COOPERATION BILATERALE Le Japon équipe les ADM

Le ministère des Transports et de la Mobilité urbaine a procédé, le lundi 7 septembre 2020, à la remise de matériels et équipements aux Aéroports du Mali (ADM), offerts dans le cadre de l’aide financière non remboursable du Japon au Mali. La valeur de ces équipements est estimée à 350 millions de yens japonais, soit environ 1,188 milliard FCFA.

La cérémonie était présidée par le secrétaire général du ministère des Transports, Marc Dabo, en présence du représentant du ministère de la Sécurité et de la Protection civile, du directeur général de la Police et des responsables des ADM.

La première tranche de ce don est composée de matériels de sûreté et de sécurité, à savoir 3 unités de scanner à rayon X pour le contrôle des bagages de soute et de cabine et leurs pièces de recharge ; 3 portiques de détection de métaux ; 2 détecteurs automatiques de radioactivité ; 20 unités de détecteur portatif de métaux ; 8 barricades amovibles ; 6 détecteurs portatifs de traces d’explosifs ; 2 détecteurs de liquide explosif ; 50 radios portatives avec une radio principale et une station de base ondulée ; 3 logiciels de radio ; 2 unités du système d’inspection sous véhicule et leurs pièces de rechange ; 7 pick-up double cabine équipés de radio ; 2 4×4 Station Wagon équipées de radio ; 1 bus de 30 places équipé de radio ; 2 bus de 15 places équipés de radio ; 2 motos Qads tout terrain à 4 roues ; 8 motos tout terrain à 2 roues.

Selon le secrétaire du ministère des Transports, cet important appui du Japon témoigne l’excellence des relations qui existent entre les deux pays et confirme l’amitié entre les peuples maliens et japonais.

Aussi, a-t-il souligné que le choix des Aéroports du Mali comme bénéficiaire de ce don vise à moderniser les équipements sécuritaires de l’Aéroport international Président Modibo Keïta Sénou dont lesdits matériels et équipements contribueront non seulement à la modernisation, mais aussi et surtout à l’amélioration des conditions de travail et de l’offre de services aux usagers.

 

Quelle Transition pour le Mali et comment la réussir ?

 

La recette de Soumeylou Boubeye Maiga

 

La question fait l’objet d’une concertation nationale prévue ce week-end. Cette question qui passionne les Maliens, soucieux de l’avenir de leur pays et qui préoccupe au plus haut point les partenaires du Mali qui souhaite une Transition civile la plus courte possible. Parmi ses voix qui comptent sans doute, celle de Soumeylou Boubèye Maïga, ancien Premier ministre, ancien Secrétaire général de la Présidence de la République, ancien ministre de la Défense, le président de l’Alliance pour la Solidarité au Mali, Convergence des Forces Patriotiques (ASMA-CFP) a accepté notre invitation pour partager avec nous sa vision de l’avenir immédiat de notre pays.

 

ORTM1 :

Vous êtes parti de la Primature en avril 2019 soit un an et demi à peu près, avant les événements que nous vivons présentement. Est-ce qu’on peut dire que depuis lors, il y avait les ingrédients de la crise ? Est-ce que quelque chose présageait d’un effondrement possible du régime ? 

 

Soumeylou Boubèye Maïga :

Non, je ne pense pas qu’il y avait des ingrédients qui présageaient de l’effondrement du pouvoir comme vous le dites. Nous avions eu en 2018 un processus électoral que nous avons estimé correct parce qu’il y avait eu plus 70 missions d’observation et qui n’ont pas décelé d’irrégularités fondamentales qui pouvaient mettre en cause la sincérité du scrutin. Il y a eu après une longue période de contestation politique à l’issue de laquelle d’ailleurs, le Président Keïta avait entamé un processus de rencontres avec différents les leaders. Malheureusement, ça n’a pas pu aboutir aux résultats recherchés. Et puis, nous avions un front social assez agité. Il y a eu toutes sortes d’interactions entre différents acteurs qui faisaient que des gens qui n’avaient pas, a priori, des intérêts convergents se sont retrouvés ensemble et cela a donné lieu à des situations que vous avez évoquées.

