A cause du rapprochement des leaders religieux et des hommes politiques, la religion s’est mise désormais au service des hommes qui l’utilisent à leurs fins pour conquérir les militants et détourner le denier public.
Depuis plusieurs années, les leaders religieux sont de plus en plus visibles aux côtés des politiques. Au-delà des consignes de vote, certains leaders religieux n’hésitent plus à s’afficher publiquement pour un candidat à l’élection présidentielle. En un mot, les religieux ont abandonné les mosquées et les églises pour s’aventurer sur un nouveau terrain glissant.
Malheureusement, ce rapprochement n’est pas sans conséquences. Ces leaders, censés être des conseillers, des défenseurs de la religion et surtout un rempart contre la corruption, sont devenus aujourd’hui de véritables acteurs de la corruption. Leur silence est lourdement récompensé par des billets de banque ou des infrastructures pharaoniques.
Les récentes révélations sur les supposés 100 millions donnés à Ousmane Chérif Haïdara par Soumaïla Cissé est un cas parmi d’autres. Des mosquées, des écoles coraniques, des voyages luxueux à La Mecque sont souvent offerts à des leaders religieux par les hommes politiques.
En contrepartie, les hommes politiques utilisent ces leaders religieux pour se faire une notoriété. Ces faits sont un secret de polichinelle au Mali. Les leaders religieux ne sont plus respectés pour leur franchisse, mais pour leur capacité de mobilisation des militants. Ayant pris les cadeaux des politiques, les leaders religieux se trouvent dans une situation où ils ne peuvent rien dénoncer, y compris la corruption. Pis, ils interviennent dans le cadre des médiations pour empêcher l’application de la loi.
A cette allure, on risque de mélanger les pédales, la situation risque de laisser des séquelles inoubliables dans notre pays. La situation a pris une tournure inquiétante, car le couple politique-religion commence à diviser sérieusement les fidèles pour leur appartenance politique. Elle fragilise la cohésion sociale et affaiblit la confiance entre les leaders et les citoyens.
Plus que inquiétant, car dans certains pays africains, la guerre religieuse a fait des dégâts. Notre pays qui fait face depuis 2012 à une crise multidimensionnelle, va-t-il tomber dans ce piège ?
Il est temps que ce couple se sépare pour la stabilité du pays. Les leaders religieux devraient retourner dans les mosquées pour prêcher la religion et dire les quatre vérités aux hommes politiques pour que cessent les dérives au Mali. Durant les prêches dans les mosquées et églises, seuls les débats politiques sont audibles, peu de place est désormais accordée à Dieu.
La dernière sortie médiatique du président du Haut conseil islamique du Mali, imam Mahmoud Dicko confirme le malaise entre les leaders religieux et les hommes politiques. L’heure est donc venue que chacun s’assume et joue pleinement son rôle dans la construction du pays.
Y. Doumbia