En effet, les équipes masculine et féminine de basket du Sonni AC sont déclarées forfait pour les huitièmes de finale de la Coupe du Mali. Et cela, parce qu’elles n’ont pas fait le déplacement de Mopti pour affronter l’USFAS. Une équipe militaire qui n’a pas voulu se déplacer à Gao pour des «raisons de sécurité» ! Le ridicule ne tuera jamais au Mali.
Les jeunes de Gao, surtout les sportifs, se plaignent régulièrement de ne pas être considérés comme des Maliens. Et cela, à cause des discriminations et des humiliations que leur font subir les autorités et les instances sportives nationales. Une récente décision de la Fmbb leur donne raison. En effet, l’équipe de basket du Sonni AC de Gao (messieurs et dames) a battu son adversaire, Sahel, au compte des éliminatoires de la phase régionale de la Coupe du Mali. Ce qui lui a valu la qualification pour les huitièmes de finale de cette compétition. Après le tirage, le club est tombé sur l’USFAS de Bamako (messieurs et dames) qu’elle devait recevoir.
Mais, à la surprise de toute l’équipe, la Ligue est venue lui signifier que l’USFAS ne pouvait plus effectuer le déplacement de la Cité des Askia et que c’est plutôt Gao qui devait se rendre à Mopti pour le match. Et cela, à la demande de la Fédération. Le staff du Sonni a aussitôt saisi la Ligue pour dire que cela n’était pas prévu et que son équipe se préparait à jouer ce match, malgré le fait que ses joueurs sont en période de composition. La Ligue de Gao a convoqué une séance élargie au président de Sonni pour examiner la situation avant de saisir la Fédération (lettre N°040/2014-2015/LRBB-G).
Dans cette correspondance, elle a précisé à la Fédération qu’elle souhaite le maintien du match du 16 mai 2015 à Gao. Pour plusieurs raisons. Quatre joueurs et autant de joueuses devaient par exemple finir leur évaluation du 2ème trimestre au niveau des Terminales le même samedi, 16 mai 2015. Et 5 joueurs de 10ème et 11ème années devaient commencer leur évaluation à partir du lundi 18 mai 2015. Pour ceux qui connaissent l’état de la route Gao-Sévaré (près de 600 km), il est impensable que des scolaires aillent jouer à Mopti le 16 mai et revenir faire des évaluations moins de 48h après.
Ironie et irresponsabilité
Mais, ces arguments n’ont pas ému le bureau fédéral qui, par le biais de son secrétaire général, a réagi par la lettre N°0456/FMB/BF/2014-2015/. Dans cette correspondance, le bureau déclare apprécier «la justesse et la pertinence des motifs évoqués». Mais «pour des raisons indépendantes de sa volonté», qu’il ne peut donner «un avis favorable» à la demande de la Ligue régionale de Gao, donc du Sonni AC. Le match a donc été maintenu à Mopti par l’instance fédérale. Le 16 mai, les deux équipes de Gao se sont présentées sur le terrain de leur ville comme si de rien n’était. Après avoir observé le temps réglementaire, les dirigeants du Sonni ont fait observer le «forfait» de l’USFAS par qui de droit.
Mais le lundi matin, les résultats communiqués par la Fmbb font ressortir que le Sonni a été battu par l’USFAS par forfait ! Une décision bien sûr injurieuse et inacceptable pour les jeunes de Gao et pour tous ceux qui sont à cheval sur les valeurs du sport et des principes républicains d’égalité et d’équité.
Selon un responsable de la Fmbb (dont nous taisons le nom parce que notre entretien était informel), l’USFAS n’a pas fait le déplacement de Gao pour des «raisons de sécurité». Aujourd’hui, est-on plus en sécurité à Bamako et Mopti qu’à Gao ? Près d’une vingtaine de cars de transport commun font la navette Bamako-Gao-Bamako tous les jours. Mieux, cette supposée «insécurité» n’a pas empêché les jeunes Gaois de pratiquer leurs sports favoris, notamment le basket. C’est vous dire que l’argument d’insécurité ne tient pas. Et même si c’était le cas, comment expliquer aux Maliens qu’une équipe militaire (l’USFAS est supposée l’être) refuse d’aller jouer dans une région parce qu’elle ne s’y sent pas en sécurité ?
Des questions et une légitime frustration
Le tirage a donné le droit au Sonni de recevoir l’USFAS à Gao. Mais, la Fmbb a décidé de le priver de ce droit. Pourquoi ? Gao ne fait-elle plus partie de la République du Mali ? La jeunesse n’a-t-elle plus le droit de recevoir celle d’autres régions du pays pour communier avec elle ? Doit-on priver les jeunes de Gao du bonheur et surtout de l’avantage de recevoir d’autres équipes dans leur ville, sous le fallacieux prétexte d’insécurité ? La Fédération se moque-t-elle d’une équipe à cause de sa défaveur géographique ou matérielle ? Ne se soucie-t-elle pas de la scolarité des joueurs, donc de leur avenir ?… Ce sont autant de questions qu’on se pose aujourd’hui à Gao.
C’est révoltant ! Et surtout que cette stigmatisation d’une jeunesse intervient au lendemain de la signature de l’accord pour la paix qui suscite l’espoir d’une réunification totale du pays.
Discriminer une partie de sa jeunesse, c’est le pire signal que le Mali pouvait renvoyer à la communauté internationale au lendemain de cet événement historique. Un tel «mépris» est inacceptable en cette période où, comme le dit «un ami du Mali», toute la nation devrait «faire attention à certaines attitudes qui pourraient offenser des citoyens qui n’arrêtent pas de se battre pour faire valoir leur fierté d’appartenir à ce grand pays à la croisée des chemins».
La jeunesse de Gao ne mérite pas d’être discriminée ou stigmatisée, elle a courageusement refusé de se soumettre aux rebelles et à leurs alliés terroristes. Elle symbolise, à elle seule, le refus d’un peuple de se laisser diviser ou de voir les principes républicains bafoués pas des terroristes enturbannés en jihadistes. Malgré la menace des châtiments barbares, les jeunes de Gao n’ont jamais renoncé à leurs loisirs, notamment au sport. Et si l’on parle encore du Nord du Mali, c’est en partie grâce à leur courage et à leur dévouement patriotique.
Il est donc inacceptable que les jeunes de la résistante Cité des Askia soient exclus de la «Coupe du Mali» de Bamako à cause d’une décision injuste et partiale. N’oublions pas surtout que ce sont des humiliations, des discriminations, des stigmatisations et surtout des frustrations comme celles-ci qui ont plongé notre pays dans cette zone de turbulence à laquelle il ne parvient pas encore à se soustraire depuis 2012. Il est temps de les corriger et non de les approfondir.
Face à la décision partiale que la Fmbb veut entériner, elle (Fédération) n’est pas la seule interpellée. Mais aussi le ministère des Sports, voire le gouvernement malien, le Cnosm et tous ceux qui se battent depuis des années pour l’unité nationale et la cohésion sociale dont le sport est un facteur important. Ne fermons plus les yeux sur les injustices, si nous aspirons réellement à la paix !
Moussa BOLLY
Source: Le Reporter 27/05/2015