 

Qu’est-ce qui vous a manqué pendant cette période-là pour redresser la barre ?

 

Je pense que le grand défi reste toujours le même. Pour nous, c’est comment renforcer une vision commune de notre destin, en dépit des divergences normales qui constituent le socle de la démocratie. Parce que nous nous sommes justement battus pour que tout le monde puisse s’exprimer mais il y a des règles communes que nous devons accepter. L’une des leçons qu’il faut tirer des périodes que nous venons de vivre, c’est qu’au-delà du formalisme institutionnel, la qualité de la gouvernance est un paramètre très important dans la consolidation du processus démocratique.

Ensuite, il faut que nous nous donnions un socle de valeurs communes qui feraient que préserver l’unité de la nation, la cohésion de la société et une marche en avant, ensemble, constituent un paramètre important pour gérer la stabilité de notre cohésion.

Par rapport à la situation que nous avons vécue depuis début juin, nous avions toujours insisté sur le fait que le Président de la République devait user de ces prérogatives constitutionnelles pour préserver l’unité de la Nation et la cohésion du pays. Cela a donné le résultat que tout le sait et le vœu de tout le monde est que la nouvelle situation nous offre de nouvelles perspectives.

 

Nous allons revenir sur ces perspectives mais de votre position d’observateur, hors du gouvernement, comment est-ce que vous avez vécu les événements du 18 et 19 août 2020 ?

 

Nous nous étions retrouvés dans une position d’impasse parce que, depuis la proclamation des résultats des élections législatives, il y a eu une contestation spontanée de la part de toutes les populations, dans les circonscriptions où il y avait eu des résultats contestés. Elles estimaient que leur vote avait été confisqué. C’est le cas à Sikasso, à Kati, à Bougouni et dans certaines Communes du District de Bamako notamment les Communes I, V et VI. Comme les circonscriptions dont je parle sont les plus peuplées, leur mobilisation est venue amplifiée un processus de mobilisation qui était en cours et qui portait sur différents sujets. Ce qui est arrivé au moment du processus électoral a été un catalyseur de cette crise là mais surtout un révélateur. Il nous a révélé qu’il y avait des dysfonctionnements insoupçonnés au niveau de rouages essentiels dans un État démocratique, en particulier la Cour Constitutionnelle. Si cela devait perdurer, nous pourrions nous trouver dans une situation de quasi vassalisation pour les années à venir.

Il y a eu cette mobilisation et progressivement, le M5 au-delà de son noyau de départ, est devenu le cadre dans lequel les colères, les frustrations, les revendications de tous ordres se sont coalisées et organisées. Plusieurs composantes et secteurs du pays, toutes appartenances politiques et sociales confondues, se sont retrouvés dans cette mobilisation pour contester l’ordre institutionnel qui était en place.

 

Cela donne une contestation populaire qui s’achève par une intervention militaire. Vous étiez là en 1991, peut-on dire que l’histoire se répète ? Est-ce que cela a quelque chose en commun avec ce qui s’est passé en 1991 dont vous avez été un acteur ?

 

Vous savez, moi je ne dramatise jamais les situations. Je pense que plusieurs pays ont dû passer par ce type d’étapes avant de retrouver un point de stabilité. Peut-être que nous sommes dans le même processus. Quand vous prenez notre sous-région, à part un ou deux pays, pratiquement tous les autres ont connu ce phénomène avant de retrouver la stabilité. J’espère que nous allons, nous-mêmes, progresser ainsi. Comme je l’ai dit, l’important ce n’est pas dire on regrette, on déplore… l’histoire ne se fait pas avec des sentiments ou avec des jugements de valeur. Chaque fois qu’il y a eu des risques de ruptures, les Maliens se sont montrés aptes à reprendre leur destin en main.

 

Monsieur le Premier ministre on entame quand même notre troisième transition. En vous entendant, il n’y a pas de problème ?

