CONVOCATION DES DIRIGEANTS DU G5 SAHEL PAR MACRON: Nos Etats peuvent-ils se passer réellement de Barkhane pour leur stabilité ?

Le mercredi 4 décembre 2019, le président Emmanuel Macron de la France a profité du sommet de l’OTAN au Royaume Uni pour exiger des dirigeants des pays du G5 Sahel de clarifier leur position par rapport à la présence de l’Opération Barkhane. S’ils semblent être d’accord sur le fond, des intellectuels maliens n’ont pas manqué de condamner la forme qui a heurtée les Africains au-delà du Sahel.

«J’attends des pays du G5 Sahel qu’ils clarifient et formalisent leur demande. Souhaitent-ils notre présence ? Je veux des réponses claires et assumées…», a déclaré le chef de l’Etat français lors d’une conférence de presse à Watford, près de Londres. «C’est la raison pour laquelle j’ai invité à Pau (sud ouest de la France) le 16 décembre prochain les cinq chefs d’Etat africains impliqués dans le G5 Sahel pour pouvoir apporter des réponses précises sur ces points… Leurs réponses sont aujourd’hui une condition nécessaire à notre maintien», a-t-il poursuivi.

Le ton et la méthode de cette déclaration ont suscité de vives réactions en Afrique, au-delà même des pays du G5 Sahel. Invitation ou convocation ? «La façon et le ton de l’invitation frôlent la convocation», a analysé un expert malien de la communication politique qui a requis l’anonymat.  Dans les déclarations au Mali, c’est la forme qui semble beaucoup plus déranger que le fond.

«Convocation ou invitation ? A mon avis, diplomatiquement, la forme n’y est pas mise. Une déclaration à la faveur d’une conférence de presse ne doit et ne peut être considérée comme une invitation officielle. Même si, après les canaux traditionnels diplomatiques vont être mis à contribution pour formaliser», a souligné Filany Sidibé, chroniqueur politique et spécialiste de la communication institutionnelle dans une université privée du Mali.

«Je comprends que le président Macron soit sous la pression de son opinion par rapport à la présence militaire en Afrique et aussi qu’il soit politiquement affaibli à cause de l’ébullition du front social, mais à agir de façon sanguine est tout simplement politiquement et diplomatiquement maladroit», a-t-il ajouté.

«Je ne suis pas contre le principe d’une rencontre entre le président français et ses homologues du G5 Sahel, qu’elle soit de clarification, de mise en garde… Ce que je n’ai pas bien apprécié, c’est la manière et le ton utilisés pour faire savoir cela. Il y a des préalables diplomatiques qui sont souvent nécessaires avant de telles annonces. Il n’est pas exclu que tous ces chefs d’Etat du G5 Sahel aient appris leur convocation par la presse comme semble l’avoir confirmé le président du Burkina Faso», a également déploré le doyen Sidi Coulibaly, journaliste/Communicateur et intellectuel engagé de la diaspora malienne au Burkina.

«Dans la forme, le président français aurait pu mieux faire ; il aurait pu entrer en contact avec le président en exercice du G5 et convenir avec lui du principe de la rencontre, du lieu et des modalités pratiques et ensuite laisser celui-ci présenter comme une initiative commune et un  souhait d’aller à la rencontre de la France pour convenir des voies et moyens d’améliorer l’efficacité de l’intervention de Barkhane et de la collaboration entre Barkhane et les forces sahéliennes ainsi que d’ailleurs les actions politique d’accompagnement», a souligné Moussa Mara, leader politique et ancien Premier ministre (5 avril 2014-8 janvier 2015).

Une réunion de haut niveau indispensable comme la présence de Barkhane

«Dans le fond il est indispensable qu’une rencontre soit organisée car nous sommes à un moment clé de la lutte contre les facteurs d’insécurité, dans un contexte socio politique tendu dans le Sahel, notamment au Mali et, dans une certaine mesure, au Burkina. De nouvelles impulsions socio politiques sont indispensables à donner et la France peut nous y aider. Mais, nous devons être également les premiers à agir. Dans ce contexte une réunion de haut niveau est souhaitable», a poursuivi M. Mara.

