Au terme des deux jours d’échanges, les opérateurs économiques des deux pays conviennent de la nécessité de réhabiliter, d’élargir et de baliser l’axe du corridor côté mauritanien et souhaitent la mise en place d’une structure de suivi et d’évaluation de l’ensemble des mesures prises lors de ces journées. L’une des plus importantes, c’est que la partie mauritanienne s’engage à aligner les tarifs appliqués au trafic en transit pour le Mali sur ceux pratiqués dans les autres ports de desserte du pays. Une délégation mauritanienne est attendue à Bamako dans les prochains jours pour arrêter de commun accord avec les opérateurs économiques du Mali, les modalités pratiques de cette décision.
Le Port autonome de Nouakchott dit Port de l’Amitié (Panpa), de par sa position géographique privilégiée, représente pour les pays enclavés, en l’occurrence le Mali, une ouverture réelle et constitue un lien ombilical fort pour le transit des marchandises. Mieux, le Mali etla Mauritaniepartagent une frontière commune de plus de 2000 km dont quatre régions maliennes frontalières (Kayes, Koulikoro, Ségou et Tombouctou). En outre, l’axe Nouakchott-Bamako, entièrement bitumé et longue seulement de 1437 Km, est un précieux outil de désenclavement et de développement du transport routier. Sans oublier l’existence d’un cadre juridique permettant le développement des échanges économiques entre le Mali etla Mauritaniequi ont signé plusieurs accords et conventions dans les domaines des transports et des échanges commerciaux.
Proches, mais si distants…
Alors, comment deux pays peuvent présenter autant d’atouts communs et être si proches l’un de l’autre, mais tout en étant économiquement distants ?
C’est à cette importante question que les opérateurs économiques maliens et leurs homologues mauritaniens ont tenté d’apporter des réponses lors des journées portuaires « Portes ouvertes » sur le corridor Nouakchott-Bamako. Le Mali était représenté par une cinquantaine d’opérateurs économiques conduits par le ministre de l’équipement et des transports, Hamed Diané Séméga et son collègue de l’industrie, des investissements et du commerce, Sangaré Niamoto Ba. Les présidents du Cnpm, Mamadou Sidibé, du Cmc, Ousmane Babalaye Daou, du Cmtr, Youssouf Traoré, dela Cmm, Abdoulaye Pona et le 3è vice président dela Ccim, étaient tous présents, avec la crème du secteur privé malien.
C’est Séméga, qui a coprésidé la cérémonie d’ouverture des journées au Centre international des conférences de Nouakchott, avec son homologue dela Mauritanie, Yahya Hademine, en présence de Niamoto Ba et du ministre mauritanien du commerce, de l’industrie, de l’artisanat et du tourisme, Bamaba Ould Darmane.
Les ministres Séméga et Hademine ont qualifié ces « Portes ouvertes » sur le corridor Nouakchott-Bamako d’autant plus importantes qu’elles offraient une opportunité sérieuse pour les opérateurs économiques de trouver des réponses appropriées aux contraintes et défis auxquels ils sont confrontés.
Si le premier a surtout insisté sur le rôle du secteur des transports dans le développement économique de nos Etats, le second a mis l’accent sur les multiples facilités que le gouvernement mauritanien accorde aux Emamau dont la mission consiste à renforcer les échanges commerciaux entre les deux pays. Tous deux conviennent que le but ultime des journées consistait à imaginer les voies et moyens propres à faire du port de Nouakchott, la porte maritime du Mali. Justement, le Panpa a été mis en exploitation en 1987. Il dispose d’un quai long de 585 m et large de 45 m qui offre trois postes à quai et un quai de service ; mais aussi d’un poste pétrolier sur coffres de mouillage et d’une superficie totale de terre-plein estimée à 105 ha dont 58 ont été aménagés. La quantité de marchandises qui transite par le port est passée de 400 000 tonnes en 1987 à plus de 2,8 millions de tonnes en 2010.
