Contribution du groupe parlementaire du Parena au débat sur la déclaration de politique générale


Les députés du Parti pour la renaissance nationale (PARENA) vous remercient de la Déclaration de Politique Générale que vous avez lue devant la Représentation Nationale le vendredi 24 juin 2011.

Ils vous adressent leurs félicitations, à vous-même ainsi qu’à l’ensemble de votre équipe pour la confiance placée en vous et espèrent que votre mission sera couronnée de succès, en cette année particulièrement sensible où notre peuple est confronté à de multiples défis parmi lesquels :

la capacité du pays à nourrir ses habitants, à leur assurer l’autosuffisance  et la souveraineté alimentaires, la crise de l’école qui a atteint des proportions inquiétantes et dont les dernières manifestations laissent présager le pire à chaque instant, l’urgence à mettre en place une gouvernance moderne et prévisible avec une justice et une administration réhabilitées et regagnant la confiance du peuple, l’insécurité et l’instabilité sur de pans entiers de notre territoire qui nous font craindre une perte progressive de notre souveraineté du fait de la présence incontrôlée de groupes armés étrangers sur le territoire national et d’incursions d’armées régulières avec ou sans l’autorisation de notre Gouvernement,

L’organisation d’élections présidentielles et législatives régulières, transparentes et crédibles dans les délais constitutionnels sur la base d’un fichier électoral fiable, biométrique et consensuel, La lutte contre la corruption et le gaspillage des ressources publiques,

Madame le Premier ministre, au vu de l’ampleur des défis et des urgences du moment, la tâche paraît herculéenne dans le temps qui vous est imparti. Par loyauté, nous nous devons de vous dire la vérité !

Votre DPG ne donne pas l’impression d’avoir à faire à un gouvernement de mission, presque de crise qui doit faire face à plusieurs urgences en même temps alors qu’il ne dispose pas de temps.

Sans une prise de conscience aigue que le temps fait défaut, que les problèmes sont graves, la mobilisation fera défaut, l’immobilisme et les atermoiements des dernières années  continueront   avec le risque en cette année sensible, de conduire, à Dieu ne plaise, le pays vers l’impasse et l’instabilité.

Sur l’autosuffisance et la souveraineté alimentaires :

Curieusement, votre DPG ne fait aucune référence à l’objectif de 10 millions de tonnes de céréales en 2012 que votre prédécesseur avait annoncé avec force publicité devant la Représentation Nationale ! Dites-nous si le Gouvernement a échoué dans l’atteinte de cet objectif qui a pourtant mobilisé tant de ressources financières ! Si oui pourquoi il y a échec ?

Après l’initiative riz, il ya actuellement l’initiative maïs et l’initiative blé. Or pour parvenir à la  souveraineté  alimentaire, l’accent doit être particulièrement mis sur les céréales que consomme la majorité de notre population. Jusqu’ici, les céréales les plus cultivées et les plus consommées sont le mil et le sorgho. A elles seules, elles occupent 40% des superficies cultivées. Il ya par conséquent urgence à préparer une initiative mil et sorgho pour améliorer la productivité de ces céréales et ainsi assurer l’autosuffisance alimentaire des populations concernées. Des variétés à hauts rendements ont été développées pour ces céréales les équipes chargées de la recherche agronomique..

Il faut rappeler que la souveraineté alimentaire ne saurait concerner  seulement les céréales. Elle concerne aussi l’élevage et la pêche. Dans votre DPG, il n’y a pas d’objectifs quantifiés pour ces deux secteurs.   Quels sont les objectifs visés par le Gouvernement pour l’élevage et la pêche ?   

Dans sa DPG,  le  PM Modibo Sidibé, avait promis,  ici même,  la création de centres de collecte du lait. Or on ne peut  collecter que ce qui existe !  Le problème c’est le manque de lait surtout en saison sèche essentiellement dû au déficit d’aliments pour le bétail .  Quelle est la politique du Gouvernement en matière d’alimentation du bétail afin de pouvoir améliorer la productivité en viande et en lait et pouvoir ainsi contrôler les prix de ces produits

Sur l’Ecole :

Madame le Premier ministre, l’optimisme de votre DPG est en décalage totale avec la réalité. L’école malienne n’est pas en voie d’être refondée. Elle est à l’agonie. Il faut en faire un diagnostic rigoureux et sans complaisance afin d’y trouver les remèdes appropriés. Nous payons le prix fort pour les longues années de laxisme, de complaisance et de corruption entretenues au sein de l’Ecole. Nous payons le prix de la politique de l’autruche et de la cécité sur les dérives en tous genres dans l’espace scolaire et universitaire. Les violences enregistrées ces dernières semaines au sein de l’association des étudiants doivent nous inciter, vous inciter à ouvrir les yeux et à agir…Vous ne pouvez pas agir, vous ne pouvez pas restaurer l’autorité de l’Etat, l’autorité tout court à tous les échelons (pas seulement chez les apprenants) si vous continuez à croire que « notre école est en voie d’être refondée » !

Sur la Justice et l’Administration :

Madame le Premier ministre,

Les Maliens ont un besoin urgent d’un pays sûr et qui rassure ! Ils ont besoin d’une gouvernance moderne et prévisible. Pour ce faire la Justice et l’Administration doivent être reformées et modernisées. Il faut, toutes affaires cessantes, réhabiliter le mérite, sanctionner l’infraction et combattre l’impunité! A ce prix, ces secteurs clés regagneront la confiance des citoyens-usagers. A ce prix, nos amis qui veulent s’installer chez nous,  entreprendre et investir seront assurés et sécurisés.