«Barkhane est un partenaire efficace pour nos armées dans la lutte anti-terroriste. En la matière, il faut redéfinir le type de collaboration avec les Français, en termes surtout de renseignements et de logistique. Je pense que sur ce plan, il y a une faiblesse qu’il faut corriger. Je ne crois pas, sans être spécialiste, que nos armées bénéficient même de 25 % des moyens technologiques et techniques de Barkhane…», a reconnu M. Sidibé.

«Il est clair que la situation sécuritaire et les implications actuelles font qu’aucun de nos Etats ne peut demander à la France de quitter aujourd’hui le Sahel. Mais il y a des mises en garde nécessaires à faire à la France par rapport à l’ambiguïté de son action. Mais que valent les mises en garde lorsqu’on est en position de faiblesse ?», s’est interrogé Sidi Coulibaly.

Pour la majorité de nos interlocuteurs, le sentiment anti-français ne saura s’affaiblir en Afrique, surtout subsaharienne, tant que «la France ne va pas changer sa politique sur le continent. Une coopération fondée sur le respect des règles du droit international: respect de la souveraineté, la non ingérence…».

Levée toute équivoque sur Kidal

Le spécialiste de la communication institutionnelle a le mérite d’être très clair. «Sur le plan politique, la France doit être claire sur Kidal. Pour qui et pourquoi la France protège Kidal ? Les Maliens ont soif de savoir quel est l’agenda caché de la France dans cette région», a-t-il souligné. Et, a précisé le chroniqueur politique, «nos États ne doivent plus être contraints de payer des armes avec seulement la France. Très souvent ce sont des épaves qui nous sont envoyées. Cela est inacceptable».

Pour Mme Alwata Ichata Sahi, une femme leader, «c’est une nouvelle forme de colonisation car ça tout l’air dune convocation des disciples par leur maître. Quelle indélicatesse ! Nos dirigeants doivent s’assumer et tenir le langage de la vérité».

Et pour cette figure emblématique de lutte d’émancipation féminine au Mali et en Afrique, «ce langage est celui demandé à cor et à cri par leur peuple. Ils doivent s’aligner sur la volonté du peuple pour se débarrasser de ce nouveau joug colonial». Même si pour elle ce n’est pas évident car, rappelle Mme Alwata, «autant nous avons besoin de la France autant elle a besoin de nous. Donc pourquoi deux poids deux mesures ?».

En tout cas pour le doyen Diatrou Diakité, analyste politique et consultant indépendant, «ce n’est pas en rejetant sur la France la responsabilité de nos échecs que nous nous en sortirons. Au contraire, nous devons savoir ce que nous voulons d’une part, réunir les moyens et conditions objectifs d’une bonne négociation avec la France d’autre part».

A son avis, «le Mali n’a ni les moyens ni intérêt à rompre avec la France dans la conjoncture actuelle d’un Etat malien tombé plus bas que terre. Comment faire pour que notre coopération soit faite en fonction des exigences de notre développement : Là se trouve résumés tout l’intérêt et la complexité des relations franco-maliennes».

«Le Mali est en train de finaliser un nouveau concept d’opération des FAMa pouvant être mis en œuvre à partir de mars prochain pour 5 ans par nos décideurs militaires. Ce concept peut être un élément à discuter dans le cadre de cette réunion de Pau et bénéficier d’un appui de Barkhane. Pour une fois où nous sommes à la manœuvre, peut être qu’il convient de nous appuyer à avancer dans cette direction», a proposé Moussa Mara.

Et de conclure, «espérons que de la rencontre du 16 décembre prochain, il sortira des résolutions fortes». Comme nos Etats ne peuvent pas visiblement se passer de la France dans la lutte contre le terrorisme et pour leur stabilité, autant mettre les points sur les «I» pour tout le monde, y compris pour la France de Macron !

