COUP D’ETAT DU 22 MARS : Le remède pire que le mal

Veulent-ils faire amande honorable en revenant dans les dispositions constitutionnelles et en intégrant la très forte pression de la CEDEAO et de la Communauté internationale qu’ils se heurtent aussitôt à cette autre pression puissamment entretenue par la troupe qui n’entend pas lâcher la tête du « monstre » incidemment capturé à la surprise générale.

Il reviendra certainement aux historiens maliens et à leurs confrères d’ailleurs de décortiquer à l’aune de leur science ce tournant atypique de notre marche dont nul ne semble prédire la direction. Malheureusement, toute issue à la sortie de crise semble plombée par le peu d’empressement voire l’incapacité de plus en plus avérée de l’ex-junte à se mettre en ordre de bataille malgré les offres de la CEDEAO et de la Communauté internationale à accompagner nos efforts dans la reconquête des trois régions du Nord mises en coupes réglées par l’internationale du djihad et du crime.

Au moment où justement l’administration du crime se met en place, se structure et se consolide dans les « territoires occupés », à Bamako, au contraire, la crise politique et institutionnelle a le vent en poupe. Cette situation est stupéfiante et laisse penser que le Nord, soit 2/3 de notre pays, ne mérite guère notre attention. Pourtant, faut-il le rappeler à ceux qui auraient la fâcheuse tendance à oublier rapidement, c’est en son nom  que le coup de force du 22 mars s’est opéré. Pareille attitude laisse sans voix et en dit long sur les motivations réelles des conjurés du 22 mars.

Pour ne rien arranger, la justice des vainqueurs est en marche. Sous les dehors de la stricte légalité proclamée, elle va vouloir humilier et écraser tous ceux et toutes celles qui dérangent le sommeil des puissants du moment. Alors, qui pourra nous dire que les décisions de justice à venir ne seront pas rendues pour régler des comptes ? Qui pourra nous garantir que notre pays ne connaîtra pas une fracture sociale qui sera pire que tous les maux dont nous souffrons aujourd’hui ? Rien que d’y penser, on a froid dans le dos.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la crise politico-institutionnelle se double d’une crise économique aux conséquences désastreuses à court, moyen et long terme. Déjà, plusieurs entreprises ferment, licencient ou mettent en chômage technique une partie de leur personnel.  Quand on sait que, dans notre pays, chaque salarié est un soutien de famille, on devine aisément le tableau de détresse qui se profile à l’horizon. Sans jouer aux oiseaux de mauvais augure et si la conjoncture actuelle devait perdurer, il ne sera pas étonnant que l’Etat malien ait quelques difficultés à verser les salaires des agents.

Malgré la probabilité de cette occurrence, je n’ose même pas l’imaginer car, sans nul doute, ce serait le coup de grâce à notre orgueil et à notre fierté. Et bien plus grave, le pays pourrait tomber dans un chaos indescriptible, avec à la clé, l’effondrement irréversible de notre économie dans les semaines et mois à venir. Je touche du bois !

Tout cela interviendrait indéniablement sur un fond de perte de crédibilité au plan international qui serait désastreuse à tous points de vue. Ne sommes-nous pas déjà dans ce cas de figure lorsque nous donnons à voir au reste du monde la piteuse image d’un pays qui joue à s’autodétruire !

Depuis le 22 mars, il ne part du Mali vers les autres pays que des mauvais signaux, des mauvais messages et des mauvais exemples. Si cela n’est pas humiliant pour nous, il ne peut non plus être gratifiant pour personne d’entre nous, n’en déplaise à ceux qui ont décrété unilatéralement qu’ils étaient plus dignes (Yèrèwolo Ton) que les autres sans avoir, au préalable, interrogé leur ascendance. Et qui, par leurs agissements, ont franchi la ligne rouge.

Toute honte bue et avec un zeste d’humilité, nous devrions reconnaitre que nous sommes en proie aujourd’hui à un syndrome bien connu, celui du manque d’estime de soi. Nombreux sont nos compatriotes qui préféreraient ne pas avoir à décliner leur nationalité tant celle-ci semble déconsidérée à l’extérieur. Les autres ont du mal à comprendre ce qui nous arrive. Ils manquent de clé pour lire notre folie. Ils n’appréhendent pas encore la célérité avec laquelle le délitement de notre pays s’est opéré sous leurs yeux.

Le grand corps malade que nous sommes et au chevet duquel se presse tout le monde avec les thérapies et les intentions les plus variées qu’inavouées restera longtemps une tâche noire sur la face du continent africain. Mais le plus grand service que nous pourrions nous rendre à nous-mêmes et à notre pays est d’admettre notre responsabilité individuelle et collective dans la crise actuelle qui, quoique profonde, n’est pas pour autant irréversible. Au moment où les autres se portent à notre secours, nous jettent la bouée de sauvetage, nous devrions avoir l’humilité d’avoir pitié de  nous-mêmes et de tous ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme par notre faute.

Mars 2012 n’est pas et ne saurait être Mars 1991. Ceux qui, fascinés par les symboles, ont opéré ce rapprochement se sont trompés lourdement. Cette fascination puérile n’avait pas lieu d’être. Elle conduira immanquablement à leur perte. Elle plonge notre pays dans le doute, la désolation et, qui sait, peut être dans le chaos. Pour l’heure, il est loisible à chaque Malien de constater que le remède préconisé est pire que le mal qu’il était censé guérir. Pis, le Mali est tombé de Charybde en Scylla. Encore faut-il démontrer, preuve à l’appui, que la décennie ATT fut celle d’une quelconque régression, Cette sornette que certains esprits retors veulent faire avaler à l’opinion nationale et internationale mais qui, heureusement, a du mal à passer.  

N’Golo Diarra

L’ Indicateur Du Renouveau 04/06/2012