Le bouillant et charismatique Imam Mahmoud Dicko vient de franchir le Rubicon par le lancement de son mouvement politico-religieux le samedi 7 septembre 2019, sous les regards complaisants de toute la classe politique et en violation flagrante de la Constitution qui interdit la création d’un parti sur une base religieuse. Devra-t-on s’attendre à la candidature de l’imam Dicko à la prochaine présidentielle ? La création de ce mouvement politico-religieux n’ouvrirait-elle pas la voie à d’autres groupes et confections religieuses ? Cette aventure, si elle réussissait, n’entachera-t-elle pas l’image de notre démocratie ? Les partis politiques, toutes tendances confondues, doivent-ils s’accommoder de la création d’un parti d’obédience islamique ?
Les masques semblent tomber sur l’engagement politique ou non de l’ancien Président du Haut Conseil Islamique du Mali, l’imam Mahmoud Dicko. En effet, quand la CMAS, Coordination des Mouvements et Associations de Soutien à Mahmoud Dicko a été lancée, beaucoup d’observateurs avaient cru à un mouvement des jeunes se réclamant de l’Imam et que l’intéressé lui-même n’a aucune ambition politique. Peu de gens n’avaient pas pensé que leur estimé leader allait franchir le Rubicon jusqu’à la création d’un parti politique car son mouvement est bel et bien un parti politique. Et pourtant, le coordinateur du mouvement, Issa Kaou Djim, avait déjà alerté en faisant des clarifications. Il a parlé sans ambages d’un mouvement politico-religieux.
En effet, si la loi fondamentale, qu’est la Constitution, donne l’autorisation à tout citoyen de créer son parti politique, elle n’a pas manqué de mettre des verrous qui ne doivent pas être franchis au risque de la violer. Avec la création de ce mouvement politico-religieux par l’Imam Dicko, nous assistons malheureusement à la violation d’un des nombreux cas interdits par la Constitution. C’est ainsi que par souci d’alerte et de rappel, la Cour Constitutionnelle, qui juge de la constitutionnalité des actes, a fait un communiqué pour attirer déjà l’attention des acteurs du nouveau mouvement politique. Mais, le courage que la Cour Constitutionnelle n’a pas eu était de dire que les contrevenants à la loi s’exposent à des sanctions prévues par la loi.
Pour rappel, en matière de respect de la Constitution, la Cour Constitutionnelle est le dernier rempart. Donc, elle ne doit pas s’affaisser devant un individu ou un groupe d’individu fut-il le très populaire imam Dicko.
Quant au gouvernement, il a observé jusque-là, le silence radio, lui qui a le devoir d’exécuter les missions qui lui sont assignées, de veiller sur les citoyens surtout en termes de respect des droits et des libertés et enfin du respect de la Constitution. Son silence est un aveu d’incompétence et d’impuissance face aux dérives. Le Gouvernement ne doit nullement rester dans cette posture neutre. Il doit sévir car il a la lourde responsabilité d’imposer à tous les citoyens le respect des lois.
Pour les partis politiques dont la vocation première est la conquête et l’exercice du pouvoir, ils ont également le devoir de jouer le rôle de sentinelle de la démocratie et de gardiens de la Constitution sans laquelle ils ne pourront pas eux-mêmes exercer librement leurs activités. En s’accommodant de la création d’un mouvement religieux en violation de la Constitution, ils auraient contribué à la banalisation de la chose politique et auraient assisté à la violation de la Constitution qu’ils sont censés défendre.
En somme, quel que soit les accointances que certains leaders politiques pourraient avoir avec l’imam Dicko, face à la violation de la Constitution, ils doivent tous parler d’une même voix pour dénoncer cela.
Youssouf Sissoko