La presse malienne avait tiré la sonnette d’alarme sur la question. Mais elle avait été catégoriquement démentie par le président du Haut conseil islamique, Mahmoud Dicko, dans une interview sur la chaîne de télévision publique l’ORTM.
Mais un mois après, les masques commencent à tomber. Et ce sont l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) et l’organisation internationale de défense des droits humains, Amnesty International, qui viennent de mettre le pied dans le plat. Au cours d’une conférence de presse tenue samedi dernier au siège de l’Association malienne des expulsés (AME) sur les droits des migrants, les deux organisations ont dénoncé ce qu’elles qualifient d’inadmissible au nord en matière de violation systématiquement des droits des populations sur place.
Amnesty International, qui estime à 300 000 personnes le nombre de déplacés en fin avril, a attiré l’attention sur l’urgence humanitaire à accorder à ces victimes de guerre. « Il faut se mettre en colère contre la gestion des couloirs humanitaires vers le Nord. Les populations ne sont libres, et les critères pour bénéficier de cette aide contrôlée par des maitres des lieux, restent à définir. Car, il faut le dire, dans certaines familles, pour bénéficier de cette aide, le chef doit céder sa famille en ‘mariage’ aux djihadistes ou encore son fils à enrôler dans la guerre auprès des islamistes. Il faut trouver un autre mécanisme pour aider nos compatriotes au nord, autre que passer par le Haut conseil islamique. Il y a véritablement une connivence qui ne dit pas son nom », a asséné le coordinateur juridique d’Amnesty International au Mali El Béchir Singaré.
Il a regretté que la question du Nord soit gérée aujourd’hui de manière démagogique et hypocrite. « On semble amener tous les vivres au nord, alors que l’Etat ne contrôle plus ces zones. Et les déplacés qui sont repartis aujourd’hui entre Bamako, Sikasso, Ségou Mopti, etc. sont presque laissés pour compte. Bref, il faut donner une autre forme de gestion à cette aide vers le Nord », a recommandé le militant des droits de l’Homme, qui en a appelé à la responsabilité du gouvernement malien et du Haut conseil islamique.
Cette dénonciation du militant d’Amnesty Mali a été confirmée à la conférence débat par des dizaines de déplacés des régions du Nord, notamment de Gao. Ces familles, prises en charge par l’Association malienne des expulsés depuis leur retour, attestent que les aides envoyées au Nord ne sont que de la poudre dans les yeux. Pour ces familles, c’est le gouvernement qui assure l’approvisionnement des groupes armés en envoyant des vivres.
Abondant dans le même sens, le président de l’AMDH a enfoncé le clou. Selon Me Moctar Mariko, il faut dire les choses telles qu’elles sont : l’aide envoyée au Nord n’est pas destinée aux populations cibles. « Nous avons des enquêteurs qui nous ont apporté avec preuves à l’appui que l’essentiel du premier convoi humanitaire acheminé au Nord a été dirigé vers le désert profond. Seulement 25 kilos par famille et par mois ont été attribués aux populations. Le reste des vivres a disparu. Il n’y a pas de doute que les groupes armés renforcent leur stock d’approvisionnement pour attendre l’armée malienne de pieds fermes », a déclaré le président de l’AMDH.
En clair, selon Me Moctar Mariko, tant que ce sont les groupes armés qui contrôlent le Nord, l’aide acheminée ne profitera jamais aux populations. Mais à renforcer la présence des bandits sur le territoire.
I. F. Sissoko
L’Indicateur du Renouveau