La question majeure qui taraude les esprits au Mali depuis l’avènement des graves crises politiques et sécuritaires de 2012 fait référence aux graves violations des droits de l’homme, qui ont eu libre cours dans notre pays. Seront-elles punies ? La formation sur le droit international des droits de l’homme, le droit international pénal et le droit des réfugiés qui a eu lieu à l’Ecole de Maintien de la Paix du 15 au 20 février, n’a pas échappé à cette règle.
Depuis janvier 2012, le Mali est plongé dans une crise multidimensionnelle sans précédent ayant engendré des violations graves et des abus des droits de l’homme. Ainsi, les 139 participants dont des magistrats, des avocats, des officiers des droits de l’homme venus de plus d’une dizaine de pays ont été outillés pour non seulement protéger les droits humains mais également appréhender toutes violations des droits de l’homme. Vont-ils traduire la parole en acte ? En tout cas, c’est tout le sens de cette session de formation délocalisée de Strasbourg à Bamako afin que les acteurs puissent faire une meilleure prise en charge des libertés et des droits fondamentaux des citoyens, en vue du renforcement de l’État de droit et de la culture démocratique au Mali.
La crise profonde et multidimensionnelle aura lourdement affecté la situation sécuritaire du pays et conduit à une instabilité politique et institutionnelle sans précédent. Les différents protagonistes se sont livrés à de nombreuses exactions sur les populations civiles et des violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire: remise en cause de la République et de la laïcité, application de la charia islamique (lapidation, flagellation, amputation, interdiction de la musique et de fumer ou de boire de l’alcool), exécutions sommaires, viols et violence, pillages, abus, arrestations et détentions arbitraires, enrôlement d’enfants-soldats, destructions de lieux de culte, etc.
Cette crise a été aussi à l’origine de nombreux déplacements internes et de mouvements transfrontaliers des populations qui se sont refugiées en Algérie, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger depuis 2012. Après les élections présidentielle et législatives de 2013, des milliers de déplacés internes et de réfugiés sont rentrés chez eux spontanément, avec l’aide du HCR (Haut commissariat pour les réfugiés). La situation politique, sécuritaire et humanitaire qui s’est détériorée à partir de mai 2014 suite aux incidents survenus à Kidal a été longuement évoquée au cours des débats enrichissants entre professeurs et participants venus d’horizons différents avec leurs riches expériences.
L’auditoire, à l’image de Mme Oumou Sall Seck, maire de Goundam (dans la région de Tombouctou) bien imprégnée de la situation qui prévaut au Mali a mis l’accent sur les violations et abus des droits de l’homme aggravés par les difficultés d’accès à la justice.
Le 20 juin 2015, on assista à la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Fruit de discussions profondes et participatives, ce document accorde davantage d’autonomie au nord du Mali et prévoit la création d’une force de sécurité régionale ainsi qu’un plan de développement pour le nord en vue d’une authentique réconciliation des Maliens. Malgré cet accord de paix, les attaques et affrontements violents continuent d’avoir des conséquences humanitaires graves, particulièrement pour les civils.
A qui impute-t-on cette responsabilité ? Selon le Professeur de droit public, Jean Matringe, la responsabilité est partagée. A l’en croire, la responsabilité première de l’Etat malien est engagée, car ce dernier est censé protéger sa population. L’Etat malien n’étant pas dans certaines zones, le Professeur indexe la responsabilité des organisations internationales. Et pour Jean Matringe, aucun Etat ne doit violer les droits de l’homme au motif d’une lutte contre le terrorisme.
Selon Me Dèye Fatou Touré, avocate Sénégalaise et ancienne député, les Etats africains doivent se mobiliser pour lutter contre le trafic sous toutes ses formes (trafic des personnes, des armes, des stupéfiants etc.) et d’aider le Mali à se débarrasser de cette crise.
Réprimer les coupables
Lors de la cérémonie de clôture tenue le 20 février à l’Ecole de maintien de la paix, Mme le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, garde des sceaux, Sanogo Aminata Mallé, a souhaité une justice forte au Mali pour non seulement réprimer les coupables mais également protéger les droits humains. « Notre credo demeure une justice forte pour un Etat fort au service de la paix et de la réconciliation au Mali », a-t-elle déclaré.
Rappelons que cette troisième session de formation tenue du 15 au 20 février est organisée par la Fondation Friedrich Naumann pour la
Liberté (FNF), en partenariat avec l’Institut International des Droits de l’Homme (IIDH), la division des Droits de l’Homme de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA), et le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de l’ambassade de France au Mali.
Aguibou Sogodogo