Le Reporter : Qui est en fait Idriss Ali Hamaha ?
Idriss Ali Hamaha : Je suis le colonel Idriss Ali Hamaha, ex-chef militaire du Mouvement arabe de l’Azawad (Maa), chef du service de renseignements de la Coordination des mouvements de l’Azawad. Je faisais partie du Maa, la branche qui est du côté de la Coordination. J’ai quitté cette dernière parce qu’aujourd’hui, je suis pour l’unité nationale. Je pense qu’il faut aller à la réalité des choses ; qu’il faut rappeler aux citoyens du Nord et à tous les autres citoyens du pays que nous nous trouvons à un tournant crucial de l’histoire de notre pays; qu’il faut que les frères du Nord puissent aller les uns vers les autres pour l’unité de ce pays. Je pense aussi que nous nous trouvons dans un pays de droit et la chance pour nous, Maliens, c’est que nous ne sommes plus dirigés par une dictature.
Qu’est-ce qui a motivé votre décision de vous retirer du maquis ?
Le chef de l’État a été élu au suffrage universel et je pense qu’il est là pour le bien du pays. Il a aussi pris conscience de la situation. On le remercie pour l’œuvre d’apaisement. Mon message est simple : j’invite tous les Maliens, qu’ils soient du Nord ou du Sud, à œuvrer pour l’unité nationale.
Comment vous vous êtes retrouvé sur le terrain avec les armes en main ?
Je suis membre de la tribu Berabich, je suis Arabe, âgé d’environ une cinquantaine d’années. J’ai été formé par l’armée libyenne dans les années 1980, avant de séjourner au Tchad. J’ai ensuite activement participé à la rébellion du Nord du Mali dans les années 1990. Après la signature du Pacte national et la «Flamme de la paix» à Tombouctou en 1998, je suis allé en France pour m’installer et j’ai créé une entreprise de sécurité privée. Devenu chef de famille, je revenais régulièrement en vacances avec ma femme et mes enfants à Tombouctou et à Bamako.
Et comment vous vous êtes retrouvé dans la rébellion de 2012 ?
Avec l’éclatement de la rébellion de 2012 et à la suite du coup d’Etat militaire, j’ai rejoint mes frères dans la rébellion et pris la tête du service de renseignements du Mouvement arabe de l’Azawad. Je suis devenu après chef militaire du Maa dans la zone de Ber, le bastion des Arabes de Tombouctou. Actuellement, je veux donner une chance aux pourparlers, c’est ce qui a motivé ma décision.
Qu’est-ce qui explique aujourd’hui votre retournement de veste ?
Je n’ai pas opéré de retournement de veste. Il faut être clair, je n’ai jamais été indépendantiste. Le Maa est un mouvement du Nord qui défend le principe des droits qu’a un citoyen. Nous revendiquons donc des droits légitimes et le combat continue. Puisque que nous sommes dans un pays de droit, notre combat peut être mené à Bamako comme ailleurs. Et quand on a la chance d’avoir en face de soi des personnalités étatiques responsables, démocrates, je pense qu’on doit tout simplement mener la lutte sur le terrain du droit. Nous avons une vision de la situation dans notre pays.
Quelle est cette vision de la situation ?
Celle d’un citoyen qui veut utiliser la paix comme arme de combat pour atteindre ses objectifs. La réalité des choses est que 80 à 90% des populations demandent la paix. Quand on a la chance d’être dans un pays de droit, on peut atteindre son but sans les armes. Le Mali entier doit être uni. De toutes les façons, on n’a pas besoin de vivre ce que vivent aujourd’hui les deux Soudan, celui du Sud et celui du Nord.
Donc vous voulez vous battre autrement, après avoir déposé les armes ?
Le vrai problème du Nord du Mali aujourd’hui est celui du développement. Mon combat, c’est l’éducation, la santé, les problèmes que rencontrent au quotidien les citoyens. Certes nous avons nos problèmes au Nord, mais il y en a aussi au Sud. Un village de la région de Tombouctou et un village de la région de Kayes peuvent se ressembler. On a des enfants maliens qui sont dépourvus de tout. Voilà un des vrais défis à relever par la Nation. Je pense que le chef de l’État et le gouvernent doivent prendre la responsabilité d’unir ce pays. D’ailleurs, cela doit être le combat de tout le monde. Il faut unir les gens et pourquoi ne pas créer une 3ème région sonrhaï, la région de Ménaka, et pourquoi pas la création de la région de Taoudéni.
Vous devriez allez à Alger, qu’est-ce que vous allez faire là-bas ?
En voyant les populations souffrir sur le terrain, on doit laisser les armes. Cela, pour éviter à notre pays une guerre entre les communautés, une guerre ethnique au Nord. C’est pourquoi je pense qu’avec les pourparlers, l’espoir est permis. L’espoir est permis à partir du moment où tous les protagonistes ont accepté de s’asseoir à la table des négociations. Moi-même, je vais me rendre en Algérie dans les jours à venir. Mon rôle à Alger, c’est aller vers les uns et les autres, la Plateforme comme la Coordination, pour inciter tout le monde à revenir à la réalité. Nous, les gens du Nord, ne devons pas nous taper dessus. L’unité nationale passe par l’unité des gens du Nord, si l’on veut vraiment obtenir une paix durable. Je lance un appel à mes frères du Maa à revenir à la raison. Pour moi, le seul combat valable aujourd’hui, c’est l’unité de ce pays. On a cette problématique qui bloque tout et qui se trouve dans un mot que certains ont diabolisé. Ce mot est l’appellation Azawad. Pour moi, il n’y a rien de diabolique dans cette appellation. Azawad, c’est le nom d’un terroir, comme le sont le pays Dogon ou encore le Kénédougou dans la région de Sikasso. Notre pays ne va pas disparaître. Il est et restera toujours le Mali Un et Indivisible.
Vous avez un mot pour conclure cet entretien ?
Je pense qu’on ne doit pas mettre en doute ma sincérité, mon engagement pour la paix et l’unité du pays. Je suis un homme qui veut être juste avec lui-même et avec les autres. Les populations du Nord me connaissent. Elles connaissent aussi très bien l’histoire de ma famille. Je viens d’une famille qui apaise les tensions. Certes, on a pris les armes dans les années 1990 et tout récemment encore, mais je pense que l’espoir renaît aujourd’hui. La plupart des gens au Nord se réconcilient. Le monde entier ne veut pas la division de ce pays. Alors, je ne sais pas comment, nous, on peut le diviser.
Réalisée par Kassim TRAORE