Moussa Bolly

L’AAACGM invite la France au respect strict des «règles diplomatiques pertinentes»

L’Amicale des anciens ambassadeurs et consuls généraux du Mali (AAACGM) dit avoir enregistré avec «étonnement le ton éminemment discourtois» avec lequel le président Emmanuel Macron s’est adressé aux président du G5 Sahel, dont le président Ibrahim Boubacar Kéita, concernant la présence de la Force Barkhane.

«L’Amicale des anciens ambassadeurs et consuls généraux s’élève énergiquement contre cette attitude qui ne sied pas aux relations de courtoisie et de respect mutuel qui doivent exister entre Chefs d’Etats souverains», a indiqué le communiqué publié le 5 décembre 2019 et signé de Dr Abdoulaye Amadou Sy.

L’AAACGM a invité les autorités françaises à observer dorénavant «des règles diplomatiques pertinentes entre les Etats et à l’endroit des acteurs étatiques» !

M.B

QUE FAIRE FACE A LA CONVOCATION DE MACRON: «Il fallait éviter que la libération des régions du nord soit une corde au cou de la République»

Face à l’arrogance d’Emmanuel Macron, qui vient de convoquer les dirigeants des pays du G5 Sahel à venir s’expliquer à Pau le 16 décembre 2019 sur les mouvements antifrançais qui y montent en puissance, nos élites doivent avoir une vision des moyens et conditions du sursaut patriotique de sauvetage de notre patrie.

Notre peuple est conscient et disponible pour les causes patriotiques. Ce qui lui manque c’est l’apport des cadres politiques, administratifs et des hommes de culture en termes d’organisation, d’éducation et de mobilisation dans son combat multidimensionnel contre les forces rétrogrades internes à notre société d’une part, contre les forces impérialistes de recolonisation politique et économique de notre pays, d’autre part.

Ce sont nos dirigeants, tournés vers eux-mêmes et sans souffle vivifiant, qui permettent aux ennemis extérieurs de transformer les fissures de notre société en brèches pour entrer et prendre la forteresse Mali. Le mal malien est d’abord interne à notre pays. Ce mal s’appelle inconscience et inconsistance patriotiques de nos élites. Si notre peuple est organisé et mobilisé sur sa devise (Un Peuple-Un But-Une Foi), les puissances extérieures renonceront à leur projet de partition du Pays.

N’oublions jamais que la bourgeoisie française a toujours été l’une des plus intelligentes du monde. Comme l’a dit le Général De Gaule, «la France n’a pas d’ami, elle a des intérêts». Les français connaissent le peuple malien mieux que nos dirigeants actuels qui, tournés vers eux-mêmes sont incapables de voir à travers les signes la marche de l’histoire.

Après 164 ans d’histoire commune, le peuple malien est loin d’être antifrançais ; mais il reste fidèle à ses valeurs d’honneur et de dignité. Les français sont suffisamment intelligents pour faire le bon choix face à des interlocuteurs valables maliens.

En décembre 2012, en introduction à «Esquisse d’une politique d’utilisation des ressources naturelles pour le développement du Mali», j’écrivais : «Les dirigeants politiques et militaires de la transition sont condamnés à sortir de l’ordinaire, des sentiers battus pour faire face aux défis actuels du pays». Ainsi, il fallait surtout éviter que les conditionnalités de la libération des régions nord du Mali ne soient pas une corde au cou de la République du Mali. C’est hélas le cas aujourd’hui.

Nous sommes malheureusement tombés dans le piège. Nous avons la corde au cou avec la France, les chaines aux pieds avec la communauté internationale dont les intérêts se confondent avec ceux de la France. Et c’est pourquoi Emmanuel Macron se croit tout permis, y compris intimer l’ordre aux dirigeants de pays qui s’estiment souverains à venir s’expliquer chez lui. C’est le comble de l’humiliation ces dirigeants, surtout celui du Mali après le dédain manifesté à son égard lors de la cérémonie d’hommage (02 décembre 2018) des 13 soldats de Barkhane tués au Mali le 25 novembre 2019 dans un crash d’hélicoptères.

Ici sera génie notre peuple s’il s’élève au-dessus de la mêlée, de la règle commune pour faire la petite différence qui sauvera la patrie de la partition et de la régression au carré. Compte tenu des pratiques vécues au cours des 29 dernières années, la jeunesse est notre espoir. Puisse dieu guider les pas de notre peuple avec la baraka de nos ancêtres et une bonne inspiration !

