Le 20 janvier reste l’une des dates majeures dans la concrétisation de notre souveraineté nationale et l’affirmation de notre fierté et de notre liberté. C’est ce jour là, en 1961, que le dernier militaire français quitta le sol malien.
Depuis cette date, que chemin parcouru ! L’armée malienne n’a pas cessé de croître, gérant au mieux ses humeurs, ses convulsions, ses problèmes de discipline, mais toujours au service de la Nation. Aujourd’hui, l’armée a fait sa mue pour redevenir une armée du peuple, une armée républicaine résolument tournée vers le développement socio-économique et la sauvegarde de la paix et de la sécurité.
Si le 20 janvier 1961 est considéré comme la date de création de l’armée, l’histoire de l’Armée malienne remonte en réalité à 1959, lorsque le Sénégal et Soudan décidèrent de former la Fédération du Mali afin de constituer un Etat économiquement et militairement intégré. Mais pour des raisons politiques et mêmes militaires, la Fédération eut une existence éphémère. Les positions des initiateurs différaient par trop. Alors que Léopold Sédar Senghor du Sénégal préconisait, malgré la naissance de la Fédération, d’entretenir des relations militaires avec l’ancienne puissance colonisatrice, Modibo Keïta du Soudan était pour une souveraineté totale à tous points de vue (nationale et internationale).
L’éclatement de la fédération
A ce premier point de discorde s’est greffé celui né du choix d’un chef d’état-major des armées de la Fédération. Les responsables politiques soudanais avaient proposé le colonel Abdoulaye Soumaré promu au grade de général de brigade par la suite, tandis que le Sénégal portait son choix sur le colonel Fall. Sur ce point, Modibo Keita aura le dessus, car le général Soumaré sera nommé chef d’état-major général des armées de la Fédération. Mais l’aventure tourna court. La jeune Fédération éclata dans la nuit du 18 au 19 août 1960.
Certains disent d’ailleurs que le président Modibo Kéïta, en fin stratège, avait pressenti de la mort prématurée de la Fédération. Ainsi dès le 15 février 1959, il avait fait rapatrier le capitaine Pinana Drabo qui servait à Antananarivo à Madagascar. Il lui aurait alors donné comme instruction de former l’armée nationale.
A son retour au pays, le capitaine Drabo commença à faire venir tous les officiers soudanais déployés un peu partout au service de l’armée de la Communauté française. Sékou Traoré et Kélétigui Drabo, tous deux capitaines à l’époque furent les premiers sollicités. Les militaires rapatriés furent regroupés au camp de N’Tomikorobougou appelé « Camp Guifflot ». Après les officiers, ce fût le tour des sous-officiers et hommes du rang qui étaient, eux aussi, déployés à travers les unités de la Communauté, au Sénégal, en Guinée, au Niger, en Haute Volta (actuel Burkina Faso), au Dahomey (actuel Bénin), au Togo etc.
C’est ce maigre effectif de nos nationaux qui donna naissance à un embryon d’armée nationale commandée par le capitaine Pinana Drabo qui était alors l’officier malien le plus ancien dans le grade de capitaine. Après l’éclatement de la Fédération du Mali, le président Modibo Keïta fit appeler le général Abdoulaye Soumaré pour lui confier les destinées de la jeune armée nationale, pendant que le capitaine Pinana Drabo était envoyée à Ségou comme commandant en chef des armées. Après le congrès extraordinaire de l’Union soudanaise RDA lors duquel le Mali opta pour la voie socialiste de développement, l’évacuation des garnisons étrangères établies en différents points du territoire national fut exigée. Les Maliens entendaient aussi assumer le plein exercice de leur souveraineté militaire tant interne qu’externe. Cette décision très courageuse dans le contexte de l’époque fut acceptée par la France qui n’a opposé aucune réticence dans la passation de consignes.
Manque cruel d’effectif
Dès lors, le général Abdoulaye Soumaré fit revenir de France six jeunes aspirants parmi lesquels Moussa Traoré (futur auteur du coup d’Etat du 19 novembre 1968), qui ont dû achever leurs études d’officiers sur le terrain dans la formation des hommes et au commandement des unités.
Avant l’éclatement de la Fédération, l’armée fédérale était organisée en bataillons composés de Soudanais et de Sénégalais. L’un des bataillons qu’on appelait Bataillon autonome du Soudan occidental (BASO) était implanté à Kayes. Le bataillon saharien était basé à Nioro, tandis que les groupes nomades (GM) se trouvaient à Tombouctou. Les Français partis, la Fédération éclatée, l’armée malienne se retrouvera confrontée à un manque cruel d’effectifs. Il fallait chercher à redimensionner l’armée. C’est ainsi qu’un groupement fut installé à Ségou et coiffait les secteurs de Tombouctou et Gao. Un autre basé à Kati commandait les zones militaires de Bamako et Kayes. Une compagnie saharienne motorisée (CSM) fût créée à Kidal. Plus tard, l’on assista à la création sporadique d’unités.
