Dans un document dont une copie nous a été donnée et intitulée « éléments de contribution de l’opposition politique aux TDR de la conférence d’entente nationale (CEN), l’opposition émet ses réserves et fait des suggestions pour la réussite de la rencontre annoncée dans l’accord signé en mai 2015 avec les mouvements armés.
1. Au regard de la dégradation de la situation du pays (insécurité, affaires, tâtonnements, instabilité gouvernementale), nous avons réclamé, à plusieurs reprises à partir de 2014, la tenue de concertations nationales pour remettre le pays sur les rails et le stabiliser. Nos appels ont eu un réel écho dans le pays : plusieurs acteurs ont demandé à leur tour des concertations.
Les pouvoirs publics n’ont donné aucune suite à ces appels. En septembre 2016, en marge de l’Assemblée générale des Nations et dans son message de Nouvel an 2017, le président de la République a annoncé l’organisation de la Conférence d’entente nationale prévue par l’Accord d’Alger. Nommé président du comité préparatoire, le Médiateur de la République a envoyé à l’opposition en février les TDR provisoires de la C.E.N.
2. Lors d’une rencontre, le 16 février, l’opposition a fait part de ses observations préliminaires sur les TDR et a rappelé ses positions antérieures sur l’accord de paix et sur les concertations nationales.
3. Les TDR provisoires mentionnent, entre autres :
– Construire une paix durable sur l’ensemble du territoire,
– Raffermir l’unité nationale,
– Assurer la réconciliation nationale,
– Réconcilier l’État et les populations.
Outre la production d’une Charte pour la paix et la réconciliation nationale et le débat sur l’Azawad, les TDR provisoires fixent comme « objectif spécifique » de la C.E.N., » l’analyse des causes profondes des crises que le Mali connaît dans sa partie septentrionale et centrale et qui ont des répercussions sur la paix et la réconciliation nationale ».
En tenant compte des objectifs inscrits dans les TDR provisoires, animés de la volonté de promouvoir une véritable entente nationale, nous suggérons que les points suivants soient pris en compte dans la rédaction finale des TDR.
Leur prise en compte permettrait une participation large et inclusive de toutes les forces vives du pays et contribuerait au succès de la conférence d’entente.
4. L’exclusivité :
Au regard de l’étendue et de la gravité des problèmes auxquels le pays est confronté, la C.E.N ne saurait se limiter aux seules parties signataires tel qu’indiqué dans l’article 5 de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Les groupes nés de la scission des regroupements initiaux signataires devraient être invités à apporter leur contribution à l’entente nationale. Il s’agit du CMFPR2 (Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance, 2), du CPA (Congrès du peuple de l’Azawad), des deux tendances du MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad), des deux tendances du CJA (Congrès pour la justice de l’Azawad). De même, les mouvements de résistance civile de Gao comme les Patrouilleurs et les principales associations d’agriculteurs, de chasseurs et d’éleveurs du Delta central doivent être invités. Les Maliens de l’extérieur, à travers leurs organisations représentatives, doivent y être associés à leur tour.
5. L’Accord pour la paix et la réconciliation nationale :
La conférence d’entente nationale doit être l’occasion d’une appropriation nationale de l’Accord d’Alger. Les forces vives du pays auront l’occasion d’apprécier l’Accord, d’évaluer sa mise en œuvre (en faisant le point des avancées et des difficultés rencontrées) et de faire des propositions d’amélioration en vue d’en faciliter l’application.
6. La situation au Centre :
Elle fait peser de sérieuses menaces sur la paix et la stabilité du pays tout entier. Dix circonscriptions administratives des régions de Mopti et Ségou et 2.900 000 personnes sont concernées. Les protagonistes de la crise du Centre doivent être invités pour débattre avec toutes les forces vives des moyens de restaurer la sécurité, la paix et la concorde dans cette zone charnière du Mali.
7. Les réformes politiques et institutionnelles : le président de la République a chargé une commission composée d’éminentes personnalités et d’experts de la tâche de réviser la constitution de 1992. Cette commission qui travaille dans le secret depuis des mois doit être invitée à présenter ses travaux à la conférence d’entente aux fins de recevoir observations et propositions d’amendements. Une telle démarche donnerait une solide onction consensuelle au projet de constitution.
8. Charte d’Entente Nationale :
Les termes de référence proposés prévoient l’adoption d’une charte pour la paix et la réconciliation nationale. Or, il ne saurait y avoir ni paix, ni stabilité, ni réconciliation, ni entente véritablement nationale sans la prise en compte des préoccupations majeures du peuple malien dont :
– L’armée et les forces de sécurité : leur restructuration et leur efficacité doivent être discutées par la conférence type et la durée de la présence des forces internationales ne doivent pas être des questions « taboues ». La stratégie de sortie de Barkhane et de la MINUSMA doit être débattue en relation avec la réforme, la refondation de nos forces de défense et de sécurité dans l’environnement sahélien instable qui est le nôtre.
– La bonne gouvernance et la lutte contre la corruption :
La bonne gouvernance et la lutte contre la corruption :
Élaborer une charte pour la bonne gouvernance et contre la corruption qui engagera toutes les forces vives du pays.
– Les élections transparentes et crédibles :
– En sortant de la crise du Nord et du Centre, le Mali doit aussi tourner le dos aux élections mal organisées et contestées. Comme il doit tourner le dos aux controverses et aux polémiques relatives aux règles du jeu institutionnel et électoral. Dans cet esprit, nous recommandons que la question de l’organisation d’élections crédibles et transparentes soit inscrite à l’ordre du jour de la CEN pour permettre aux forces vives du pays d’en débattre et d’atteindre un consensus sur les règles d’organisation des élections.
– Le foncier :
Tous les observateurs conviennent que le foncier constitue une bombe aujourd’hui qu’il faut désamorcer dès maintenant. En outre, les conflits récurrents entre agriculteurs et pasteurs nomades font des espaces pastoraux, des couloirs de transhumance et des gîtes d’étape, des questions brûlantes dont la conférence d’entente doit se saisir.
Bamako, le 9 mars 2017
Pour les partis Politiques de l’Opposition
Le chef de file de l’opposition P/O
Ibrahima N’DIAYE