 

Oh ! Pas du tout. Vous savez, trente (30) ans à l’échelle d’un pays ce n’est pas énorme. Le Mali en tant que État souverain a soixante (60) ans. Quand vous prenez l’histoire des grandes démocraties qui se sont consolidées et qui apparaissent comme des modèles, il y a eu pire que ça, il y a eu des guerres civiles, il y a eu beaucoup de choses.

 

Est-ce que l’on doit passer par le même chemin ?

 

Non on ne passera pas par-là, Dieu merci. Je pense qu’actuellement, tout le monde est dans l’idée que nous devons rentrer dans un processus de concertation, de consensus.

Comme je l’ai dit il y a quelques jours, je crois que dans l’étape actuelle, ce qui est le plus important c’est que nous soyons tous habités par un certain esprit de raison. Que nous ayons l’aptitude à nous passer des compromis de confiance. Cela est extrêmement important parce que le chantier qui est en jeu c’est comment reconstruire notre unité nationale, comment redresser la nécessaire solidarité entre Maliens et comment faire parvenir que nous puissions rénover notre démocratie ?

Il y a beaucoup de comment, des concertations nationales sont prévues ce week-end pour définit les contours de la transition. Qu’est-ce que vous attendez de ces assises qui vont sans doute être cruciales pour l’avenir immédiat du Mali ?

 

Il y a d’abord une participation de bonne foi. Si nous voulons aboutir à des résultats, aucune composante ne doit être habitée par l’idée de s’approprier le processus en cours. Je crois qu’une transition par définition, elle doit être consensuelle, elle doit essayer de fédérer les uns et les autres autour d’objectifs communs.

L’esprit de raison dont je parle voudrait dire que nous sommes prêts à conjuguer nos intelligences et nos énergies pour préserver notre pays. Pas sur une base de confiscation par une partie quelconque du peuple malien. C’est quelque chose dans lequel l’ensemble des citoyens devrait se retrouver. Je pense que les années antérieures, y compris l’année 2019, ont été marquées par un grand souci de concentration et d’échange. Nous avons eu en décembre dernier le Dialogue national inclusif (DNI) et tout le monde avait convenu que son diagnostic et ses recommandations nous engageaient dans la perspective de la deuxième génération de nos institutions démocratiques, c’est-à-dire, d’une rénovation de notre système démocratique. Maintenant, il reste à ce que les principaux acteurs, en particulier les leaders soient à la hauteur et c’est cela l’enjeu des concertations.

 

Est-ce que vous sentez chez certains l’envie ou l’intention d’exclure les autres ?

 

Vous savez, ces tentations-là sont toujours possibles mais heureusement elles ne sont pas majoritaires. Je pense que ce qui intéresse les Maliens, c’est de sortir rapidement de cette situation de flottement, de retrouver un fonctionnement normal de nos institutions mais surtout de nous retrouver en cohérence avec notre environnement régional et de la communauté internationale. Pour moi, c’est cela le plus important. Pour le reste, nous devons être assez humble pour bien concevoir que l’immense chantier que nous avons, nous devons le travailler progressivement sur plusieurs années. Sur des bases démocratiques et cela suppose que les citoyens se prononcent sur les différentes offres politiques et chacun avec son projet de consolidation ou de transformation du pays.

 

Au-delà de la participation de bonne foi, qu’est-ce qu’il faut pour réussir cette assise ?

 

Quand je dis de bonne foi, cela veut dire que nous venons tous avec l’idée de construire, de fédérer, de trouver une base d’accord.

Cela nous permettra de démontrer à la communauté internationale que nous avons pu faire émerger un consensus majoritaire sur les grandes orientations. En même temps, nous emmènerons la communauté internationale à se mettre dans une logique d’accompagnement et de soutien. Et que nous sommes en mesure, en ce moment-là, de faire émerger au niveau national des mécanismes par lesquels nous pourrions reconstruire la confiance non seulement entre les Maliens mais aussi entre les Maliens et leurs institutions.

 

La Communauté internationale dont vous parlez met une forte pression sur le Mali. Quelle lecture faites-vous de cette pression ?

