Ces trois haut gradés sont des proches de la junte militaire menée par le capitaine Amadou Haya Sanogo qui a renversé le 22 mars le régime du président Amadou Toumani Touré (ATT) avant d’accepter de rendre le pouvoir aux civils sous la pression de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Toutefois, toutes les demandes de la junte n’ont pas été satisfaites, car elle n’a finalement pas eu les départements des Finances et des Mines, car la communauté internationale et les partenaires techniques et financiers ne voulaient pas de cela.
MINISTRE DE LA JUSTICE 4 ANS APRES SA RADIATION
La revanche de Malick Coulibaly
Il y a 4 ans, substitut du procureur de la République de Kati, il démissionnait de la magistrature pour protester contre « l’instrumentalisation de la justice et refuser de se plier à une décision dictée par un supérieur hiérarchique contre son intime conviction ». Malick Coulibaly, puisque c’est de lui il s’agit, vient de prendre sa revanche en devenant ministre de la Justice dans le gouvernement de transition. Désormais, on fonde beaucoup d’espoir sur lui pour redresser la justice malienne.
« Je ne peux pas accepter que la justice de mon pays soit instrumentalisée ». C’est sur cette note que Malick Coulibaly était monté au créneau le 2 octobre 2008 pour dénoncer les travers de la justice du Mali, car son éthique, son éducation et ses convictions religieuses ne lui permettent pas de continuer à travailler dans un milieu qui n’a de justice que de nom. Il a été contraint de partir pour éviter de tomber dans certains travers de la mission que lui confère sa fonction de magistrat.
C’était la première fois que cela se passait et son geste a suscité une vague de soutien. Quatre ans après, il tient sa revanche en devenant le ministre de la Justice. Cette promotion saluée par tous les Maliens constitue une lourde charge pour lui, car on fonde beaucoup d’espoir sur lui pour redresser la justice malienne. A lui de ne pas rater ce rendez-vous avec l’Histoire. D’ores et déjà, ses camarades de promotion de l’Ecole nationale d’administration (ENA de Bamako), et ses collaborateurs reconnaissent en lui « un homme de principe, honnête, rigoureux dans le travail ».
DESIGNE MINISTRE D’ETAT
Un proche de Blaise Compaoré en quasi vice-Premier ministre
Sadio Lamine Sow, nouveau ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, est connu, lui, pour être un proche conseiller du président burkinabé Blaise Compaoré. Il a été conseiller pendant plusieurs années du médiateur dans la crise malienne. Quant au nouveau porte-parole du gouvernement, Hamadoun Touré, également ministre de la Communication, de la Poste et des Nouvelles technologies, il est aussi le porte-parole de la Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (Onuci).
COLONEL-MAJOR YAMOUSSA CAMARA
Le nouveau ministre de la Défense commence par le CNRDRE
Selon nos confrères de RFI, le capitaine Sanogo assure en tout cas qu’il n’a pas imposé ses ministres. Il n’a d’ailleurs pas apposé sa signature pour valider ce gouvernement, et dit avoir été associé uniquement « à titre consultatif » à la formation de ce nouvel exécutif. Ce mercredi matin en tout cas, il recevait le ministre de la Défense et des Anciens combattants quelques minutes après sa nomination, au camp militaire Soundiata Kéita de Kati. Preuve peut-être que le pouvoir est encore bien entre ses mains, même si lui-même ne cherche pas à se mettre en avant et insiste sur le poids des institutions civiles.
HAMEYE FOUNE MAHALMADANE
L’ »opposant » devenu ministre
Au ministère des Sports, le nouveau maître des lieux s’appelle Hameye Founè Mahalmadane. Magistrat, il était précédemment secrétaire général du Syndicat libre de magistrature (Sylima) et un des militants très actifs contre les réformes constitutionnelles initiées par l’ancien président Amadou Toumani Touré. Ses prises de position dans le « Collectif touche pas à ma Constitution » ont fait de lui l’un des opposants farouches au régime sortant. Mais pourquoi subitement le magistrat s’est retourné contre ATT ? Plusieurs observateurs, pensent que des promesses à lui tenues par Koulouba n’ont pas été respectées. Ce qui fait craindre à certains « un règlement de comptes dans les jours à venir contre certains dignitaires du régime sortant ».
COLONEL MOUSSA SINKO COULIBALY
Au stratégique ministère de l’Administration territoriale
Ce qui n’est pas surprenant, c’est la nomination du colonel Moussa Sinko Coulibaly à la tête du ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire. Un super ministère confié à l’un des hommes de confiance du chef de la junte, mais sans grande expérience de l’administration publique. A Ouagadougou, il avait annoncé la nomination du Premier ministre dans les 48 h qui suivent. Ce fut le cas. Précédemment directeur de cabinet du capitaine Amadou Haya Sanogo, le colonel Coulibaly avait été annoncé par plusieurs observateurs aux Affaires étrangères. Finalement, celui qui est considéré comme le bras droit du capitaine hérite du très important ministère de l’Administration territoriale. Sa mission sera de conduire les prochaines élections générales, tout en obtenant un fichier électoral fiable réclamé par les partis politiques. Pourra-t-il relever le défi ? Le temps nous le dira.
