L’ancien Président Laurent Gbagbo, porteur sans ambages de cette politique, représentait plus de 40 % de l’électorat de son pays. Ils ont été nombreux dans les rues à le défendre, nombreux à s’enrôler dans l’armée d’enfer des jeunes patriotes sous la houlette d’un garçon satanique. L’appel de Blé Goudé, à la libération de Côte d’Ivoire, lancé à ses miliciens n’a souffert d’aucun équivoque pour eux. Tous ont compris le message sans appel, qui ne signifiait pas autre chose pour le couple de mentor, les Gbagbos, que pour le messager donneur d’ordre pour le génocide. Les cibles connues sont les populations provenant du nord ivoirien, les expatriés maliens, burkinabés et autres, repérables par leurs noms de famille, leur langue maternelle, leur religion ou par d’autres signes distinctifs comme les balafres du visage.
Les Maliens ciblés
Ils sont assimilés à des partisans d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) et doivent payer de leur vie. C’est le règne de l’intolérance ethnique et religieuse. Des centaines de personnes ont péri, brûlées vives ou assommées, si elles ne sont pas tirées à bout portant, criblées de balles, ou broyées parce qu’atteintes par des projectiles provenant d’engins lourds, parce qu’elles ont eu comme crime d’avoir appartenu à une ethnie ou d’avoir parlé ‘’Dioula’’, ou tout simplement d’être porteuses de gris-gris.
Ces victimes de Laurent Gbagbo sont majoritairement d’origine malienne, burkinabé ou du nord ivoirien, sans être forcement d’une obédience en Côte d’Ivoire. Officiellement, plus d’un million de Maliens vivent au pays de Houphouët Boigny, le premier Président ivoirien qui les a adoptés. Aujourd’hui tombés en disgrâce de Gbagbo et jetés en pâture, ils vivent en insécurité, sinon traqués et tués. Plus de cent Maliens ont été tués au cours de la crise ivoirienne. Les autorités maliennes aussi bien que celles de Côte d’Ivoire le savent. L’opération de rapatriement qui a été organisée n’a pu dépasser deux voyages.
C’est pourquoi dans un élan collectif et spontané, tous se sont retrouvés à l’Ambassade du Mali pour s’abriter, avec la recrudescence de la crise postélectorale en mars dernier. De sources diplomatiques, environ trois mille Maliens s’étaient retrouvés dans la cour de l’Ambassade. Et là aussi ils n’ont pas été à l’abri des miliciens armés. Le personnel de l’Ambassade finira par leur fausser compagnie, eux qui sont leurs ‘’Diatigui’’ (hôtes). Maintenant que Gbagbo, le boulanger, est roulé dans sa farine, les exactions orchestrées contre les Maliens vont-elles cesser ? Rien n’est moins sûr car les défenseurs de la cause perdue de Laurent Gbagbo continent de semer la mort du haut des immeubles, s’étant transformés en ‘’snipers’’.
Et après Gbagbo ?
Sachant que des milliers d’armes distribuées pour semer la mort dans les domiciles bien ciblés, les quartiers et à l’intérieur du pays continuent de circuler, on ne peut jurer de rien dans les semaines à venir. Quand-est ce que le personnel malien de l’Ambassade du Mali à Abidjan prendra-t-il du service ? Quand-est ce que les organisations humanitaires s’intéresseront-elles à ces Maliens traumatisés par les atrocités dont ils ont été victimes de la part des miliciens de Blé Goudé ? Les hautes autorités maliennes sont interpellées.
B. Daou
Le Républicain 13/04/2011