 

Les positions de la communauté internationale sont pour le moment calquées sur celle de la Cedeao. Il faut rappeler que le Mali est membre à part entière de la Cedeao. La Cedeao repose sur un certain nombre d’actes de protocoles et d’actes additionnels auxquels nous sommes partie prenante et qui édictent un certain nombre de normes politiques, de convergence institutionnelle auxquels nous avons adhéré librement. Il est également prévu qu’en cas de rupture avec ces normes, qu’il y a des mécanismes de sanctions qui sont déclenchés. Depuis qu’il y a eu le 18 août, la Cedeao a pris des mesures nous concernant et qui se résument à un certain nombre de sanctions, notamment sur le plan financier, de la mobilité entre nos pays et comme cela va de soi, nous ne participons plus aux différents organes de gestion de la Cedeao. Nous trouvons ces sanctions disproportionnées, nous les trouvons pénalisantes et un peu punitives, et qui sont de nature à impacter l’image et la perception de la communauté au niveau des opinions publiques.

Nous estimons que la communauté devrait s’inscrire plutôt dans une logique d’accompagnement et de soutien, dès lors que le principe de revenir à des normes institutionnelles fondamentales n’est pas remis en cause. De mon point de vue, la communauté devrait s’inscrire plus dans l’accompagnement de cette démarche plutôt que d’être dans une logique de sanctions d’autant plus que les sanctions sont à double tranchant. Elles pénalisent d’abord les Maliens, toutes catégories confondues, mais elles pénalisent aussi nos partenaires des pays voisins.

 

Justement, quelles conséquences pour nous et pour les autres ?

 

Si nous prenons le plan économique et financier, nous avons un certain nombre de financement qui sont plus ou moins compromis.

Au niveau de l’aide budgétaire, nous avons un peu plus de deux cents milliards d’aides budgétaires de la part de différents partenaires financiers que nous pourrions ne pas avoir ; au niveau de la dette intérieure, c’est-à-dire le financement de notre trésorerie où nous mobilisons une trentaine milliards tous les quinze jours dans l’espace Uemoa, sur une prévision d’environ Six cents milliards, il nous restaient Deux cents douze (212) milliards à mobiliser pour le reste de l’année ; sur des accords prévisionnels de Cinq cent quatre-vingt-quatre (584) milliards, il nous restait Deux cents-soixante-seize (276) milliards que nous pourrions ne pas mobiliser.

Avec la suspension des transactions financières internationales, tout cela va impacter notre vie économique et sociale. Or s’il y a un resserrement de notre pouvoir d’achat, l’une des premières choses, c’est que notre outil militaire et sécuritaire sera impacté. Sur le plan de la sécurité régionale, le Mali est au cœur de la stabilité de la région. Quand vous observez notre carte, nous avons sept (07) frontières. Toute notre frontière avec le Niger et le Burkina Faso est devenue aujourd’hui le carrefour où se concentre l’essentiel des attaques terroristes qui menacent non seulement la stabilité du Mali mais de tous les pays voisins. Avec un débordement sur les pays côtiers comme le cas ressent de la Côte d’Ivoire et peut-être demain le Ghana, le Togo et le Bénin.

Chez nous, ce qu’on appelle le Centre qui couvre quatre régions : Mopti, Ségou, une partie de la région de Tombouctou et une partie de la région de Koulikoro. Les dernières attaques ont eu lieu à Sandaré, c’est-à-dire jusque vers notre frontière avec la Mauritanie, et là, à travers le Sahel occidental on retrouve la frontière Sénégal et Mauritanie, le Guidimakan où on a des communautés qui sont proches et qui peuvent être aussi infiltrées par la menace terroriste.

Quand vous descendez beaucoup plus bas, toute notre frontière avec la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et la Guinée Conakry, à travers le sud-ouest, c’est-à-dire, toute la zone qui va de Kolondièba, Bougouni et jusqu’à Manankoro, nous avons eu beaucoup d’intrusions ces derniers temps. Donc, la fragilisation de notre capacité à nous protéger qui peut être plus grave du fait des sanctions peut menacer tout l’équilibre de la sous-région et c’est pourquoi j’ai dit que les sanctions sont à double tranchant.

