Plus de trois mois après la nomination du Premier ministre Cheick Modibo Diarra (CMD), le constat est encore amer, c’est l’impasse à tous les niveaux. Personne ne peut dire à ce jour, quand, comment et par qui le nord Mali sera libéré de ses occupants que sont les groupes armés du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), d’Ansar Dine, du Mujao, et leurs complices. On ne sait pas quel est l’état de préparation de l’Armée, et pendant ce temps des milices d’autodéfenses s’organisent et veulent se substituer à l’armée pour essayer de laver l’affront, sans en avoir la formation requise. En outre, les anti-putschistes qui appellent de tous leurs vœux une intervention des forces étrangères, sous la houlette de la Cédéao, de l’Union africaine ou des Nations-Unies n’ont jusque là eu aucun écho favorable. La situation se caractérise par un immobilisme caractériel du gouvernement CMD.
Concernant le processus électoral, jusque là la décision n’a pas été prise d’opter pour le fichier sur la base du recensement administratif à vocation d’état civil (Ravec) ou biométrique, abandonnant donc l’ancien fichier sur la base du recensement administratif à caractère électoral (Race). Là aussi, on n’est pas avancé par rapport aux élections de 2007, où « des candidats de tous ordres de quelques bords que ce soit se sont installés à demeure dans la fraude généralisée».
Pour reprendre le financement public, suspendu après le renversement des institutions élues, le 22 mars 2012, les partenaires techniques et financiers (PTF) ont exigé beaucoup plus de visibilité dans les actions du gouvernement de transition, matérialisées par une feuille de route dont l’absence est synonyme d’un pilotage à vue. C’est seulement trois mois après sa prise de fonction que le Premier ministre CMD a pu enfin transmettre une feuille de route à l’Assemblée nationale, qui a été également communiquée aux PTF, mais qui n’a pas la caution d’un processus participatif à travers un partage avec les partis politiques, autrement que par les canaux de l’Assemblée nationale, particularité de la période de transition oblige. A cet effet, le risque est grand que certains partis politiques ne se reconnaissent dans ce document et donc pourraient ne pas y adhérer.
A ce jour, un spectre dangereux plane sur notre pays, eu égard à l’ultimatum lancé par la Cédéao, par rapport à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale d’ici le 31 juillet, au risque d’un embargo sur le pays et des individus. A cet effet, deux regroupements politiques, à savoir l’Alliance des démocrates-patriotes (ADPS) et le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la république (FDR), ont demandé que ce gouvernement soit formé par le « président de la transition après consultation des forces vives de la nation ». Or Dioncounda Traoré est en dehors du Mali depuis plus de deux mois, d’où la demande de ces regroupements d’un retour du Président au pays natal dans les meilleurs délais. Comment peut-il revenir sans être sûr que les auteurs de l’agression du 21mai dernier ont renoncé à leur projet d’attenter à sa vie ? Ce retour est par ailleurs lié à la sécurisation des organes de la transition. Or les camarades politiques de Dioncounda Traoré ne font pas confiance au corps d’élite prévu par le Premier ministre pour assurer la sécurité des organes de la transition, au motif qu’il a tout l’air d’une « milice privée » dépendant du Premier ministre, alors que le « Président de la République est selon la constitution, le chef suprême des armées ». Même si les camarades de Dioncounda ne perdent pas toute confiance en l’armée malienne qui compte de dignes et vaillants soldats, ils restent attachés à un « appui en équipements et en troupes », de la part de la Cédéao et d’autres partenaires. Là aussi, on tourne en rond. Enfin si à l’unanimité la classe politique demande une réunion nationale (conférence de concertation, Congrès extraordinaire du peuple, concertation nationale, consultation …) personne ne sait quand et où (Kati, Cicb, Palais de la culture, stade du 26 mars ou Modibo Kéita) elle aura lieu. Personne ne sait rien de rien. C’est l’impasse partout et l’immobilisme.
B. Daou
Le Republicain