Le Mali a aujourd’hui 56 ans. Un âge canonique. Ces lignes qui vont suivre tentent de remettre en perspective l’abondante et savoureuse réalisation économique des pionniers de l’indépendance : un destin exceptionnel.
Cette anthologie, est l’occasion aujourd’hui de prendre la mesure du chemin parcouru. Une trace pour le présent et l’avenir, une méditation qui nous est utile en 2016. Il est difficile d’ignorer le commencement.
«Dès la proclamation de l’indépendance du Mali, le 22 septembre 1960, les manifestations de souveraineté et de patriotisme se succèdent à un rythme soutenu». (Bandiougou Gakou, Mémoire et guerre du Franc malien, Indépendant N 4059, mardi 23 août 2016 page 08).
Des résultats économiques avérés, tangibles et mémorables
Le Plan quinquennal a été la boussole pour le développement économique et social de la Nation. L’auteur intellectuel dudit plan a été le Docteur Seydou Badian Kouyaté.
Il fixe les objectifs à atteindre dans chaque domaine. Et a été adopté par l’Assemblée nationale le 17 Août 1961.
Il indique au peuple du Mali, le chemin à suivre (pour les 5 ans à venir), et l’avenir vers lequel il s’achemine. Il prévoit le développement de l’agriculture et de l’élevage, l’installation des industries de transformations, d’exploitation de nos ressources naturelles.
Il tient compte de tous les atouts et richesses du pays, pouvant permettre à notre peuple de réaliser des bonds qualitatifs dans l’édification du Mali nouveau. Le bilan de quatre (4) années du Plan quinquennal a été édifiant.
Notre économie, essentiellement de traite sous le régime colonial, a été fondamentalement transformée dans tous les domaines: agriculture, commerce, banque, transport, industrie.
Le Plan quinquennal n’a pas été un mythe. Il faut saluer les capacités réformatrices de l’Union Soudanaise RDA. Il a fait chaque jour un peu plus. Le Plan se donne trois objectifs dans le domaine rural:
– La réorganisation du monde rural dans la perspective d’un développement socialiste,
– La mise à la disposition de la paysannerie des moyens permettant d’améliorer sa productivité,
– L’introduction de cultures nouvelles afin de diversifier davantage la production.
La réorganisation du monde rural est entreprise à travers la nationalisation de l’Office du Niger, un nouveau système d’intervention de l’Etat et la transformation socialiste du monde rural.
Le Plan prévoit 70.000 ha nouveaux en plus de 40.000 existants. Sur la première tranche, plus de 20.000 ha ont été aménagés et se répartissent comme suit:
– Région de Bamako: 1816 ha;
– Région de Ségou: 7850 ha;
– Région de Sikasso: 1500 ha;
– Région de Gao: 1370 ha.
L’Office du Niger a pu dépasser de 600 ha son programme annuel de 4.000 ha.
Sur les 15.000 ha inscrits au Plan, 5000 ha de terre à coton ont été plantés. (Etude documentaire tome II, La conquête de l’indépendance et l’édification du nouvel Etat du Mali, Daba Diawara).
Un an après le lancement du Plan Quinquennal, il ressort la création de près d’une vingtaine de sociétés et entreprises d’Etat.
Je livre ici les plus frappantes, les plus significatives, et les plus pittoresques.
Les grands marqueurs que l’on retiendra: La Somiex (la société malienne d’importation et d’exportation), était destinée entre autres à mettre fin aux super bénéfices que réalisait le commerce privé.
Elle assurera la distribution des produits de première nécessité sur toute l’étendue de notre territoire à des prix très bas. Le paquet du sucre était vendu au même prix de Bamako qu’à Gao; c’est-à-dire sur l’ensemble du territoire malien.
Le cas de la Pharmacie populaire du Mali est saisissant, il suffit de prendre cet autre exemple: celui du vaccin anti polio vendu par la Pharmacie populaire à six cents (600 francs) et revendu par les pharmacies privées à mille six cent quatre-vingt quinze (1695) francs est un contraste impressionnant :
Sur un tout autre registre, il faut considérer les résultats concrets obtenus notamment dans la création de la Banque de la République du Mali (BRM), de la Régie des transports du Mali (RTM), des Transports urbains de Bamako (TUB), de la Banque populaire pour le développement (BPMD) et de la compagnie aérienne Air Mali.
La création de la compagnie aérienne Air Mali
A propos de la création de la compagnie Air Mali, cette représentation se lit dans les lignes sublimes du brillant économiste Bandiougou Gakou. «Là encore, la réplique cinglante des autorités ne tardera pas. Avec la soudaine émergence d’Air Mali, ce n’est pas seulement les drapeaux maliens flanqués aux ailes des Illiouchine qui parcourront les continents, mais ce sont des Bocoum, des Wattarra ou Wat, des Bafing aux commandes des bolides du ciel, qui viendront se poser avec une douceur enviable à Orly ou au Bourget, après un majestueux vol de nuit et par temps météo âprement rude. Au grand dam des personnels de ces aéroports».
La création de la monnaie, premier signe de souveraineté d’un pays
«Mais, dans ce processus fulgurant de remise de pendules à l’heure, c’est l’émergence du Franc Malien, en 62, qui semble avoir dérangé le terrible contexte international qui prévalait. Un pays communiste va-t-il damer le pion à ses voisins libéraux?».
