Le président turc Recep Tayyip Erdogan et la Chancelière allemande Angela Merkel, le 2 février 2017 à Ankara / © AFP/Archives / ADEM ALTAN
La Turquie se montrait mardi intraitable dans la crise avec les Pays-Bas en annonçant des sanctions diplomatiques contre ce pays et en accusant l’Union européenne de parti pris dans la brouille au sujet de meetings pro-Erdogan en Europe.
Après avoir concentré leurs attaques sur les Pays-Bas pour avoir empêché des ministres turcs de participer à des rassemblement électoraux sur leur sol, les responsables turcs s’en sont pris aux responsables européens ayant exprimé leur solidarité avec La Haye face aux accusations de « nazisme » et de « fascisme » proférées par le président Recep Tayyip Erdogan.
Ainsi, l’UE a été accusée mardi par le ministère turc des Affaires étrangères d’alimenter « la xénophobie et les sentiments anti-turcs » pour avoir enjoint Ankara la veille de « s’abstenir de toute déclaration excessive ».
Le ministère turc a estimé dans un communiqué que la déclaration de l’UE « n’a pas de valeur », regrettant qu’elle ait été adressée à Ankara « et non pas aux pays qui portent la responsabilité de la situation actuelle en violant les conventions diplomatiques » en empêchant la participation de responsables turcs à des meeting électoraux sur leur sol.
L’Allemagne, dont la chancelière Angela Merkel, a exprimé sa solidarité avec son homologue néerlandais Mark Rutte dans le bras de fer avec Ankara, a aussi essuyé lundi soir les foudres de M. Erdogan qui a repris l?accusation de « nazisme » qu’il avait pour la première fois lancée le 5 mars après l’annulation de meeting électoraux par des villes allemandes.
Federica Mogherini à Bruxelles le 9 mars 2017 / © AFP/Archives / JOHN THYS
M. Erdogan s’en est aussi pris personnellement à Mme Merkel, l’accusant de « soutenir les terroristes », l?Allemagne abritant selon lui des militants de la cause kurde et des putschistes présumés impliqué dans le coup d’Etat avorté du 15 juillet en Turquie.
Mme Merkel a jugé ces propos « aberrants ». « La chancelière n’a pas l’intention de participer à un concours de provocations », a déclaré son porte-parole Steffen Seibert.
– Sanctions diplomatiques –
« Les mouvements anti-immigration, xénophobes et racistes façonnent d’une manière croissante les politiques européennes. Au lieu d’offrir une perspective différente, les hommes politiques européens succombent à ce populisme raciste et anti-islam qui sape les valeurs démocratiques », a écrit mardi le porte-parole de M. Erdogan, Ibrahim Kalin, dans une tribune de presse reflétant l’état d’esprit actuel d’Ankara.
Des Turcs manifestent devant le consulat des Pays-Bas à Istanbul, le 12 mars 2017 / © AFP / YASIN AKGUL
La crise avec les Pays-Bas est survenue quelques jours avant les élections législatives qui y sont prévues mercredi et où le parti du député islamophobe Geert Wilders est donné en deuxième place par les sondages.
Après avoir agité pendant trois jours la menace de « sanctions » contre la Haye, les autorité turques sont passées à l’acte lundi soir en annonçant une série de mesures.
le vice-Premier ministre turc Numan Kurtulmus a ainsi fait savoir que l’ambassadeur néerlandais à Ankara Kees Cornelis van Rij, actuellement à l’étranger, ne serait pas autorisé à revenir en Turquie.
Il a aussi annoncé la suspension « des relations au plus haut niveau » et les rencontres prévues au niveau ministériel.
Les tensions turco-néerlandaises vont « laisser des traces » / © AFP / Clotilde Gourlet, Kadir Demir
Ces mesures resteront en place « tant que les Pays-Bas n’auront pas réparé les torts qu’ils ont commis », ajouté le responsable turc.
Il a précisé que la Turquie souhaitait une enquête sur les évènements des derniers jours, dont le recours à la police montée et à des chiens pour rétablir l’ordre après une manifestation devant le consulat turc à Rotterdam (centre des Pays-Bas).
Dans ce contexte extrêmement tendu, les Pays-Bas ont appelé lundi leurs ressortissants en Turquie à rester « vigilants », après un week-end marqué par des manifestations devant les représentations diplomatiques néerlandaises en Turquie.
En dépit de fréquentes frictions, Ankara reste un partenaire stratégique de l’UE, notamment dans la gestion de l’afflux de migrants vers l’Europe.
Mais à la lumière de la crise actuelle, le ministre turc des Affaires européennes Omer Celik a évoqué lundi un « réexamen » du pacte sur la lutte contre l’immigration conclu il y a un an avec l’Europe.
La diaspora turque en Europe est estimé à plus de quatre millions de personnes dont près de 2,5 ont le droit de vote dans les scrutins turcs.
Leurs voix sont particulièrement convoitées par Ankara en vue du référendum du 16 avril sur les renforcement des pouvoirs du président Erdogan et dont l’issue s’annonce serrée.
(©AFP / 14 mars 2017 11h49)