Depuis le second putsch du 24 mai, on assiste à un rétrécissement de l’espace démocratique. Les voix discordantes sont muselées et les plus téméraires sont mis en prison.
« La plupart des interlocuteurs traditionnels avec lesquels on échange sur la situation du Mali ne peuvent plus parler. Parce qu’ils ont des craintes pour eux-mêmes, pour leur famille » déclare à la DW, le journaliste et écrivain nigérien Seidik Abba. Mais les journalistes de la rédaction Afrique de la DW qui travaillent sur le Mali ont fait un constat similaire. Ce climat de peur ne surprend toutefois pas maître Mamadou Ismaïla Konaté, avocat et ancien ministre de la Justice. »On sait bien que la spécificité du régime militaire, dans un contexte politique, c’est que l’expression de l’autorité est forte. L’anéantissement des libertés est une évidence. Et la négation absolue des droits aussi. Le propre de tout régime militaire, que les populations africaines, aussi bien au Mali, en Guinée ou au Niger ont applaudi, se termine toujours dans des contextes ou les espaces de liberté se réduisent. C’est un contexte où le jeu politique est totalement anéanti. C’est un contexte dans lequel il y a la superdominance des militaires et l’expression du pouvoir absolu par le biais des armes », déclare-t-il.
Dictature de Moussa Traoré
L’expression de ce pouvoir rappelle à bien des égards les 23 ans de la dictature de l’ancien président malien, Moussa Traoré, qui dirigea son pays d’une main de fer. Selon Seidik Abba, « il y a une sorte de dictature rampante. On peut vous incarcérer sans considération des lois.On peut empêcher votre évacuation sanitaire, comme ce qui est arrivé à Soumeylou Boubèye Maïga, alors qu’un collège de médecins indépendants avait requis son évacuation sanitaire. On peut perdre son immunité, en tout cas pour ce qui est arrivé à Issa Kaou Djim qui était un conseiller au CNT (Conseil national de la transition, l’organe législatif), qui a été mis en prison de façon irrégulière puisqu’il pouvait bénéficier de l’immunité parlementaire. Il y a un climat de dictature, de terreur qui amène à considérer que le Mali a reculé d’au moins une vingtaine d’années ou une trentaine d’années. »
L’économiste Etienne Fakaba Sisoko est en prison depuis janvier dernier. Son tort ? Il était intervenu dans plusieurs médias, maliens et étrangers, à propos de possibles répercussions des sanctions de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest et de l’Union économique et monétaire ouest africaine sur le Mali.
Arrêté une première fois en décembre dernier, puis libéré en janvier, l’ancien opposant au président IBK, Oumar Mariko, vit pour sa part dans la clandestinité depuis quelques jours. Le président du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance est recherché par la justice pour avoir critiqué la junte au pouvoir et affirmé que l’armée était en train d’assassiner des gens. Maître Mamadou Ismaïla Konaté, estime pour sa part que « le peuple du Mali ou les peuples africains ont acquis un niveau de maturité qui ne permet pas pendant très longtemps de courber l’échine et de laisser faire. Donc, cette situation, à la limite, peut résulter bien évidemment d’un instinct populaire, d’un instinct de nationalisme exacerbé, de patriotisme affirmé au-delà des limites. Et c’est pour ça que la veille doit être permanente, l’attention doit être vive et le contrôle citoyen doit être totalement permanent. »
Contacté, aucun responsable politique n’a souhaité se prononcer sur ce climat de terreur constaté au Mali.
Eric Topona
Source: DW.COM