CONFRONTATIONS ENTRE L’EIGS ET GSIM AU NORD

La bataille fait rage entre l’EIGS et GSIM pour le contrôle d’un vaste espace dans le nord-est du Mali, Photo fourni par LE MATIN

Des enjeux géostratégiques au-delà de la catastrophe humanitaire

 

Depuis quelques jours, de violents combats ont repris entre l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) dans le nord-est de notre pays, notamment la région de Ménaka. Même si les hommes d’Iyad Ag Ghali ont relativement marqué des points, la victoire est loin de se dessiner pour l’un ou l’autre camp avec des moyens énormes déployés des deux côtés. Pour ne pas être pris en étau entre les belligérants ; les populations civiles se sauvent pour se mettre à l’abri entraînant du coup une hausse conséquente des besoins humanitaires du pays. Mais, au-delà de ce drame, pourquoi l’EIGS et le GSIM se battent-ils pour le contrôle de cette zone ?

 

Après avoir massacré des centaines de civils ces derniers mois dans des attaques coordonnées visant à semer la terreur et chasser les populations de leur terre, l’EIGS et le GNIM se livrent depuis quelques jours une rude bataille pour le contrôle de l’espace géostratégique des régions de Gao et Ménaka. Et selon des témoignages, ce sont les hommes d’Iyad Ag Ghali qui damnent le pion pour le moment à ceux de l’EIGS.

Même si, sur le terrain, rien ne semble être définitivement acquis pour un camp comme pour l’autre. Des deux côtés, des moyens importants sont déployés pour s’approprier cette vaste région du côté malien de la zone des «Trois frontières». Pendant des mois, les deux organisations terroristes ont semé la terreur (habitants tués, bétail emporté) pour vider la région de ses populations. Et aujourd’hui, ils se livrent une bataille féroce pour se l’approprier.

Cette guerre entre deux organisations terroristes, à priori, doivent nous enchanter si l’on se dit que l’un sera contraint de disparaître de la zone et que le groupe vainqueur sera aussi très affaibli parce qu’il aurait laissé des forces dans ces combats. Mais, en réalité, ces combats n’ont rien de rassurant si on essaye de répondre à la question : qu’est-ce que cette zone à de si précieux pour le GSIM et l’EIGS qui engagent tant de moyens pour la contrôler ? Visiblement, les enjeux dépassent les immenses richesses minières de la région des «Trois frontières» pour que Daech et Al Qaeda s’y s’affrontent par groupes interposés.

Nous savons que ces deux organisations antagonistes sont en quête de bases d’expansion. C’est notamment le cas de l’État islamique qui a vu son Califat tomber en Syrie et en Irak après des années de combats. Il a donc besoin de trouver une base d’ancrage pour contenter les nouveaux partisans qui ne cessent de lui prêter allégeance. C’est une organisation criminelle loin d’être anéantie militairement car toujours présente au sud de Syrte, en Libye voire dans l’ensemble de la bande sahélo-saharienne. Et, visiblement, il veut faire du nord-est du Mali son nouveau califat.

Ces affrontements cachent donc des desseins inavoués qui peuvent exposer notre pays voire le Sahel à une période d’instabilité plus longue qu’envisageable. Comme le rappelait un expert, «le Mali est le concentré explosif des maux d’une zone aussi immense que grise, qui va de l’Atlantique à l’océan Indien et où les trafics alimentent aussi bien les extrémistes islamistes d’Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), que les mouvements de guérilla touareg… ».

Les groupes armés terroristes tentent aujourd’hui par tous les moyens de créer un espace mobile dans la logique des «Empires de la route» afin de mieux contrôler les axes de circulation et de trafic indispensable au financement de leurs activités illicites. Des études ont démontré que Al Qaeda s’est transformée en label fédératif qui aspire et modifie la géopolitique des conflits qu’il enveloppe.

Aujourd’hui, il est indispensable que nos autorités maîtrisent tous ces enjeux afin d’inscrire dans la durée la montée en puissance des nos Forces de défense et de sécurité (FDS) contre l’hydre terroriste. Il faut donner les moyens aux Forces armées maliennes (FAMa) non seulement de chasser le GSIM et l’EIGS  de notre septentrion, mais aussi de s’y installer définitivement pour en garder le contrôle définitif afin d’éviter la coexistence déstabilisatrice avec un ténébreux et mafieux califat !

Moussa Bolly