Or les destins s’accomplissent toujours. Pour les autres, avoir le privilège d’être la boîte noire de la troisième République, avoir apposé sa signature sur tant d’arrêtés et de décrets équivaut à avoir crée autant de faiseurs de rois. Et on ne peut pas arriver jusque-là sans vouloir être roi. Pour le plan de carrière et ou pour le projet de grandeur du pays que peut porter chacun d’entre nous. Ce n’est que mercredi 30 mars 2011 que les radars furent un peu brouillés.
Ce jour là, Modibo Sidibé démissionne de son poste de Premier ministre mais, pour beaucoup, dans une forme peu courante en République. Il était évident que le gouvernement, lui avait été purement et simplement limogé. Plus grave, et ce n’était pas le deuil pour tout le monde, le président Touré venait aussi de flinguer l’héritier. La lettre de remerciement du président comme ses propos antérieurs et ultérieurs rendaient à César ce qui lui appartenait -discrétion et loyauté ! – Mais trop tard, l’oiseau rare semblait avoir pris du plomb dans l’aile. Il ne lui restait plus qu’à chuter des hauteurs qui furent toujours les siennes.
C’est vrai, les plus sceptiques d’entre nous ne verront dans le désamour annoncé entre l’ancien commando et le flegmatique policier qu’un camouflage. Pour deux raisons : un, nous sommes en République et il faut casser la logique de dauphinat ; deux, Att aime vivre caché et ne sortir qu’à l’heure H. L’enfant du Bani a-t-il déteint sur le riverain de Djafarana ? En tout cas, Modibo Sidibé ne pipe mot de son projet présidentiel, s’il en a. Aux affaires, il avait mis un point d’honneur à ne pas l’évoquer, y compris à ses proches. Parti de la primature, il a beaucoup reçu, il reçoit encore toujours et beaucoup.
Du monde comme des coups. Les clubs de soutien se sont mis en mouvement pour lui. Et les rumeurs aussi mais plus contre que pour lui. Comme les colonnes entières de véhicules tout terrain dédouanés rubis sur ongle, les centaines de containers huit pieds plein de kits du candidat prêt à lancer une campagne à l’américaine. S’il ne desserre toujours pas les dents, Modibo Sidibé est pourtant candidat. D’abord, il est devenu un enjeu. Tant de mouvements de soutien ne naissent pas d’une génération spontanée. Ils obéissent à une stratégie, ils parlent d’eux- mêmes mais surtout ils parlent pour leur héros.
Deuxièmement, à défaut d’être ouvertement le candidat d’Att, l’ancien Premier ministre sait que l’ancien patron ne le combattra pas. Peut-être ne peut-il même pas rester indifférent à son sort lui qui fut l’une de ses rares passerelles sur toute la décennie Konaré, -lequel a pour lui une estime connue-, qui fut son secrétaire général puis son Premier ministre. Troisièmement, il n’est pas sûr que Sidibé trouve ni suffisant ni exaltant d’avoir juste été « un grand commis de l’Etat ».
Sa Déclaration de politique générale que l’on devrait prendre le temps de décoder à la lumière du contexte préélectoral porte la griffe d’un politique et pas d’un technocrate. Il ne peut pas ne pas méditer le sort que l’urne a fait à son défunt aîné Mandé Sidibé. Mais le cadet a eu plus de relais et d’exposition. S’il n’est pas élu en 2012, il pourra tout au moins arbitrer ce scrutin et l’avenir. C’est pourquoi, sans recourir au conditionnel, nous affirmons ici qu’il est candidat.
Adam Thiam
Le Républicain 09/09/2011