 

Justement, nous avons intérêt à ce que les sanctions soient levées le plus rapidement, les autres aussi. Comment il faut y parvenir ?

 

Premièrement, il faut que nous puissions continuer d’avoir un dialogue intelligent avec la Cedeao. Comme la Cedeao a un sommet en début de semaine prochaine, je pense qu’elle pourrait prendre acte du fait que le Mali est résolument engagé dans un processus de retour à ses fondamentaux constitutionnels, c’est-à-dire aux normes constitutionnelles que nous avions.

Deuxièmement, la Cedeao devrait privilégier le soutien, l’accompagnement de ce processus plutôt que de le fragiliser par la persistance des menaces. Je m’interroge d’ailleurs, sur les biens fondés d’un certain nombre de sanctions parce que la Commission de la Cedeao, même si cela a été entériné par le sommet des Chefs d’État, avait transposé des sanctions qui avaient été prisés en 2012, mais qui avaient été prises dans le cadre de l’Uemoa.

Je m’interroge beaucoup sur l’implication de la Bceao dans la mise en œuvre des sanctions parce que la Bceao relève quand même de l’Uemoa et qu’à terme, le ralentissement des échanges économiques entre nos pays, pénaliserait aussi les opérateurs économiques partenaires dans nos pays voisins.

 

Alors, Monsieur le Premier ministre, venons-en à l’architecture de la transition : un Président civil, un premier ministre civil, aucune instance militaire au-dessus du Président de transition, c’est ce que nous propose la Cedeao. Faut-il écarter les militaires de la transition ?

 

Pas du tout. C’est pourquoi nous avons proposé qu’il y ait un Président et un Premier ministre civils et qu’il y ait un Vice-président militaire. Cependant, d’autres formules sont possibles pour faire en sorte qu’on ne donne pas l’impression de congédier d’une certaine manière les militaires, à la fois sur la durée qu’ils avaient proposée et sur le positionnement qu’ils souhaitaient. Nous pensons qu’il faut trouver une architecture institutionnelle dans laquelle ils ont une place prépondérante et visible qui correspond au rôle qu’ils ont joué et qui correspond aussi au rôle qu’ils devraient continuer de jouer pour la stabilisation des institutions de la transition qui vont être mises en place.

 

Et qui correspond aussi aux attentes des populations ?

Tout à fait. C’est pourquoi nous avons aussi proposé, qu’en plus des propositions sur l’exécutif de la Transition qu’il y ait un organe qui aura une compétence législative sous la forme d’un Conseil national de Transition au sein duquel seraient membres les représentants des partis politiques, de la société civile et des forces armées et de sécurité.

 

Et qui est différente de la constituante ?

Soumeylou Boubèye Maïga :

Ah oui, bien sûr.

Pourquoi ce choix plutôt que celui d’une constituante ?

Je pense que pour le moment, ce qui est en cause ce n’est pas la Constitution telle que nous l’avions. Je pense que le Dialogue national inclusif avait fait le point des réformes prioritaires et importantes pour la consolidation de la démocratie. Parmi ces réformes, il y a bien sûr la révision de la Constitution. Parce qu’historiquement, il est plus facile pour une Transition de faire une révision constitutionnelle que pour un pouvoir qui est en place. D’une manière générale, il n’y a pas de suspicion visant la Transition. Parmi les points fondamentaux, il y a la révision de la loi électorale pour avoir un organe unique de gestion des élections. Ce qui entraînerait ipso facto la relecture des textes de la Cour Constitutionnelle de manière à la limiter dans le rôle du contentieux pour que l’ensemble de l’organisation du procès électoral, y compris la proclamation des résultats provisoires et définitifs, relève d’une structure unique.

Et puis, nous avons proposé que dans cette relecture de la loi électorale, nous devrions envisager l’introduction d’une dose de proportionnelle pour qu’au-delà de trois députés, 50,05% ne soit pas 100% des sièges. Actuellement, dans des localités comme Kati, Sikasso et Ségou qui ont sept (07) députés et d’autres qui ont quatre (04) à cinq (05) députés, quand vous avez 50,05% comme c’était le cas pour les résultats proclamés à Sikasso, cela pose d’autres types de problèmes.