Depuis le mémorable congrès extraordinaire de l’US-RDA en 1960, les troupes françaises avaient commencé à quitter le pays. C’est à la date historique du 20 janvier 1961 que le dernier soldat français quitta le pays, concrétisant ainsi l’affirmation de la volonté de notre peuple d’user de toute sa souveraineté militaire. Dès lors, le Mali ne confiera plus de responsabilité de défense à une puissance tierce et développera d’ailleurs une diplomatie militaire multiforme et diversifiée, fondée sur l’intégration et la recherche de la paix et la sécurité dans le monde. Aussi, en cas d’agression extérieure, le pays ne peut que compter sur ses propres forces.
Mais le concept de souveraineté militaire au double plan interne et externe ne nuit pas à la coopération technique avec des puissances étrangères, notamment en ce qui concerne la formation des cadres maliens. Nombre d’entre eux ont ainsi été formés dans les grandes académies militaires en France, dans l’ex-URSS, aux Etats-Unis, en République Fédérale d’Allemagne, en Roumanie, en ex-Yougoslavie.
Malgré cette diversité des horizons de formation, ce fut le tableau d’effectifs de guerre de la puissance colonisatrice qui fût adoptée.
Il est à noter par ailleurs que le 3 août 1961, le président de l’Assemblée nationale, Mahamane Alassane Haïdara, a signé la loi N°81/ANRM portant organisation générale de la défense. Cette loi de défense avait pour objet d’assurer en tout temps, en toute circonstance, contre toutes les formes d’agressions, la sûreté et l’intégrité du territoire, ainsi que la sauvegarde de la vie des populations. Elle pourvoit de même au respect des alliances, traités et accords internationaux. Les principes de défense sont déterminés par les autorités constitutionnellement responsables. Une délicate et exaltante mission commençait ainsi dans le pays fraichement indépendant. La jeune armée, malgré un manque cruel de moyens matériels et humains, décida de s’assumer en restant fidèle aux différents principes qui sous-tendent la politique de défense du pays.
La loi 81/ANRM comptait six titres et 27 articles. Les premiers textes de base créant l’armée prévoyaient un nouveau statut pour elle. Par exemple, il était stipulé dans ce statut que tout citoyen malien devait effectuer le service militaire personnel obligatoire. Ces textes prévoyaient des gradés et des soldats du contingent et de carrière recrutés par voies d’appel, d’engagement volontaire et de réengagement. Les conditions exigées pour tout citoyen désireux de faire carrière dans l’armée, étaient d’avoir au moins 18 ans accomplis et au plus 22 ans, être célibataire, n’avoir encouru aucune condamnation effective ou infamante, jouir de ses droits civiques et être physiquement apte. La durée du service obligatoire est de 24 mois, les durées d’engagement variant entre trois et cinq ans. La retraite proportionnelle était de 15 ans de service effectif.
Avant le coup d’état militaire de 1968, il y avait des emplois réservés. Les militaires ayant fait 15 ans de service effectif pouvaient être reversés soit au corps des gardes et goums, soit à la police, la douane ou aux eaux et forêts. Il n’y avait pas de recrutement spécial à l’époque pour les gardes et goums.
Période de flottement
De cette période à nos jours, beaucoup d’eau a coulé dans le lit du fleuve Niger. Et les textes ont été modifiés au fil de l’évolution et de la croissance de l’armée. Avec l’avènement de la démocratie en 1991, l’armée se trouva face à un nouveau contexte. Elle entra dans une période de flottement qui allait durer jusqu’à l’arrivée de feu Boubacar Sada Sy, à la tête du ministère des Forces armées et des Anciens combattants. C’est sous l’impulsion de celui-ci que fût tournée la page des mauvais souvenirs, de l’indiscipline et de la gestion chaotique.
Les solutions préconisées alors aux problèmes et préoccupations de « la Grande muette » devaient être appliqués suivant un chronogramme précis avec en bonne place l’informatisation des structures et la professionnalisation dans tous les domaines de la vie des militaires. Le plan quinquennal ébauché en cette période fût adopté.
Les ministres qui se sont ensuite succédé à la tête du département ont enrichi ce plan. De Mamadou Ba à l’actuel titulaire du département, Natié Pléa, en passant par Mohamed Salia Sokona, Soumeylou Boubèye Maïga, Mahamane Kalil Maïga, Mamadou Clazié Cissouma.
Dans cette loi de programmation militaire, une attention particulière est accordée à la continuité du commandement. Tous ceux qui ont géré la Défense se sont efforcés de traduire dans les faits, le contenu de cette loi : l’informatisation pour mettre fin à la gestion artisanale et aux lourdeurs administratives, la résolution des problèmes de matériel et d’équipement, la réhabilitation ou la création d’infrastructures et de casernement, l’amélioration de la situation socio-sanitaire des militaires et de leurs familles, l’application d’un code de justice militaire, la nouvelle organisation générale, la nouvelle carte de défense et la participation des nos forces armées et de sécurité aux missions de maintien de paix, l’organisation des militaires retraités, la formation continue des cadres de l’armée, sont entre autres préoccupations prises en compte.
Rassemblés par AKM Source Essor 19/01/2011