembre à New York, en marge des travaux de l’Assemblée générale des Nations unies, les rares voix discordantes ont été celles de l’Algérie et de la Libye. Si l’on connait la réticence habituelle de l’Algérie par rapport à tout déploiement de forces militaires étrangères à ses frontières, la crainte libyenne est de voir les terroristes et autres djihadistes se replier vers le territoire libyen après avoir été chassés du nord du Mali. Mais qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre de ces deux pays, on pourrait leurs rétorquer une certaine responsabilité dans ce qui se passe aujourd’hui dans cette zone.
En effet, l’islamisme fondamentaliste en Afrique en général et dans cette partie du continent, en particulier, provient d’une manière de la dégradation du climat sociopolitique en Algérie au début des années 1990 suite à l’annulation des résultats d’élections législatives qui avaient vu la victoire du Front islamique du salut (FIS) dissout depuis lors et la naissance du Groupe salafiste pour la prédication (GSPC) et du Groupe Islamique algérien (GIA), tous deux proches d’Al Qaïda. Ces différents groupes se sont mués ensuite en ce qu’on appelle aujourd’hui Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi). Voilà, pour l’histoire.
Mais, pourchassés et traqués sur le territoire Algérien par les services des forces armées et de sécurité, les résidus de ces différents mouvements se sont éparpillés un peu partout dans le sahel et ont continué « leur combat pour l’islam radical » à travers notamment des attentats et des prises d’otages d’étrangers en Mauritanie, au Niger et tout récemment au Mali et au Sahara Occidental (Maroc).
Avec donc le déploiement d’une force internationale dans le nord du Mali, on comprend aisément les inquiétudes légitimes de l’Algérie quant à un éventuel retour à » la maison » en tout cas pour les ressortissants algériens faisant partie aujourd’hui de ces terroristes et autres trafiquants de drogue qui écument ce vaste territoire de la bande sahélo-saharienne.
C’est à juste titre que face à la complexité du sujet et aux menaces que la situation faisait courir pour la stabilité et la paix dans la zone, que les autorités maliennes se sont égosillées en vain à réclamer une solution concertée et collégiale pour parer à toutes éventualités. Malgré les discours et les nombreuses initiatives dans ce sens, il a toujours manqué l’essentiel, c’est-à-dire la volonté politique des uns et des autres. Aujourd’hui, le vin est tiré, il faut le boire.
En ce qui est des craintes libyennes, elles sont également plus ou moins justifiées. En effet, tout le monde est unanime à reconnaître que si la crise libyenne avait été gérée autrement, on ne serait pas aujourd’hui face à une menace d’une telle ampleur pour le monde entier. Par précipitation, le monde, sous l’égide des Nations unies et l’extrême pression de la France à l’époque, a voulu résoudre la question de la dictature du régime de Kadhafi tellement vite, que personne ne s’est souciée des conséquences éventuelles qu’un règlement, tout au moins expéditif et spectaculaire, pouvait engendrer pour tous les autres pays de la région, voire du monde entier.
La majorité des rebelles qui ont attaqué la Mali avec la complicité de puissances étrangères en début d’année 2012, sont issus des » maliens » rentrés de Libye à la suite de la chute de Kadhafi. Ce qui n’occulte en rien la lourde responsabilité des autorités maliennes de l’époque dans la gestion qui a été faite du dossier. Mais, la plus part de ces gens ne sont maliens que de nom ou simplement d’origine. Ils ont soit la nationalité libyenne ou nés dans ce pays. Ils n’ont pratiquement jamais connu le Mali qu’à la faveur de la crise libyenne.
Venant d’ailleurs avec une autre culture et disposant de moyens logistiques et financiers conséquents, » ces apatrides » n’ont eu d’autre projet que de retourner leurs armes contre le Mali, le pays qui les a accueillis lorsqu’ils étaient en détresse errant dans le vaste Sahara comme des fantômes. Pour nous payer de notre hospitalité légendaire, ils se sont attaqués à la république et à la nation malienne, réclamant et » proclamant » l’indépendance d’une zone où ils ne représentent qu’une minorité au sein d’une autre minorité.
La priorité est à la libération des régions occupées
Trahi, blessé dans ce qu’il a de plus cher, notamment son honneur et sa dignité, le Mali n’aspire aujourd’hui qu’à une seule et unique chose : recouvrer à n’importe quel prix l’intégrité de son territoire et mettre fin à l’atroce souffrance endurée jusqu’ici par ses populations.
Toujours en citant le président français, François Hollande « dans cette quête légitime, chaque jour qui passe est un jour de trop et de perdu « . Pour l’avoir compris, les autorités de la transition au Mali ont mis en veilleuse leurs égos, en se mettant d’accord sur l’essentiel et la plus importante des priorités du moment. C’est pourquoi, d’une seule voix, celle du Mali tout entier, elles ont introduit des requêtes auprès de tous les partenaires bilatéraux et multilatéraux, pour » une intervention militaire d’urgence constituée de forces venant de tous les pays disposés à soutenir et à accompagner le pays » dans la résolution de cette crise aux conséquences déjà catastrophiques et inestimables pour la nation malienne toute entière.
L’Onu, par la voix de son Secrétaire général, Ban Ki-Moon, invite » à la prudence » par rapport à une intervention militaire. C’est de bonne augure, et là, elle est véritablement dans son rôle de garante » de la sécurité et de la protection des populations civiles « . La leçon libyenne étant encore très vive dans les esprits, « cette prudence » de l’organisation mondiale se justifie. Car, toutes les guerres ont des effets collatéraux sur les populations civiles. Mais, comme on le dit généralement « entre deux maux, la sagesse recommande d’opter pour le moindre mal « .
La communauté internationale ne doit et ne peut pas se permettre d’observer en » simple spectateur » ce qui se passe aujourd’hui dans le Nord du Mali sans agir ou sans réagir. Sa responsabilité est à tous points de vue engagée dans cette crise et elle est obligée d’y trouvée une solution le plus tôt que possible.
Sinon, le Mali aura alors toute la latitude, le droit et même l’obligation de se donner tous les moyens en vue de recouvrer l’intégrité de son territoire en chassant d’une manière ou d’une autre les forces négatives qui oppriment depuis des mois les populations des trois régions du Nord. Cela se fera bien évidemment avec les pays » frères » et » amis » qui voudront y contribuer, au premier rang desquels la France s’est déjà positionnée. Seulement, nous souhaitons que cela se fasse avec l’aval et un mandat clair des Nations unies.
Vieille nation reposant sur des fondements socioculturels solides et inébranlables à toutes épreuves, le Mali peut plier, mais la nation malienne ne s’effondrera jamais. Elle saura toujours se donner le ressort nécessaire pour rebondir plus forte que jamais grâce aux valeurs qui ont engendré sa naissance et qui se résument dans sa devise : Un Peuple – Un But – Une Foi !
La génération actuelle a pour devoir de ne point trahir cet engagement et cette profession de foi, à elle léguée par les pères fondateurs de la nation.
Ibrahima Sidibé
L’ Indicateur Du Renouveau 28/09/2012