Des travaux d’extension du port sont en cours qui s’achèvent en 2013 avec réception de 2 nouveaux postes à quai d’un tirant d’eau de 12 m et la création d’un terminal à conteneur à l’horizon 2017. Ce qui augure, selon le directeur général du Panpa, Ahmed Mohamed Ould Moktar, d’une augmentation du trafic maritime et l’approvisionnement du Mali via ce port. Les autorités portuaires mauritaniennes entretiennent de bons rapports avec les Emamau. Elles ont mis à la disposition du Mali ,12 000 m2 de terre-plein dont 3 500 m2 de magasins finis. En plus, le Panpa accorde de nombreuses facilités au transit et au transbordement des marchandises à destination du Mali, avec une réduction de 40 à 70% sur la redevance à la charge de la marchandise, selon les cas.
Les Emamau ont également ouvert leurs portes aux participants. Créés en 1995, mais inaugurés en 2002, les Entrepôts maliens en Mauritanie ont pour mission de gérer les accords, conventions et protocoles en matière de transport et de transit maritimes ; de gérer les installations dont le Mali dispose dans les domaines portuaires dela Mauritanie ; d’organiser l’entreposage des marchandises maliennes en transit en Mauritanie ; et de suivre l’évacuation des marchandises en provenance ou à destination du Mali avec célérité et au moindre coût.
Le bitumage de la route Bamako-Nouakchott a permis un grand essor du trafic entre le Mali etla Mauritanie. Cetrafic est passé de 4 973 t en 2005 à environ 29 000 t en 2009 et à 33 492 t au 30 septembre 2011. C’est pourquoi, le directeur général des Emamau, Haïballah Maïga, lance un appel aux opérateurs économiques maliens afin qu’ils orientent le transit de leurs marchandises par l’axe Nouakchott-Bamako via le Panpa et les Emamau.
Doléances acceptées
Au cours des journées, les opérateurs économiques maliens et mauritaniens ont relevés moult difficultés auxquelles le corridor Nouakchott-Bamako reste confronté. Entre autres, les difficultés liées à l’escorte, au nombre exorbitant de postes de contrôle, au transport Voyageurs entre les deux pays. Il y a aussi les tracasseries, la surcharge, l’état défectueux de certains véhicules, et le manque d’équipements dans certains postes de contrôle ou de transit. Bref, beaucoup de problèmes recensés, que les participants ont soumis à l’approbation des décideurs, avec des propositions de solutions consignées dans un document.
Dans ces conclusions, les opérateurs économiques maliens souhaitent que : les cargaisons conteneurisées, destinées ou en provenance du Mali soient facturées à la boîte au lieu de la nature et du poids ; les postes de contrôle, actuellement au nombre de 38 côté mauritanien, soit réduit au nombre de 3 (et réciproquement) ; la mise à disposition d’un parking pour les camions ; la suppression des frais d’escorte douanière ; le Panpa entreprenne au Mali des opération de marketing auprès des acteurs économiques maliens ; la franchise des marchandises maliennes à l’import et à l’export soit porté à 30 jours ; la suppression du transfert des passagers aux frontières de Gogui ; la filière mangue puisse être valorisée pour son exportation.
La partie mauritanienne a adhéré à la quasi-totalité de ces doléances et s’engage à associer le Mali dans les négociations avec son fournisseur stratégique des hydrocarbures ; à mettre à la disposition des exportateurs maliens des mines, un espace minéralier dans le port ; à ouvrir une représentation du Panpa à Bamako ; et à aligner les tarifs appliqués au trafic en transit pour le Mali sur ceux pratiqués dans les autres ports de desserte du pays. Les modalités pratiques de cette dernière décision seront arrêtées de commun accord avec les opérateurs économiques du Mali à l’issue d’une réunion conjointe prévue à Bamako ce mois-ci.
Sékou Tamboura
Envoyé spécial à Nouakchott
L’Aube.ml 10/01/2012