Sur l’insécurité et l’instabilité dans la bande sahélo-saharienne :

Madame le Premier ministre,

Vendredi 24 juin 2011, au moment même où vous acheviez la lecture de votre Déclaration de Politique Générale devant l’Assemblée Nationale, l’armée mauritanienne donnait l’assaut contre un camp d’AQMI situé dans la « forêt » du Wagadu  sur le territoire malien.

Des montagnes de l’Adrar des Ifoghas (région de Kidal) au cercle de Nara                           de Taoudénit  aux rives du lac Faguibine en passant par les faubourgs de Tombouctou , des groupes armés islamistes appartenant à AQMI circulent et bivouaquent sur notre territoire.

Avant ce vendredi 24 juin 2011, l’armée mauritanienne était déjà intervenue deux fois sur le territoire malien : en juillet 2010 avec l’appui de commandos français et en septembre dernier où elle est restée plusieurs semaines combattant contre AQMI.

La terre sacrée du Mali est-elle sous notre contrôle ? Sommes-nous entrain de perdre notre intégrité territoriale et notre souveraineté ? Pourquoi notre armée ne combat-elle pas AQMI ? Pourquoi ce sont les autres qui le font sur notre territoire ? Récemment, l’armée nigérienne a affronté une unité d’AQMI sur le territoire du Niger. Ne pouvons-nous pas faire comme eux ? Pourquoi les mauritaniens entrent et sortent de chez nous comme ils le veulent ?

Que dire du narcotrafic qui nous  menace en tant que nation?  Que comptez-vous faire afin que les seigneurs de la drogue ne transforment pas le Mali en un carrefour de la cocaïne provenant d’Amérique du sud ?

Sur les élections de 2012 :

Le Parena est favorable à l’établissement d’un fichier électoral fiable, biométrique, crédible et consensuel.  

Notre groupe est inquiet de l’état d’impréparation des élections générales de 2012. Manifestement le précédent Gouvernement  n’avait rien fait pour préparer ces échéances. C’est intolérable.

Madame le Premier ministre,  le temps qui nous sépare des délais constitutionnels se réduit comme peau de chagrin. A moins de 10 mois de l’élection présidentielle, le pays ne dispose toujours pas de fichier électoral crédible et fiable! Or un fichier électoral fiable est la base d’élections transparentes. Les autorités doivent cesser les insinuations et les déclarations qui n’aident pas à parvenir à un fichier consensuel.

Au vu des déclarations solennelles du président de la République, le 22 septembre 2009, des propos du Président de la Cour Constitutionnelle,  du Directeur National de l’Intérieur  sur l’ampleur de la fraude électorale en 2007, et des conclusions d’une étude de la Délégation Générale aux Elections, il est évident que le fichier RACE n’est pas utilisable.

Vu le retard accusé par le Ministère dans la préparation des élections (dont il doit être tenu responsable), le Groupe PARENA propose de réformer l’actuel fichier avec les données biométriques du RAVEC,  d’établir les listes électorales sur la base du quartier et du village et utiliser la sectorisation pour faciliter la prochaine révision générale des listes.

Sur la Corruption :

Comme le narcotrafic, la corruption est une gangrène qui menace notre pays ! Il faut l’éradiquer par une lutte soutenue, par la prévention et par l’exemple qui doit venir d’en haut. Une gouvernance moderne et prévisible qui réhabilite la Justice et l’Administration sera un puissant levier de lutte contre la corruption.

CONCLUSION/RECOMMANDATION :

Madame le Premier ministre,

En cette année d’une sensibilité extrême, le temps, denrée précieuse, n’est pas votre allié. Aussi convient-il que vous vous concentriez sur les tâches qui sont urgentes et opportunes.

La préparation de l’élection présidentielle d’abord, ensuite des législatives est une mission urgente, opportune et constitutionnelle. Vous n’avez presque pas de temps suffisant pour mener à bien cette tâche eu égard à l’immobilisme de l’Administration pendant ces dernières années.

C’est dire que la réforme constitutionnelle que vous envisagez est inopportune ! Elle est non seulement inopportune, mais plus grave, elle va gêner la préparation des élections. Votre réforme interférera avec le processus d’organisation des élections, notamment en ce qui concerne les organes chargés de les préparer (aujourd’hui MATCL, DGE, CENI et demain Agence Générale des Elections).

Vous ne pouvez pas vous permettre d’engager un chantier qui risque de faire dérailler le processus électoral et constitutionnel et nous entraîner dans l’instabilité !

Le Mali a besoin de réformes institutionnelles et constitutionnelles mais pas à 10 mois d’élections cruciales mal préparées !

En outre, le CARI qui a rédigé  le rapport relatif aux réformes après une large écoute aurait dû faire valider ses conclusions par les forces vives du pays avant de l’envoyer directement au Gouvernement !

De même, nous ne comprenons toujours pas les raisons pour lesquelles le projet de révision constitutionnelle, solennellement remis au Chef de l’Etat le 19 avril 2010 n’a été mis en chantier que maintenant, 15 mois plus tard !

Ecoutez ceux et celles qui vous conseillent la prudence ! Entendez la voix de celles et de ceux qui vous soutiennent mais qui vous recommandent de ne pas faire prendre de risques inutiles au Mali.

Ecoutez la voix de la raison !

Entendez les conseils de sagesse. Ne faites pas de cette réforme une question d’orgueil ! Car il s’agit du Mali qui est au dessus de nous tous !

Je vous remercie au nom du PARENA et de son groupe parlementaire !!

Le Républicain 28/06/2011