VINGT-QUATRE MINISTRES
Une pléthore déjà critiquée
La liste des ministres du gouvernement de transition a été rendue publique hier mercredi 25 avril aux environs de 10 h. Cette nouvelle équipe exécutive est composée de 24 membres. Une grosse surprise pour de nombreuses personnalités qui s’étonnent du nombre élevé des portefeuilles pour un gouvernement de transition. Surtout quand on sait que le régime sortant d’Amadou Toumani Touré, qui en avait 32, a été critiqué en son temps pour la pléthore des ministères.
PARITE OU EGALITE
Le genre ignoré
Avec le gouvernement de transition, la promotion féminine prend un coup d’arrêt. Sur les 24 ministres, elles ne sont que trois. Il s’agit de Mme Alwata Ichata Sahi, précédemment chef de cabinet du ministre des Affaires foncières, de l’Urbanisme et de l’Habitat, nommé ministre de la Promotion de la femme et de l’Enfant et Mme Traoré Rokia Guikiné, jusqu’ici chef de cabinet du précédent ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, devenue depuis hier ministre des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine et Mme Diallo Fadima Touré, ministre de l’Artisanat, de la Culture et du Tourisme. Faudrait-il s’attendre à une levée de bouclier des organisations de défense du droit des femmes ?
LA JEUNESSE OUBLIEE
Des ministres peu connus du grand public
Au vu des nouveaux membres du gouvernement, un constat s’impose : des ministres peu connus du grand public et l’absence de jeunes cadres. En effet, la nouvelle équipe gouvernementale est composée majoritairement d’hommes nouveaux qui ne sont pas connus du grand public même s’ils ont occupé de hautes fonctions dans l’administration. Cette situation explique l’exclusion des partis politiques qui sont quotidiennement en contact avec le public. Selon un citoyen « ce nouveau gouvernement est formé avec la complicité du CNRDRE et le Premier ministre à l’exclusion des partis politiques ».
Rassemblés par
Issa Fakaba Sissoko, Abdoulaye Diakité et Ben Daou
COULISSES DE LA FORMATION DU GOUVERNEMENT 2
HAMADOUN AMION GUINDO, MEMBRES DE LA CONVERGENCE PATRIOTIQUE POUR LA DEFENSE DU MALI
« Nous n’avons pas été consultés, mais c’est notre gouvernement »
« Nous n’avons pas été consultés, mais c’est notre gouvernement. Je ne sais pas pourquoi les gens s’agitent. Ce sont des partis comme l’Adéma et l’URD qui se plaignent de n’avoir pas été consultés alors qu’ils ont contribué à foutre le pays dans la merde. Or on a dit que c’est un Premier ministre de pleins pouvoirs. Il est libre d’aller chercher quelqu’un à Youwarou ou à Kidal. On va consulter les gens pourquoi ? Il y a 136 partis politiques au Mali et des centaines d’associations. Comment peut-on satisfaire tous ceux-ci. Vous voulez que tous ceux-ci viennent avec leurs listes ? Le Premier ministre a été nommé par le CNRDRE et la Cédéao. C’est devant eux qu’il rendra compte si le défi n’est pas relevé ».
JEAMILLE BITTAR, VICE-PRESIDENT DU PDES
« Donnons la chance à cette équipe »
« On ne peut pas vouloir d’une chose et son contraire. A partir du moment où on a parlé de Premier ministre de pleins pouvoirs, on devrait le laisser constituer son gouvernement comme il l’entend. Deuxièmement, les politiques ne figurent pas dans ce gouvernement. C’est une neutralité qui montre à la classe politique qu’il n’y a pas de préférence. Aussi, n’oublions pas que nous sommes dans une situation exceptionnelle. Ce qui fait qu’il ne devrait pas y avoir une question de quota. C’est vrai qu’il y a eu des regroupements depuis le 22 mars 2012 et chacun était dans ses calculs, mais bon… Je pense qu’il sera prématuré de donner un jugement par rapport à cette équipe parce que ministre de la République n’est pas un métier. S’il y a de la volonté, l’engagement et surtout du courage par rapport à la prise des décisions, certainement les hommes et les femmes nommés sauront relever le défi. Je pense qu’aujourd’hui, nous n’avons que 2 défis majeurs : la reconquête de l’intégrité territoriale et l’organisation des élections. Il va sans dire que les ministères clés aujourd’hui de notre pays restent surtout le ministère de la Défense et celui de l’Administration territoriale. D’un regard croisé, nous pensons qu’il faudrait une équipe soudée, homogène afin de permettre au PM de mener à bon port le bateau-Mali. Quant à la classe politique, elle devrait jouer pleinement son rôle pour permettre à chacun de pouvoir exercer librement et avec conviction l’animation de la vie socio-économique de notre pays ».
