«J’ai changé de camp, car le gouvernement malien a beaucoup de difficultés à faire assurer la défense du territoire par l’armée» a dit, d’entrée de jeu, Gamou à notre confrère Nicolas Champeaux. Puis, quand on lui a demandé s’il ne faisait pas confiance à la junte, il a répondu: «non, ce n’est pas une question de confiance… Si le Mali n’arrive pas à se battre sur le terrain, c’est difficile. J’y suis depuis un bon moment et je ne suis pas appuyé quand je le désire. Si le Mali n’a pas les moyens d’assurer son unité nationale, cela est d’autant plus difficile pour moi. Actuellement, même Gao est aux mains de l’ennemi».
En réalité, avant de prendre cette décision, «le Colonel Alhaji Gamou a passé plusieurs nuits d’insomnie», selon ses proches. Et pour cause. Depuis la première défaite cuisante enregistrée face aux assaillants à Kidal et l’attaque du camp d’Amashah, à Tessalit, début février, les rebelles, notamment les éléments d’Ansar Dine d’Iyad Ag Aghaly avaient juré de lui faire la peau. Cette menace était donc permanente et la prise de la capitale de l’Adrar des Ifoghas n’a fait que resserrer l’étau sur lui.
Il n’avait plus que deux solutions : soit fuir vers le Niger, en enlevant sa tenue, avec le risque de rencontrer les éléments d’Aqmi qui ont investi Ansongo entre temps (ce que Gamou a juré ne jamais faire), soit faire un deal avec les éléments du MNLA qui lui sont le plus proches (C’est un Imghad de la région de Gao et le MNLA projetait déjà d’assiéger la Cité des Askias). C’est pour la deuxième solution que le Colonel a opté. «Je suis aujourd’hui aussi bien abattu physiquement que moralement. Depuis que j’ai intégré l’armée malienne, j’ai juré de ne jamais la trahir. Mais, aujourd’hui, je sens que je suis à bout. Je me suis battu comme je pouvais, avec les moyens que j’avais. Contre des hommes puissamment armés et un Etat qui ne peut pas m’épauler dans ma lutte, je ne peux que trouver une solution qui puisse nous sauver, moi et mes camarades» nous a confié le Colonel, dimanche, la gorge très serrée.
Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Sans vouloir minimiser les efforts d’autres éléments des forces armées et de sécurité qui ont combattu aux côtés du Colonel Alhaji Ag Gamou, il faut reconnaître que ce vaillant soldat a prouvé à la nation malienne qu’il voulait la servir. Déjà, dès le 17 janvier, date de l’attaque de Ménaka, le bouillant Colonel s’était porté volontaire pour aller secourir ses frères d’armes. Mais le commandement militaire lui avait demandé de rester à Kidal et de sécuriser la zone. Une zone qui sera, une première fois, attaquée vers la mi-février. Les rebelles seront repoussés par le Colonel et ses hommes. C’est encore lui qui a rompu le fameux «repli tactique» d’ATT pour aller en découdre avec les rebelles qui avait pris en otage la localité d’Adiel Hoc. Sans renfort conséquent, il a finalement battu en retraite.
A Tessalit, vers la mi-février, le Colonel Gamou, ses camarades Ould Meydou et Didier Dackouo, ont affronté avec les moyens qu’ils avaient le trio MNLA – AQMI -Boko Haram. Le Colonel Gamou a été de toutes les campagnes au Nord Mali pour éradiquer la zone de tous les maux qu’elle a toujours connus. Sa désertion n’honore certes pas l’armée malienne, mais il faut comprendre que le Colonel ait voulu, comme d’autres de nos soldats, sauver sa tête. A la seule différence de plusieurs d’entre eux, qui ont pris leurs jambes à leur cou avant même d’avoir vu l’ennemi. Il est, lui, tombé les armes presqu’à la main.
Paul Mben
Le 22 Septembre 02/04/2012