Bamako, le 12 juin –Nommé Premier ministre par le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, le 08 avril, il y a 65 jours, pour « diriger et coordonner » l’action gouvernementale selon la Constitution, M. Abdoulaye Idrissa Maïga, a exposé lundi 12 juin devant l’Assemblée nationale sa déclaration de politique générale (DPG) qui marque l’entrée officielle en fonction du gouvernement qu’il a la charge de conduire. Il soumet ainsi à l’approbation des 147 députés élus par le peuple malien les orientations majeures de l’action de l’équipe gouvernementale au cours des mois à venir.
« Je puis vous donner l’assurance, a déclaré le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga en débutant sa déclaration de politique générale, que la satisfaction des aspirations légitimes [du peuple malien] restera la boussole de mon équipe qui s’engage à accomplir la mission qui est la sienne ». Cette mission, a annoncé d’emblée le Premier Ministre Maïga, sera consacrée à la « recherche inlassable du maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité » qui constitue, à ses yeux, « la condition indispensable au développement durable ».
Le Premier ministre a développé minutieusement tout au long de son exposé le programme ambitieux auquel son équipe va désormais s’atteler pour traduire en actions concrètes la vision du Président de la république, englobant quatre axes majeurs qui portent sur le parachèvement accéléré de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, l’apaisement du climat social, la satisfaction des besoins se rapportant au Programme présidentiel d’urgences sociales et l’adaptation de la diplomatie malienne aux ambitions du Mali en relation avec les questions aussi bien régionales, sous régionales qu’internationales.
Pour le Premier Ministre, l’axe numéro un consacré au « Mali en paix » est la mère de toutes les priorités nationales. Ce n’est pas par hasard si le passage le plus long de sa déclaration a été consacré au thème obsessionnel et lancinant de la paix qui exige une mobilisation effective et constante de toutes les forces vives de la nation et, en premier lieu,du gouvernement. Il s’agira de sécuriser les personnes et leurs biens, condition indispensable pour envisager toute perspective de développement. « La mise en œuvre efficace de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, insiste M. Maïga, constitue un pilier solide pour le retour de la paix, le renforcement de notre souveraineté nationale et le développement harmonieux de notre pays. »
D’ici au 30 juin, a annoncé le Premier Ministre, une mission de bons offices se rendra dans les régions de Kidal, du Delta intérieur et de la Boucle du Niger pour « rendre effective la présence de l’Etat à Kidal, contribuer à stabiliser le Centre et surtout consolider davantage le vivre ensemble ». En somme, un ensemble de mesures permettra de favoriser progressivement le retour de l’Etat sur toute l’étendue du territoire, « plus particulièrement en assurant un retour visible de l’administration à Kidal et l’installation des structures de l’Etat dans la nouvelle région de Taoudénit ».
Le Premier Ministre n’a pas manqué de « saluer et de féliciter » les forces armées et de sécurité nationales pour leur dévouement, leur grandeur d’âme et leur sens de la patrie jamais démentis dans leur mobilisation à défendre le Mali. Leur dévouement est d’autant méritoire qu’ils sont exposés aux pratiques perfides d’une guerre totalement asymétrique imposée au Nord et au Centre du Mali. Evoquant la réforme de l’armée nationale entreprise, il a promis que la Loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) sera mise en œuvre de façon efficiente et rigoureuse pour permettre aux forces armées nationales et de sécurité d’être à la hauteur des défis et des enjeux dans la lutte contre le terrorisme.
Il a souligné le besoin de mettre l’accent sur le renforcement des capacités d’anticipation, d’intervention et de protection des forces de défense et de sécurité par l’acquisition d’équipements appropriés et modernes notamment les aéronefs et les matériels de soutien pour l’armée de l’air.
Après avoir informé de la mise en place sans délai d’un Plan intégré de sécurisation des régions de Ségou et Mopti, le Premier ministre s’est engagé à faire bénéficier les enfants des militaires morts au front, déclarés « Pupilles de l’Etat et de la nation » par des textes officiels, d’une prise en charge des frais scolaires, médicaux, ainsique l’octroi d’une bourse entière d’enseignement supérieur et, le cas échéant, du placement en institutions spécialisées.
Le second axe porte sur la nécessité de promouvoir le dialogue social dont la finalité est d’encourager un consensus entre les travailleurs et l’administration afin de trouver des solutions aux questions économiques et sociales épineuses pour favoriser la paix et la stabilité sociale et, en même temps, améliorer la gouvernance. Dans cette perspective, deux mesures-phare sont envisagées. La première est relative à l’adaptation du Code du travail en vigueur à l’évolution du contexte socioéconomique et institutionnel destinée à apaiser les tensions sociales et à stimuler le secteur privé pour en faire le moteur de l’économie nationale. La deuxième mesure vise la création d’un Conseil national du dialogue social favorisant l’animation d’un cadre permanent de concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux pour prévenir d’éventuels conflits. Il est également prévu d’envisager la tenue de tables rondes pour atténuer la tension dans les secteurs de la santé, de l’éducation et par rapport à la problématique salariale.