HOUSSEINI AMION GUINDO, MEMBRES DE LA CONVERGENCE POUR SAUVER LE MALI
« Nous prenons acte »
« Comme je vous l’avais déjà dit le lundi, nous pensons que conformément à l‘esprit de l’accord-cadre et l’accord de Ouagadougou, il n’y a pas lieu de constituer un gouvernement sans consultation des Forces vives. Parce que les deux accords parlent de gouvernement d’union nationale. Mais de toutes les façons, nous prenons acte. Pour nous, le plus important ce n’est pas d’être dans le gouvernement, mais les missions. Nous nous sommes battus sans gouvernement. Il faut que les nouvelles autorités puissent relever les défis de la défense du territoire, de la sécurité alimentaire qui menace pratiquement tout le pays, l’organisation des élections libres et crédibles et surtout la lutte contre l’impunité qui nous a plongés dans cette grande merde. Il faut qu’on fasse en sorte que le Mali ne puisse se retrouver dans une situation pareille ».
Le FDR dénonce une violation flagrante de l’accord- cadre
Dans un communiqué signé de son président, Siaka Diakité, le Front uni pour la défense de la République et de la Démocratie (FDR) prend acte de l’annonce du 1er Gouvernement post coup d’Etat. Il souligne que le FDR n’a été en aucun moment associé à la formation de ce gouvernement. Il note que ce gouvernement a été formé en violation flagrante de l’accord- cadre qui prévoit clairement la mise en place d’un « gouvernement d’union nationale composé de personnalités consensuelles » (art.6, alinéa b.).
Ce gouvernement n’a rien de consensuel ; il n’est pas un gouvernement d’union nationale.
En outre, les militaires y occupent des postes clés au moment où l’accent est mis sur le retour effectif de l’armée dans les casernes, comme le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine l’a réaffirmé lors de sa session ministérielle tenue à Addis-Abeba le 24 avril 2012.
Le FDR jugera le gouvernement à l’acte, notamment au regard des missions fondamentales et brûlantes de l’heure à savoir : La défense de l’intégrité du territoire national ; L’assistance aux populations des régions Nord du Mali ; La défense de la Constitution et de la République ; Le respect des libertés individuelles et collectives et l’organisation d’élections régulières et transparentes dans des délais raisonnables.
Cependant, le FDR n’entravera pas l’action du gouvernement, mais il sera particulièrement vigilant sur le respect de la Constitution de la République, la préservation de l’indépendance nationale et de la dignité du peuple malien.
BOUBACAR TOURE, JOURNALISTE (RPM)
« Le Mali est sous tutelle »
« Ma première impression est que ce gouvernement est une disqualification de la grande majorité de la classe politique. Le Mali est sous tutelle de la Cédéao. Des gens ont été nommés pour services rendus au président en exercice de la Cédéao, Alassane Dramane Ouattara, quand il se battait pour venir au pouvoir. Il y a des gens qui ont été nommés pour services rendus au médiateur de la Cédéao, Blaise Compaoré. Cela ne doit pas se faire dans une démocratie. Ce gouvernement marque aussi la revanche de Moussa Traoré sur le mouvement démocratique à travers le capitaine à bord (Ndlr : Cheick Modibo Diarra), l’argentier (Ndlr : ministère des Finances), le gardien du grenier (Ndlr : ministère de l’Agriculture). La nomination des militaires est la récompense du pouvoir ramassé. Je crois aussi que c’est le bilan des 20 années du multipartisme au Mali. On doit faire la critique, l’évaluation. Aucun système démocratique n’est viable sans une opposition, mais les 20 ans de notre démocratie a vu l’acharnement sur l’opposition ».
MAHMOUD DICKO, DU HAUT CONSEIL ISLAMIQUE
« Je prie qu’ils soient des hommes intègres pour sortir le Mali de l’ornière »
«D’abord, je ne connais pas les membres du nouveau gouvernement pour les apprécier. Mais, je tiens quand même à prier pour eux tout en espérant qu’ils soient des hommes intègres pour sortir le Mali de cette longue absence de gouvernement. Je pense aussi que Modibo est un homme compétent qui ne va pas choisir ses hommes au hasard ».
Recueillis par Abdoulaye Diakité
L’ Indicateur Du Renouveau 26/04/2012