 

Nous avons dit que les dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger qui ne posent pas de problème leur application doit se poursuivre. Sur le plan sécuritaire, quand on voit un espace qui va de Tessalit à Ténenkou et de Nampala à l’Abezanga ça fait 940 000 kilomètres carrés. Nous n’avons pas une présence sécuritaire qui nous permet de faire un maillage adéquat de cet espace et qui est aujourd’hui le nœud de tous nos problèmes sécuritaires. Je pense que tous les arrangements sécuritaires de l’Accord que nous n’avons pas pu mettre en œuvre si nous parvenons à le faire pendant la Transition, cela nous permettrait de combler nos déficits en termes de capacité opérationnelle. Cela permettrait d’absorber des milliers de vrais combattants qui sont dans la nature et qui à l’occasion peuvent faire valoir leur savoir-faire à d’autres entités.

 

Pour revenir à l’architecture de la transition, quel profil pour le Président de la transition. Est-ce que vous avez un portrait-robot ?

 

Non, je n’ai pas de portrait-robot. La seule certitude c’est qu’il sera un Malien. Vous savez, j’entends beaucoup de choses actuellement et on cherche un homme idéal ou une femme idéale. Nous serons obligés de prendre un Malien, dans tous ces postes, avec ses qualités et ses défauts, le plus important c’est sa connaissance du pays, sa détermination et son engagement au service du pays. Tout le reste, je crois que nous ne trouverons pas des gens parfaits. C’est pourquoi je ne m’appesantis pas trop sur ces questions de profil. Le plus important c’est que nous trouvions des dirigeants capables d’être au service du pays et au service des citoyens.

 

Et le Gouvernement, à quoi est-ce que cela devra ressembler ?

 

C’est la même chose. Il faut des gens compétents et ce que nous devrions surtout réhabiliter, c’est la notion de servir, d’être au service du pays, d’être au service des citoyens. Cet aspect est fondamental et nous devrions sortir de la transition le plus rapidement possible pour que nous puissions avoir des institutions légitimes fondées sur le choix des citoyens.

Parce que pendant toute Transition, la composition de tous les organes de gestion se fait sur une base de cooptation.

Si nous devons demeurer un état démocratique et c’est ce que tout le monde souhaite, la notion de mandat est extrêmement importante.

 

Venons-en donc à cette question de la durée de la Transition. La Commission de la Cedeao nous propose un an et d’autres partenaires souhaitent aller beaucoup plus vite, les propositions ici au Mali vont jusqu’à trois (03) de Transition. Où est-ce qu’il faudrait s’arrêter selon vous ?

 

On devrait pouvoir couper la poire en deux. Je prends la proposition d’un an de la Cedeao comme un délai de référence à partir duquel, si les conditions objectives sont telles que nous ne pouvons finir en un an que nous puissions avoir un glissement de plusieurs mois.

Supposons que nous puissions trouver une architecture en fin de semaine. S’il est relativement facile de choisir un Président et un Premier ministre, composer le Gouvernement est un exercice qui peut-être plus long. Mais composer l’organe législatif de la transition au sein duquel les partis doivent s’entendre pour désigner leurs membres, la société civile devrait faire de même et les forces armées et de sécurité, peut-être qu’il y aurait moins de problème mais on prendrait plusieurs semaines. Rien que dans la mise en place des structures de gestion, nous allons prendre peut-être un mois, deux mois ou voir plus.

Sans compter que les Maliens veulent que la Transition lave le pays de tous ses péchés. Est-ce que cela est possible ?

 

J’entends souvent les gens qui disent on veut refaire le Mali. C’est un objectif ambitieux et légitime. Sauf que ce n’est pas dans le cadre d’une Transition qu’on pourra le faire.

 

 

Vous l’avez dit, la feuille de route doit s’articuler autour des recommandations du DNI, le Dialogue national inclusif, pourquoi ?