La réduction des inégalités sociales par rapport à l’accès aux services sociaux de base concernant des besoins indispensables comme l’eau, les soins de santé, l’énergie, les pistes rurales qui sont la trame du Programme présidentiel d’urgences sociales, constitue le troisième axe prioritaire dont l’objectif est de fournir aux populations vulnérables des services essentiels. A cet égard, le projet d’alimentation en eau potable de la ville de Bamako à partir du quartier populaire de Kabala prévoit en 2018 de permettre à plus d’un million de personnes d’avoir de l’eau potable. Selon les prévisions du gouvernement, en 2018, le taux national d’accès à l’eau sera porté à 73% de la population urbaine et 65% en milieu rural, contre respectivement 70% et 63,3% en 2015.
S’agissant de l’énergie, le Premier Ministre a annoncé que le gouvernement se propose de porter en 2018 le taux d’accès à l’électricité en milieu urbain à 89% contre 80% en 2015 et pour le milieu rural, 31,23% contre 17,57% en 2015. « Le développement socioéconomique de notre pays, souligne M. Maïga, nous impose d’accorder une place de choix à l’électrification rurale et sa pérennisation parce qu’en plus, elle est un facteur important dans l’essor des activités génératrices de revenus et dans la lutte contre le banditisme. »
Dans le programme ambitieux, mais réaliste, que le Premier Ministre entend mettre en œuvre avec son équipe de trente-cinq ministres, la santé n’est pas en reste. Le plan de réforme sanitaire en cours sera poursuivi. Les grands hôpitaux nationaux comme le Point G, Gabriel Touré, l’Hôpital du Mali, l’Hôpital de Kati ainsi que les hôpitaux régionaux verront leur système de gestion mieux organisé. Le renforcement du système sanitaire inclura également la construction prochaine des centres d’hémodialyse et un centre de prise en charge de la drépanocytose à Kayes et Mopti.
Sur le plan de l’éducation, l’ambition du gouvernement se traduira par une amélioration de la qualité des programmes à tous les niveaux. L’accès à l’éducation se traduira par l’élévation du taux d’admission au premier cycle qui passera ainsi de 59,6% en 2015 à 67% en 2018.
Pour ce qui est de la fluidité de la circulation en milieu rural, le Premier Ministre Maïga a promis la construction prochaine d’un millier de km de pistes dans les régions de Koulikoro, Sikasso et Mopti. Sur ce total, quatre-cents km faciliteront l’accès aux vergers de mangues en toute saison dans la région de Sikasso. En matière d’emplois, M. Maïga s’est engagé à mobiliser des ressources financières en vue de la création prochaine de 8 500 emplois et à poursuivre le programme d’urgence dans les régions du Nord.
Soulignant l’importance de l’agriculture dans l’économie nationale du Mali, le Premier Ministre, révélant que 15% des ressources budgétaires lui ont été consacrés, a estimé la participation de ce secteur au PIB à hauteur de 31% et une contribution de 2,2% aux 6% du taux de croissance nationale. Il a déclaré que les efforts qui seront concentrés sur le secteur agricole visent à en faire un vecteur majeur de la croissance pour tendre vers l’autosuffisance alimentaire et ainsi « assurer le bien-être des Maliens ».
Abordant la politique nationale en matière de relations internationales, le Premier ministre est revenu sur les importantes retombées de la récente visite en avril du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, au Royaume d’Arabie Saoudite. Il a rappelé qu’au terme de cette visite, plusieurs projets d’envergure ont été agréés par les autorités saoudiennes au nombre desquels figurent la construction d’un aéroport à Kidal, d’un quatrième pont à Bamako, d’infrastructures routières et un hôpital ultra-moderne et la mise en circulation des trains-voyageurs sur la voie ferrée entre Bamako et Kayes.
Pour la concrétisation de ce vaste programme, le Premier ministre a annoncé la mobilisation d’un ensemble de dotations budgétaires d’un montant de 2 201, 164 milliards F CFA soit une augmentation de plus 500 milliards par rapport à l’exercice budgétaire de 2017 s’élevant à 1 682, 829 milliards F CFA.
La mise en œuvre d’un tel programme exigera d’importants efforts de la part de tous les Maliens et plus spécialement de la part du gouvernement dont le train de vie a été drastiquement réduit puisque tous les départements ont été ainsi invités à diminuer d’environ 15% leurs dépenses de fonctionnement. Les efforts consentis sont destinés, a révélé M. Maïga, à « assurer la paix et la sécurité, le bon fonctionnement de la justice, la relance économique et le renforcement de la politique de décentralisation ». Il fera remarquer que « dans cette période, les efforts budgétaires de l’Etat sont évalués à plus de 6 milliards F CFA. »
Il mettra un accent tout particulier sur les attentes du peuple malien. « Nous avons compris l’aspiration légitime des Maliennes et Maliens à une vie meilleure, à vivre en paix et en sécurité, à accroître leurs revenus et à avoir des emplois. C’est pourquoi, sous l’impulsion du Chef de l’Etat, nous avons décidé d’accélérer la marche du pays vers une société plus solidaire, plus apaisée, plus harmonieuse, résolument tourné vers l’innovation, le progrès et un développement bien intégré ».
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