L’amour de la patrie commandait les actions politiques et guidait dans le choix des orientations. La frappe de la monnaie malienne relevait d’un patriotisme sans égal. Ce fut un acte de courage politique, de fermeté morale, de dignité à tous égards, revalorisant l’homme malien et au-delà l’homme africain tout court.
Ce fut un grand acte de foi dans le Mali naissant, l’apothéose dans la reconquête d’un honneur longtemps étouffé, en dépit d’une évaluation très approximative du contexte régional et international». Ces analyses épiques de mon cher ainé, sont un régal pour l’esprit.
Par ailleurs le Plan quinquennal, quoique très ambitieux, a atteint globalement sa cible. Ce Plan qui s’inscrit dans la durée a ouvert le boulevard à de grandes et belles initiatives à tous les régimes qui se sont succédé au gouvernement de l’Union Soudanaise RDA.
Le plan a été une vraie marque dans l’histoire politique contemporaine du Mali. Pour clore ce chapitre, je cite «une des justifications économiques du socialisme était, selon le Président Modibo Kéita, «qu’il n’y avait pas de capitalistes maliens, pas d’industrie et de sociétés commerciales maliennes». Il dénonce par la même occasion la stérilité de l’activité commerciale issue de l’époque coloniale» (Dionké Diarra, thèse pour le Doctorat d’Etat en sciences économiques, Paris II septembre 1986, pages 71 et suivantes).
«La révolution politique doit ouvrir la voie à la révolution économique, sociale et culturelle. Tout cela était impossible dans le cadre du régime capitaliste, fondé sur la loi du profit maximum d’une poignée d’hommes. Force est donc de nous engager dans la voie du socialisme scientifique, en nous appuyant sur l’enthousiasme des masses populaires» (exit Modibo Keita). (Abdoulaye Charles Danioko, Contribution à l’étude des partis politiques au Mali de 1945 à 1960, thèse de Doctorat du 3e cycle, Paris, avril 1984 (pages 501 et 502).
L’histoire retiendra que sur un espace de temps relativement court des usines ont poussé comme des champignons et des milliers d’emplois ont été créés. En revanche, il est vrai que ces entreprises ne furent pas toujours des exemples de bonne gestion, comme cela a été observé et critiqué en son temps.
Cet épisode dont il est question mérite qu’on s’y attarde pour une exégèse. Il reste de nos jours que la bonne gestion d’une entreprise n’est l’apanage d’aucun concept ou régime économique et juridique.
Capitalisme ou Socialisme?
Etant entendu que le capitalisme se construit par antithèse du socialisme. En France présentement, en termes d’entreprises, l’indicateur global est au rouge. Les faillites d’entreprises abondent. Les défaillances de ces entreprises sont édifiantes en 2013 et 2014.
– 2013: 12790 ont déposé le bilan, soit une hausse de 7,5% par rapport à l’été 2012. (Monde Economique en date du 23 janvier 2015, Denis Cosnard).
– 44.900 entreprises: c’est le nombre d’entreprises qui ont fait faillite depuis 2013 en France, selon l’étude du Cabinet Altares publiée le mardi 15 octobre 2014 (Monde Economique). Les faillites d’entreprises enregistrent un nouveau record en 2014.
Sur tout autre chapitre, à l’époque, l’étatisation de l’économie, les prérogatives de l’Etat dans l’économie étaient plus prononcées, mais aujourd’hui, avec la distance du temps, on note avec une grande satisfaction que les pionniers de l’indépendance étaient des hommes de leur temps.
En 1945, c’est le Général de Gaulle qui a étatisé les entreprises en France. Le bonapartisme ressuscité sous la forme du gaullisme. «Depuis 1945, les gouvernements successifs, n’ont cessé d’accorder aux Français de nouveaux avantages sociaux. Cela n’a pas empêché l’économie de se transformer à un rythme rapide et le pouvoir d’achat d’augmenter comme jamais dans l’histoire de France.
Et, si la croissance a ralenti, ce n’est pas en raison de cette générosité excessive, mais à cause du choc pétrolier qui a plongé le monde dans la récession. Aussi bien l’expérience américaine montre que les périodes libérales ne sont pas celles où la croissance a été plus forte.
C’est un démocrate interventionniste, Franklin Roosevelt, qui a retrouvé le chemin de la croissance. Sous Chirac, réputé plus libéral, l’économie française retomba dans une sorte d’anémie». Laurent Joffrin, Le réveil français, Editions Stock, 2015.
Il est utopique de penser que les pays de la planète doivent obéir au même modèle de croissance et de développement. Exemple topique la Chine. Etant entendu que la Chine populaire est la première puissance commerciale du monde, conforme à sa culture sociale et économique façonnée par l’histoire.
Enfin, on peut dire que le Mali était plus fort qu’on ne le croyait. Le Mali faisait l’objet d’un culte quasi unanime. L’amour de la patrie était dans l’ADN des pionniers de l’indépendance. Un régime sans cesse glorifié par les discours publics, notamment par Nelson Mandela, monument historique. (Lors de sa visite officielle au Mali, dans les années Alpha).
Sur ces lignes, je termine en disant, en ce jour anniversaire de notre souveraineté nationale, merci infiniment aux pionniers de l’indépendance.
Gaoussou Diarrah, Docteur d’Etat en Droit AIX MARSEILLE III, Ancien consultant à l’Union Africaine
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