Diatrou Diakité

Consultant indépendant

L’ŒIL DE SONIA : Le Sahel comme prétexte pour dissimuler le désamour entre Macron et les Français

Le président Emmanuel Macron et son gouvernement traversent une très mauvaise passe actuellement avec la très forte mobilisation sociale contre la réforme des retraites. Et la grève risque de durablement s’installer en France contre la réforme des retraites si le gouvernement ne lâche pas du lest dans l’épreuve de force qui oppose le front syndical au régime en place. Le mouvement est massif et massivement soutenu car, bien au-delà d’une réforme des retraites mal expliquée qui a eu des effets anxiogènes, il a cristallisé les frustrations accumulées depuis 2017.

Ainsi, la grève nationale du jeudi 5 décembre 2019 a littéralement paralysée la France avec pratiquement aucun transport, les trois quarts des écoles fermées ainsi que les cantines et les garderies). Concernant la grève ferroviaire, celle-ci va perdurer et risque de durer plusieurs semaines voire des mois. Et des débordements des mécontents sont à craindre avec surtout les black-blocs qui profitent de ces mouvements pour s’infiltrer et tout casser.

La révolte nationale est compréhensible car Macron veut toucher au régime de la retraite actuelle afin d’effacer les inégalités. Sauf que cela concerne tout le monde car avec son système toutes les branches sont concernées. C’est paradoxal comme stratégie. De plus, il vend nos aéroports aux privés ainsi que la Française des jeux alors que ces 2 grosses plateformes apportent dans les caisses de l’état un énorme profit. Comme s’il s’était fait élire pour mettre l’Etat français à genoux devant les Lobbies qui l’ont poussé à briguer la présidence.

Je ne sais plus quoi penser. En tout cas seule la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a encore un certain pouvoir sur notre gouvernement actuel car c’est une grosse entreprise où tous les salariés sont solidaires. Si celle-ci s’écroule (si Macron gagne le bras de fer), les entreprises publiques ne seront plus assez fortes pour contrer ce plan diabolique pour démanteler le service public.

Le pire est que la moitié des français ne comprennent pas les revendications SNCF dont celle-ci : chaque agent SNCF qui a travaillé dans l’entreprise au moins 25 ans peut prendre sa retraite à 57 ans au lieu de 62 ans pour les autres métiers. Ce qu’ils ne savent pas c’est que durant toute leur carrière à la SNCF, les travailleurs cotisent beaucoup plus que les autres métiers afin de pouvoir partir 5 ans en avance.

Ce n’est pas du vol puisqu’on l’a largement payé au travers de nos cotisations ce gain de temps. Il est donc normal que les cheminots se révoltent contre Macron qui fait croire au peuple que ce droit est un avantage. Aux yeux de ceux qui doivent travailler jusqu’à 63 ans, cela devient une injustice. Il est donc normal que les cheminots se révoltent face à ce que Macron dit car il fait croire au peuple que ce droit est un avantage qui aux yeux de ceux qui doivent travailler jusqu’à 63 ans devient une injustice

D’autres métiers comme les mineurs ont aussi d’autres droits (des avantages) en fonction de la dureté du métier. Et c’est tout cela que Macron veut changer afin de mettre tout le monde sur le même pied : les concernés ne se laisseront pas manipuler et les grèves risquent de durer. Des grèves qui, comme le mouvement des Gilets jaunes, mettent en péril l’activité des commerçants surtout à l’approche des fêtes

Oui et Macron et ses sbires profitent de cette situation pour ne rien faire, se taire et ainsi faire monter la colère du peuple. Et pour cacher ce désamour entre lui et le peuple français, il profite de la mort de 13 militaires français au Mali pour passer ses nerfs sur les dirigeants du G5 Sahel. De toutes les manières après le sommet de Pau (sud ouest de la France) le 16 décembre prochain, il sera contraint de faire face aux conséquences du chaos social qu’il est en train de semer en France.

Sonia