 

Parce qu’il a été un grand moment d’échange et d’écoute. Il a été inclusif parce qu’il été organisé depuis les Communes, les cercles, les régions jusqu’au niveau national. Même si certaines composantes n’ont pas participé pour une raison ou une autre, je pense que les propositions qui ont été retenues à l’issue du Dialogue national ont trouvé, globalement, l’assentiment de tout le monde. Maintenant dans le cours du processus, on peut toujours enrichir un certain nombre de dispositions. Par exemple sur la question de l’organisation des élections, même ceux qui n’ont pas participé, sont d’accord que nous ayons une structure unique de gestion. Donc, ça été un grand moment de consensus national et maintenant il faut l’améliorer et cela se fera dans la pratique.

 

Vous préconisez l’élargissement du Comité de suivi des recommandations du sommet de la Cedeao aux pays voisins mais à d’autres partenaires, pourquoi ?

 

Le processus dans lequel nous allons nous engager, nous avons besoin d’un soutien élargi de la communauté internationale. Quand vous prenez les sanctions de la Cedeao, nous avons par exemple un axe de commerce transsaharien qui nous lie à la Mauritanie, au Maroc et à l’Algérie qui ne sont pas membres de la Cedeao. Comment nous allons faire les transactions commerciales avec ces pays ? Nous avons également nos plus grandes frontières avec la Mauritanie et l’Algérie. La Cedeao avait proposé un comité de suivi avec l’Union africaine et les Nations unies, il faut élargir cette base d’abord à ces voisins dont j’ai parlé, c’est-à-dire l’Algérie et la Mauritanie mais aussi le Maroc et le Tchad qui sont tous impliqués dans la stabilisation du Mali. En plus, nous avons proposé le P5, c’est-à-dire, les pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU qui sont représentés ici pour que demain nous nous retrouvons en cohérence avec la communauté internationale, que nous puissions aussi bénéficier d’un soutien le plus large possible pour nous aider notamment à mobiliser les ressources dont nous avons besoin pour la reconstruction du pays.

 

 

Vous parlez aussi de la France qui est très critiquée au Mali, à tort ou à raison ?

 

Je ne sais pas, chacun à ses arguments. Je pars toujours du principe que nous sommes en démocratie et que chacun est libre d’avoir ses opinions. Pour moi, c’est une règle fondamentale et c’est pour cela que je ne m’appesantis pas sur les opinions émises ici et là.

 

D’aucun demande une ouverture vers la Russie, qu’est-ce que vous en pensez ?

La Russie fait partie du Conseil de sécurité, c’est pourquoi nous avons proposé la Russie, la Chine, la France et les Etats-Unis. Aujourd’hui, aucun pays n’a une relation exclusive. L’intérêt du Mali, c’est d’être assez ouvert. J’ai toujours dit à nos partenaires que nous avons des amis mais que nous ne sommes pas dans des situations d’allégeance et que nos amis doivent nous faire confiance sur le fait que nous avons quand même l’intelligence de nos intérêts propres. C’est cela le plus important, nous sommes dans un monde où tout est imbriqué. On voit bien que la situation du Mali ne laisse personne indifférent parce que nous sommes au cœur d’un espace qui est lui-même crucial dans la stabilité régionale et internationale.

 

 

Il est clair que nous sommes à un tournant, comment faire pour ne pas rater ce virage ?

 

C’est l’engagement patriotique de tous. Comme nous le disons tous, notre seul souci c’est de préserver notre pays pour qu’il soit un pays où nous nous sentons tous à l’aise pour y vivre. Je pense que nous devons pouvoir avoir l’intelligence de nous faire les concessions utiles et d’ajouter nos énergies les unes aux autres. Ce n’est pas quelque chose qui est au-dessus de nos capacités et ni de nos volontés. Comme je l’avais dit, il faut simplement que chacun puisse s’abstenir d’une sorte de tentation naturelle à vouloir confisquer les choses. La même manière dont les Maliens sont massivement sortis pour refuser la confiscation de leur vote, mais de la même manière ils n’accepteront pas que leur destin soit confisqué par qui que ce soit.

 

Entretien réalisé par Yaya Konaté